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Etat des églifes d'Italie, de France & d'Allemagne au commencement du feizieme fiecle. Pontificat de Pie III, Commencemens de Jules II. Concile de Pife.

L

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E pape Alexandre VI. mourut vers le milieu du mois d'Août de l'an 1503. comme nous l'avons vû dans le tome précédent. Les troubles qu'il y eut à Rome auffi-tôt après fa mort, obligerent de différer le conclave, & l'on n'en fit l'ouverture que les premiers jours de Septembre. Il s'y trouva trente-huit cardinaux, de quarante-fept qui compofoient le facré collége. Avant que de procéder à l'élection, il fut ordonné dans le conclave, que quiconque feroit élu pape, s'engageroit par un ferment folemnel à convoquer Tome VIII.

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dans deux ans un concile général, qui s'affembleroit enfuite de trois en trois ans, pour rétablir la difcipline de l'Eglife, remédier à la corruption des mœurs qui étoit devenue géné rale, & réformer les abus de la cour de Rome. Tous les cardinaux jurerent folemnellement d'obferver ce réglement, qui ferviroit déformais de loi dans l'Eglife. Nous verrons comment il fut obfervé.

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On procéda enfuite à l'élection. Ceux des cardinaux qui prétendoient au pontificat, comptoient beaucoup plus, pour y parvenir, fur leurs intrigues & le crédit de leurs amis, que fur la probité, la vertu & la fcience, qu'ils regar doient comme des titres au moins inutiles. Le cardinal d'Amboife, archevêque de Rouen & premier miniftre de Louis XII. avoit de grandes efpérances; & peut-être eût-il été nommé, s'il n'avoit été trahi par ceux-mêmes qui paroiffoient lui être le plus attachés. Son principal adversaire étoit Julien de la Rovere, cardinal de faint Pierre aux liens, neveu de Sixte IV. Il avoit néanmoins depuis longtemps de grandes liaisons avec la France; mais il avoit auffi une ambition démefurée d'être pape, & il ne pouvoit fouffrir que perfonne osât le lui difputer. Il mit donc toute fon: application à exclure le cardinal d'Amboife, comme celui dont il avoit le plus à craindre. Après avoir employé différens artifices qui lui réuffirent, il crut, pour plus grande fureté, devoir s'unir au parti qui vouloit faire pape Piccolomini, cardinal diacre, nommé à l'archevêché de Sienne & neveu de Pie II. C'étoit s'exclure lui-même du fouverain pontificat; mais il étoit presque affuré que ce ne feroit pas pour long-temps, attendu que ce cardinal étoit vieux, & fi infirme que l'on ne croyoit pas qu'il pût vivre encore un mois. D'ailleurs il fentoit bien qu'il n'auroit point de part cette fois à l'élection, & il fe trouvoit trop heureux, s'il venoit à bout d'écarter le cardinal d'Amboife. Lorsqu'il vint folliciter les cardinaux Efpagnols de donner leur voix à Piccolomini, ils parurent fort furpris de le voir parler fi vivement en faveur de ce cardinal, auquel il avoit été juf qu'alors très-peu favorable. Mais ils s'unirent à lui, lorsqu'il

Ies eut affurés que ses sentimens étoient finceres, & qu'il ne
jettoit les yeux fur le cardinal de Sienne, que parce qu'il le
croyoit le plus grand ennemi de la France. La plupart des
autres cardinaux ayant pris le même parti, Piccolomini eut
la pluralité des voix, & fut élu le vingt-deuxieme de Sep-
tembre, après trente-cinq jours de vacance du faint fiége.
Il prit le nom de Pie III. parce qu'il étoit neveu par
fa mere
de Pie II. C'étoit le plus régulier de tous les cardinaux. Il
defiroit fort de réformer le clergé, fur-tout la cour de Rome,
& en particulier certains cardinaux qui deshonoroient par
leur faste, leur luxe, & des vices encore plus fcandaleux,
la dignité dont ils étoient revêtus. Quelques jours après fon
élection, on lui fit à la jambe deux incifions, qui lui cau-
ferent beaucoup de douleur. Le cardinal de faint Pierre aux
liens lui donna l'ordre de prêtrife le trentieme de Sep-
tembre, & le facra évêque le lendemain. Il fut couronné le
Dimanche huitieme d'Octobre par le cardinal de faint
Georges.

III. Mort de Pie

III.

Ibid. n. 22.

Dès qu'il fut élû, il donna ordre aux François de fortir au plutôt de l'état Eccléfiaftique. Le cardinal d'Amboise après avoir été fort mal du reçu & avoir effuyé les pape, railleries des Romains, voulut faire de nouveaux traités & Juiv. avec les Urfins & les Baglioni; mais ces feigneurs qui s'étoient fervis, pour lever des troupes, de l'argent que la France leur avoit fourni, quitterent fon parti, fous prétexte qu'elle foutenoit le duc de Valentinois, & allerent se joindre aux Efpagnols. On publia dans Rome le douzieme d'Octobre une ligue faite entre les Colonnes & les Urfins, pour aller dans le royaume de Naples fecourir les Efpagnols contre les François, mais le pape ne vécut pas affez de temps pour en voir le fuccès. Il ne fit que languir depuis fon élection, & dès lé fixieme jour il fe trouva hors d'état de s'appliquer aux affaires. Il mourut le treizieme d'Octobre, après s'être fait administrer l'extrême-onction & enfuite le viatique par fon confeffeur. On l'inhuma à faint Pierre dans le maufolée qu'il avoit fait dreffer quelque temps avant fa mort.

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II.

A peine la cérémonie des funérailles étoit-elle achevée, que Julien de la Rovere, cardinal de faint Pierre aux liens, travailla à fe faire un parti qui pût l'élever fur le faint fiége. II employa plus de quinze jours à former toutes les intrigues. Il eut même recours au fameux duc de Valentinois, fe réconcilia avec lui & lui fit de magnifiques promeffes. Le duc de fon côté lui promit les fuffrages des creatures d'Alexandre VI. & ces cardinaux,' pour plus grande fureté, s'y engagerent par ferment. L'ouverture du conclave fe fit le trente-unieme d'Octobre; & dès le lendemain jour de la Touffaints, toutes les voix fe trouverent réunies en faveur du cardinal de faint Pierre aux liens. C'eft ainsi que Dieu, pour le punir de fon ambition, permit qu'elle fût enfin fatisfaite. Son élection avoit été concertée & réfolue avant l'on entrât au conclave, & l'on avoit même fait graver que par avance fon nom fur l'anneau du pêcheur, & mettre ses armes en plufieurs endroits de Rome. Il voulut être appellé Jules II. Comme il avoit l'humeur guerriere, on dit qu'il prit ce nom en mémoire de Jules-Céfar. Il étoit né dans un bourg près de Savone, d'un frere du pape Sixte IV. qui l'avoit fait cardinal. Il étoit d'un caractere inquiet & changeant. Il fut fucceffivement évêque de Carpentras, d'Albano, d'Oftie, de Bologne & d'Avignon. La multitude des translations n'effrayoit point dans le malheureux temps dont nous parlons. Le vingt-neuvieme de Novembre le pape fit une promotion de quatre cardinaux, dont deux étoient fes neveux. (a) Il donna au commencement de l'an 1505. une bulle, dont l'objet étoit plus édifiant qu'on ne Pauroit attendu de lui. Comme tout le monde étoit scandalifé des brigues par lefquelles on parvenoit au pontificat, le pape, qui avoit fatisfait fon ambition, voulut mettre un frein à celle des autres. Il ordonna par la bulle dont nous

(a) [Selon le pere Fabre, continuateur de M. Fleury, l'un étoit neveu de Sixte IV & l'autre de Jules II. ]

parlons, que fi déformais il y avoit de la fimonie dans l'élec tion des papes, l'élection feroit nulle, & que l'on puniroit févérement ceux qui auroient eu part à la fimonie. Îl publia fix mois après une autre bulle fort différente. Elle ordonnoit à tous les bénéficiers, qui, fuivant l'ufage moderne, devoient prendre des provifions de la cour de Rome, de ne pas manquer de s'y adreffer, & de payer les annates.

V.

Jules II. fait

guerre en Itaprend de rebâ tir l'églife de Rome. Ibid. n. 117.

lie. Il entre

S. Pierre de

& fuiv.
AN. 1596.

Louis XII. qui régnoit en France au commencement du feizieme fiecle, rendit au pape Jules des fervices impor- lui même la tans dès les premieres années de fon pontificat. Jules par reconnoiffance lui céda par un indult la nomination aux bénéfices du duché de Milan, & conferva au cardinal d'Amboife la dignité de légat en France, qu'il lui avoit donnée dès qu'il fut pape. La protection de Louis XII. mit Jules II. en état de faire des conquêtes en Italie. Il leva des troupes, fe mit lui-même à leur tête & prit plufieurs places : car il avoit un goût décidé pour les expéditions militaires. Il voulut en même-temps illuftrer fon pontificat par une entreprife éclatante. L'église de faint Pierre du Vatican bâtie par Constantin tombant en ruine, il conçut le deffein de la rebâtir entiérement, & de lui donner une forme plus augufte. Le célébre Bramante, qui avoit rétabli le goût de l'architecture antique en Italie, en donna le plan. Jules publia des indulgences pour tous ceux qui contribueroient à la structure de cet édifice, qu'il vouloit rendre magnifique, & qui par les divers accroiflemens qu'il prit dans la fuite, eft devenu le bâtiment le plus fuperbe qu'il y ait dans le monde. Le dix-huitieme d'Avril 1506. Jules en pofa lui-même la premiere pierre en préfence des cardinaux & d'un grand nombre de prélats. Il efpéroit conduire cet ouvrage à sa perfection; mais il en vit à peine quelques fondemens de pofés. Cette même année il confirma la régle des Minimes. Elle étoit triple, pour les religieux, les religieufes, & les perfonnes du tiers ordre. Elle avoit été changée trois ou quatre fois, & fut enfin fixée cette année 1506.& confirmée par Jules II. Saint François de Paule vivoit encore, & ng mourut que l'année fuivante,

ne

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