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imitons-le dans son repentir. Que notre conversion soit, comme celle de saint Pierre, prompte, sincère, ferme et persévérante. Rien ne résiste au regard de Jésus, à l'action secrète de la grâce. La chute de saint Pierre eut pour lui des suites heureuses. Elle rendit son amour pour Jésus plus ardent, sa reconnaissance plus vive; elle le rendit plus humble, plus défiant de lui-même; elle le guérit de sa confiance présomptueuse, et lui donna la force de mourir à son tour pour son divin Maître. Apprenons, à son exemple, à tirer profit, pour notre avancement spirituel, des fautes ou des chutes que nous avons à déplorer.

B. Désespoir et mort de Judas.

Mt. XXVII, v. 3. « Alors Judas, celui qui le trahit, voyanı que Jésus était condamné, se repentit. » - Le repentir de Judas semblerait avoir tous les caractères d'nne sincère pénitence. Il reconnaît son crime, qui se découvre à sa conscience dans toute son horreur; il en èprouve une douleur amère; il le confesse publiquement, en présence du Sanhédrin, sans chercher à l'excuser, à l'atténuer; il veut réparer le mal qu'il a fait ; il proclame l'innocence de Jésus, et voudrait, s'il le pouvait, Î'arracher à la mort. Il rend l'argent qu'il a reçu, et repousse loin de lui, avec horreur, le prix de son infâme trahison... Combien de pécheurs, dont la pénitence prétendue offrirait difficilement les mêmes caractères ! Et pourtant, c'était une fausse pénitence, une pénitence de réprouvé, parce qu'elle était destituée de confiance et d'amour de Dieu. Ce n'est pas le péché que Judas déteste, ce sont les suites du péché qui l'épouvantent. Son témoignage en faveur de Jésus-Christ, lui est extorqué en quelque sorte malgré lui, par les angoisses et les terreurs de sa conscience. Il ne croit plus, comme Pierre, à l'amour compatissant du Sauveur et à la miséricorde divine, et il met le comble à son crime, en mourant en désespéré.

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« Il rapporta les trente pièces d'argent aux prêtres, en disant: J'ai péché, en livrant le sang innocent. » L'argent, dont l'amour avait toujours été la passion dominante de Judas, qui avait été la cause de sa chute, et pour lequel il avait livré son Maître, lui fait maintenant horreur; il n'en peut plus soutenir la vue... il croit en voir dégoutter du sang... Il en est ainsi de tous les pécheurs. La passion une fois assouvie se change en dégoût, et enfante le remords. La conscience du pécheur se réveille, ne connaît plus la paix; et une voix secrète qu'il ne peut etouffer, lui crie au fond de l'âme : Malheureux, qu'as-tu fait? ~« J'ai péché, en livrant le sang innocent. » Témoignage irrécusable de l'innocence et de la sainteté de Jésus, sortie d'une

bouche ennemie, arraché à Judas, malgré lui, par les reproches de sa conscience, et que la vérité seule a pu lui inspirer.

v. 4. « Mais ils lui répliquèrent: Que nous importe? c'est ton affaire. » Horrible et révoltante parole, dans la bouche de prêtres et d'accusateurs de Jésus-Christ. Que leur importe l'innocence de Jésus-Christ? Il la connaissent parfaitement; ils n'en veulent pas moins sa mort. Que leur importe qu'un pécheur se convertisse et avoue son crime, qu'une brebis revienne au bercail? Ils la repoussent sans pitié, et la dévouent au désespoir. C'est la voix de Caïn qui se fait entendre. (Gen IV, 19). La conscience a cessé de parler à ces âmes gangrenées, et elles sont perdues sans retour.

v. 5. « Et ayant jeté l'argent dans le temple, il se pendit. » -«Miserrimus Judas, qui pejus de peccato poenituit, quam peccavit.» (S. Greg. Maj.) Le désespoir est le seul crime pour lequel il n'y a point de pardon. C'est l'incrédulité qui multiplie les suicides: c'est ce qui expliqne pourquoi ils sont si communs de nos jours.

v. 6. « S'étant consultés entre eux, ils en achetèrent le champ du potier, pour la sépulture des étrangers. C'est pour cela que ce champ s'appelle encore aujourd'hui Hakel-Dama, c'est-à-dire, le champ du sang. » C'est ainsi que les Juifs, sans le savoir, instruments de la Providence, élevèrent en quelque sorte, de leurs propres mains, un monument d'infamie, destiné à perpétuer le souvenir du crime des Juifs et la honte du traître.

PROJETS HOMILÉTIQUES.

A. CHUTE ET PÉNITENCE DE SAINT PIERRE (Mt. xxvii. 69–75.)

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I. Causes de la chute de S. Pierre.

1) Tiedeur, refroidissement de la charité dans le cœur de l'Apôtre. a) Sur le mont des Olives, il néglige la prière, et, malgré les reproches du Sauveur, se laisse entraîner au sommeil : « Simon, dormis? » b) Après la prise de Jésus, il suit encore son Maître, mais, de loin: «Petrus autem sequebatur eum à longè. » « Petrus, promissor egregius, cæpit ambulare longinquius » (S. Aug.). - 2) Confiance présomptueuse. a) Malgré les prédictions du Sauveur, il se fie à ses propres forces, et ne peut croire à la possibilité d'une chute: « Introivit in atrium. » b) 'Il s'expose imprudemment au danger, en se mêlant aux hommes grossiers qui avaient emmené Jésus-Christ : « Sedebat cum ministris ad ignem, et calefaciebat se. » c) Il parle inconsidérément au lieu de garder le silence: « Loquela tua manifestum te facit. » d) Il se laisse entraîner à une curiosité imprudente : « Ut videret finem. » 3) Peur, faiblesse, crainte des souffrances. a) Il rougit de passer pour le disciple d'un homme méprisé : « Non novi hominem. » b) Il craint de partager le sort de son Maître : « Nescio

hominem istum quem dicitis. » — « Nonne ego te vidi in horto cum illo? » - Evitons nous-mêmes les causes du péché qui ont été si funestes pour saint Pierre.

II. La chute elle-même.

Pierre

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Les divers caractères de cette chute sont : 4) l'ingratitude. avait été comblé de tant de grâces, choisi pour être le chef des Apôtres, admis sur le Thabor.... il avait fait de si belles promesses. - 2) Une étonnante faiblesse, unie à une incrogable présomption. Il s'expose à tous les dangers...; une première, une seconde chute ne le rendent pas plus prudent, moins présomptueux..., et il succombe à la voix d'une servante: « Quem cum vidisset ancilla quædam. » - 3) Les rechutes multipliées, et le progrès dans le crime. a) Il renie son Maître, une première, une seconde, une troisième fois. Dans la voie du mal, il n'y a que le premier pas qui coûte. b) Il rougit de paraître un disciple de Jésus : « Numquid et tu ex discipulis es hominis istius?..... Dicit ille Non sum. » c) Il se rend coupable d'un lâche mensonge, en disant qu'il ne le connaît pas : « Non novi illum, » d) Au mensonge, il joint le serment, le parjure: « Et iterum negavit cum juramento. » e) Au parjure, il joint l'imprécation, l'anathème : « Tunc cæpit detestari, anathematizare, et jurare. » — « Abyssus abyssum invocať. » 5) Retour sur nous-mêmes. a) Sommes-nous moins ingrats que saint Pierre? Quelles grâces n'avons-nous pas reçues, et quel usage en avons-nous fait ? b) Sommes-nous plus forts que lui et moins présomptueux? Que de fois la moindre occasion n'a-t-elle pas suffit pour nous abattre? c) Rappelons-nous les promesses que nous avons faites à Dieu, lors d'une première communion, d'une mission, etc., et voyons comment nous y avons été fidèles. d) Ne rougissons-nous jamais de paraître chrétiens, et de confesser publiquement notre foi, notre amour pour Jésus-Christ? e) Avons-nous une juste horreur pour le mensonge, le parjure, le blasphême, l'imprécation? f) Résistons-nous courageusement dès le commencement de la tentation, persuadés que tout dépend de lui, et que, si nous faiblissons dès le commencement, elle nous entraînera bientôt de chute en chute.

III. La pénitence.

La pénitence de saint Pierre modèle d'une véritable pénitence, car elle en a toutes les qualités. Elle est : 1) surnaturelle, causée, a) par le souvenir des prédictions de Jésus, que lui rappelle le chant du coq: « et statim gallus cantavit. » Que de fois Dieu se sert de circonstances extérieures..., une adversité, une mort, une mission, etc., etc., pour nous rappeler à la foi! b) Par le regard de Jésus, et l'impression de la grâce. Sans ce regard de miséricorde, Pierre était à jamais perdu. Nécessité et puissance de la grâce, don gratuit de la divine miséricorde. 2) Intérieure et sincère: « Flevit amare. » Il ne parle pas, il pleure: « Non invenio quid dixerit, invenio quod fleverit. » « Pœnitentiam veram non facit nisi odium culpa. » Où est maintenant cet esprit de pénitence? -3) Prompte, instantanée; il ne temporise pas, il ne diffère pas; heureusement pour lui, car certainement Jésus ne l'aurait pas regardé une seconde fois : « Ne tardes converti ad Deum,

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S CXIX. CHUTE DE S. PIERRE. 297 et ne differas de die in diem. » 4) Active, efficace: « Et egressus forás. » Il sort en toute hâte, et fuit bien loin de la maison de Caiphe devenue si funeste à son innocence. La première marque d'une conversion sincère, c'est la fuite, l'éloignement des occasions de pécher. Plus tard, il confessera Jésus-Christ par le martyre. 5) Humble, et accompagnée d'une sainte crainte; la vaine présomption est abattue pour toujours. 6) Persévérante, jusqu'à la mort. Chaque nuit au chant du coq, dit S. Clément, il se relevait de terre, seule couche où il prit un peu de repos, pour pleurer son infidélité, et continua cette mortification pendant les trente dernières années de sa vie. Lors de son martyre, il voulut par humilité, être crucifié la tête en bas. Examinons si nous trouvons en nous tous ces caractères d'une véritable pénitence.

B. MÊME SUJET.

INDICATIONS HOMILÉTIQUES.

I. Jésus-Christ et saint Pierre, dans le palais du grand-prêtre.

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1) Jésus est garotté; Pierre est libre. Jésus est entre les mains d'ennemis altérés de sang; Pierre n'a affaire qu'à des servantes, des valets curieux, indiscrets, grossiers, mais au fond, pas dangereux. 3) Jésus se tait, quand il pouvait parler; Pierre parle, quand il devait se taire. 4) Jésus atteste la vérité, même lorsqu'elle le dévoue à la mort, par un serment solennel; Pierre nie la vérité par un parjure et une imprécation. 5) Jésus court volontairement à une mort certaine; Pierre, pour échapper à un danger imaginaire, renie son Maître, qui va mourir pour lui. 6) Jésus, chargé de calomnies, de railleries, d'outrages les plus indignes, reste calme et digne, pur et saint; Pierre, succombant à une légère épreuve, tombe de chute en chute.

II. Le portrait de saint Pierre.

Le récit de la chute de saint Pierre, nous le dépeint tel qu'il est. Nous trouvons en lui: 1) un caractère ardent et vivement impressionnable, inconstant dans le bien comme dans le mal; 2) un manque de connaissance de soi-même et de sa propre faiblesse ; 3) une confiance présomptueuse en ses propres forces; 4) une précipitation inconsidérée et imprudente; 5) une chute prompte, soudaine; 6) un retour au bien, une conversion également prompte, soudaine et victorieuse.

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III. Le regard du Seigneur.

Expression, 1) d'un souvenir qui ne s'effacera jamais : Que t'ai-je dit? 2) d'un tendre reproche Est-ce ainsi que tu compatis aux peines de celui qui meurt pour toi?-3) d'une profonde compassion: Quelle chute pour celui qui devait être le fondement, la colonne de mon Eglise! 4) d'une douce consolation: Malgré ta faute, je suis toujours ton bon Maître, et j'ai prié pour toi.

IV. Chute de Pierre.

Considérée, 4) à la lumière de sa vocation, de sa dignité apostolique. Chute déplorable; 2) à la Inmière de son caractère propre, et des

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circonstances... Chute explicable; 3) à la lumière de notre propre conscience. La condamnation expire sur nos lèvres coupables.

V. Les larmes de Pierre

4) Honorables pour Jésus; — 2) consolantes pour Pierre; 3) instructives pour nous. Les larmes de Pierre ne font pas moins d'honneur à Jésus que les trente pièces de Judas jetées dans le temple.

VI. Plus nous nous confions en nous-mêmes, plus la grâce de Dieu s'éloigne de nous.

C. JÉSUS PARAIT UNE SECONDE FOIS DEVANT LE SANHÉDRIN.
(L. XXII, 66-81.)

I. Motifs de cette seconde réunion.

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4) Il fallait ratifier la première condamnation, lui donner une forme juridique, moins illégale en apparence, et capable d'en imposer au peuple: « Et ut factus est dies, convenerunt seniores plebis, et principes sacerdotum, et Scribæ, et duxerunt illum in concilium suum. » — 2) Ils voulaient se concerter ensemble sur la manière dont ils s'y prendraient, sur les chefs d'accusation qu'ils présenteraient, pour faire ratifier leur sentence par le gouverneur romain « Manè autem facto, consilium inierunt..., ut eum morti traderent, » Que l'impiété est active et artificieuse! mais le Seigneur sait confondre la sagesse des méchants et la prudence des enfants du siècle. 3) Dans les desseins de la Providence, Jésus devait rendre un second témoignage de sa divinité plus précis, plus formel, plus éclatant encore que le premier : « Tu ergo es Filius Dei?... Vos dicitis quia ego sum. » — Reconnaissons en Jésus-Christ notre Sauveur et notre Dieu.

II Réponse de Jésus.

Il reproche aux Sanhedrin : 1) leur incrédulité cachée, incrédulité inexcusable, parce qu'elle est volontaire : « Si vobis dixero, non credetis mihi. » Il en faut dire autant des incrédules de nos jours. — 2) Leur nature obstinée : il est impossible de convaincre celui qui ne veut pas être convaincu : « Si autem et interrogavero, non respondebitis mihi, neque dimittetis. »—3) Leur punition assurée: en faisant mourir Jésus-Christ, ils ne font que l'élever dans la gloire..., et se préparer un juge inexorable. Celui qu'ils jugent maintenant, les jugera un jour . « Ex hoc erit Filius hominis sedens à dextris virtutis Dei. » - - Pensons nous-mêmes à ce juge redoutable, devant lequel nous comparaitrons

tous.

III. La sentence du Sanhedrin.

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Sentence, 1) injuste: Elle condamne un innocent: « At illi dixerunt: Quid adhuc desideramus testimonium?... reus est mortis ; » impie elle condamne la vérité divine elle-même; 3) décisive pour le peuple juif. La Synagogue repousse, au nom de toute la nation, qu'elle représente, ie Messie qui vient la sauver : « In propria venit, et sui eum non receperunt; » 4) funeste pour les juges eux-mêmes.

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