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présence du peuple Juif, en présence de ses accusateurs, de ses ennemis acharnés, par ce même juge, qui tout à l'heure, aura la lâcheté de le condamner à la flagellation, puis à la mort. Que de crimes la faiblesse seule de caractère peut faire commettre!

M. xxvii. 15. « C'était une coutume que, le jour de la fête de Pâques, le gouverneur fit mettre en liberté un prisonnier à leur choix. Or, il y avait en prison un malfaiteur, nommé Barabbas.... Qui voulez-vous, leur dit-il, que j'élargisse? Barabbas, ou Jésus, que vous proclamez le Christ?»-Conduite injuste et inexcusable de Pilate! Lui qui est juge, qui vient de déclarer lui-même l'innocence de Jésus, il s'humilie devant le peuple; il lui donne le droit de choisir, là où lui seul doit décider. Il se rend l'esclave des passions de la populace, pour qu'à son tour elle garde le silence sur ses propres injustices. Il livre le sort de l'innocence aux caprices d'un peuple entraîné et séduit; il abandonne au hasard ce que la justice seule doit décider; il met l'innocence reconnue en parallèle avec le crime!

v. 19. « Tandis que Pilate siégeait sur son tribunal, sa femme nvoya lui dire qu'il n'y ait rien entre vous et ce juste : car j'ai été aujourd'hui étrangement tourmentée en songe à cause de lui. » - L'épouse de Pilate fut alors véritablement pour lui son bon ange. Elle avait de plus nobles sentiments que son mari, était désintéressée et impartiale dans cette affaire, et lui parlait comme sa propre conscience. Pilate en fut vivement impressionné; mais, étourdi par les clameurs des Juifs, cédant à une lâche frayeur, il repousse les avis de son bon ange, et tombe sous la puissance de l'ange des ténèbres. - Quand l'homme veut faire le mal, Dieu, souvent, dans sa miséricorde, l'avertit d'avance, par le trouble secret de sa conscience, par la voix d'un ami fidèle, d'une épouse chrétienne. Malheur à celui qui repousse cette voix divine. C'est un devoir pour chacun de nous, d'être à l'occasion, l'ange gardien de nos frères; une épouse chrétienne, en particulier, doit être celui de son mari. Les songes peuvent être quelquefois la voix de Dieu pour nous.

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« Quand Pilate leur cria de nouveau: Que voulez-vous que je vous délivre, de Jésus ou de Barabbas? un cri général s'éleva : Nous ne voulons point de celui-ci, donnez-nous Barabbas... Que ferai-je donc de Jésus? Tous redoublèrent leurs clameurs: Crucifiez-le, crucifiez-le. » L'envie, la haine, la méchanceté dirigent le choix; l'aveuglement l'exécute. L'innocence se tait comme si elle était coupable; le vice fait entendre ses tumultueuses clameurs. Barabbas est préféré à Jésus, un vil meurtrier, au plus saint des hommes... Les ingrats..., voilà comme ils traitent celui qui vient les sauver, qui leur a fait tant de bien,

que peu de jours auparavant, ils avaient mené en triomphe aux portes de Jérusalem... ! Mais, pourquoi en vouloir aux Juifs?... N'avons-nous pas aussi, en commettant le péché, préféré Barabbas à Jésus-Christ, Satan au Fils de Dieu, un vil et ignoble plaisir..., à l'Etre infini...? etc... - Ici-bas, tout est mêlé, confondu; la vertu doit être méconnue, obscurcie, afin de briller plus tard avec plus d'éclat; « alors que les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. » Cette espérance et l'exemple de Jésus-Christ, doivent nous consoler.

PROJETS HOMILÉTIQUES.

A. JÉSUS ET BARABBAS.

I. Jésus comparé à Barabbas.

Comparaison souverainement ignominieuse, si nous considérons, 1) la dignité de Jésus-Christ. Quel est celui qui est là debout en présence de tout le peuple, côte à côte avec Barabbas? - C'est a) le Fils unique du Père éternel; b) le seule juste au milieu de la foule des pécheurs, la sainteté par essence, en qui se complaît l'amour du Père; c) le grand bienfaiteur de l'humanité, qui vient la guérir de ses misères corporelles et spirituelles; d) le Rédempteur du monde, se dévouant à tous les outrages pour notre salut : « Quem vultis dimittam vobis, Barabbam an Jesum? » - 2) L'indignité de Barabbas. a) Voyez ce mi sérable, à côté de Jésus, avec son extérieur grossier et impudent, son regard effronté et sauvage, etc.; b) c'est un malfaiteur de la pire espèce, un voleur, un assassin; c) c'est un perturbateur du repos public, la terreur de l'Etat et des particuliers, les mains encore fumantes du sang qu'il a répandu, etc.: « Erat autem Barabbas latro.., propter seditionem...., et homicidium missus in carcerem. » — 3) La conduite révoltante de Pilate et des Juifs. a) Pilate, malgré sa conscience, après avoir proclamé hautement l'innocence de Jésus-Christ, n'a pas honte de le mettre en parallèle avec un infâme scélérat, de l'assimiler à ce qu'il y a de plus vil, de le proposer comme un malfaiteur qui a besoin d'être grâcié : « Quem vultis dimittam vobis? » b) Les Juifs, sans se donner le temps de la réflexion, exaltent Barabbas, poursuivent Jésus-Christ de leurs clameurs insultantes : « Non hunc, sed Barabbam. »

II. Barabbas préféré à Jésus-Christ.

4) Par qui? Par un peuple, a) témoin journalier de l'innocence, de la sainteté de Jésus-Christ, sainteté supérieure à toutes les attaques de la calomnie.., attestée par le païen Pilate..., par son épouse, par Hérode lui-même, meurtrier de Jean-Baptiste, b) de son ineffable bonté, toujours prête à soulager les malheureux, n'allant nulle part sans répandre des bienfaits, etc.; c) des œuvres merveilleuses qui attestaient sa mission divine, sa dignité messianique, sa divinité : « Non hunc, sed Barabbam. »

DEHAUT. L'Evang.

- T. IV.

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2) Pour quels motifs? — a) Les uns le font par méchanceté, jalousie, haine, une haine qu'aucune considération, aucun crime ne peut arrêter Sciebat quod per invidiam tradidissent eum summi sacerdotes; » b) les autres par séduction, par erreur, trompés par les calomnies des Pharisiens : « Principes sacerdotum et seniores concitaverunt turbam, ut peterent Barabbam; » c) d'autres, par faiblesse, respect humain, n'osant faire autrement que la foule; d) d'autres, enfin, par légèreté, entraînement, pour faire comme les autres, criant avec ceux qui crient, sans trop savoir pourquoi : « Exclamavit autem simul universa turba dicens: Tolle hunc, et dimitte nobis Barabbam. »

III. Conclusions pratiques.

1) Apprenons à apprécier à sa juste valeur, à mépriser l'estime du monde, qui aujourd'hui vous porte aux nues, criant Hosanna, demain vous jette dans la boue, et crie avec rage: Crucifiez-le ! crucifiez-le ! « Crucifige, crucifige eum!» 2) Si nous sommes l'objet des rebuts et des mépris du monde, consolons-nous par l'exemple de Jésus-Christ, imitons sa patience et sa douceur. Qu'importe que les hommes nous méprisent et nous repoussent, si Dieu nous approuve et nous couvre de sa protection et de son amour? - 3) Considérons avec attendrissement tous les outrages, toutes les humiliations que Jésus a voulu supporter par amour pour nous. 4) Rentrons en nous-mêmes, et demandons-nous si, à l'exemple des Juifs, nous n'avons pas préféré Barabbas à Jésus-Christ, le démon au Fils de Dieu, une vile satisfaction à la grâce sanctifiante, en commettant le péché : « Popule meus, cui comparastis me? »

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B. QUELQUES INDICATIONS HOMILÉTIQUES.

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I. Que trouvons-nous rassemblés dans le prétoire de Pilate? 4) Les princes des prêtres et les anciens du peuple, les représentants de la Synagogue, a) poursuivant Jésus-Christ de leurs accusations calomnieuses, de leurs cris de mort; b) excitant le peuple à demander la mort du Messie, du Rédempteur qui vient le sauver. 2) Le peuple juif, a) obligé d'entendre, de la bouche de Pilate, le témoignage de l'innocence de Jésus; b) puis répondant à ce témoignage en criant avec fureur: Qu'on le crucifie, qu'on le crucifie. 3) Pilate, a) assez clairvoyant pour comprendre l'iniquité des accusateurs et : l'innocence de Jésus-Christ, assez sincère pour l'avouer, assez juste pour vouloir l'arracher à la haine de ses ennemis; b) mais détruisant toutes ses bonnes qualités par sa faiblesse, et condamnant à un châtiment barbare celui dont il a proclamé l'innocence, parce qu'il n'a pas le courage de résister à une populace séduite et passionnée. 4)Barabbas, un insigne malfaiteur, un meurtrier, a) mis en parallèle avec Jésus-Christ, avec le Saint des saints; b) préféré par les Juifs au Sauveur du monde. — 5) Jésus-Christ, a) le Roi des Juifs, le Messie promis, le Rédempteur du monde, saint, juste, plein d'amabilité et de douceur, etc.; b) néanmoins rejeté, repoussé, condamné, flagellé, outragé, etc.

II. L'épouse de Pilate."

Elle nous apparaît, 1) favorisée des lumières célestes, avertie par un songe mystérieux et prophétique; 2) pleine de sollicitude pour le salut de son mari; 3) remplie d'une tendre compassion pour lés souffrances imméritées du Sauveur; 4) reconnaissant son innocence, pressentant sa nature supérieure...; 5) s'efforçant de le sauver. Beau modèle pour une épouse chrétienne! doit être l'ange gardien de son mari.

Une épouse chrétienne

III. L'aveugle politique de Pilate :

1) S'efforçant de sauver Jésus par de mauvais moyens, et n'aboutissant qu'à multiplier ses souffrances, et les outrages dont il est abreuvé. 2) Sacrifiant Jésus-Christ pour se sauver lui-même, l'immolant à son propre intérêt, à son ambition, à ses craintes chimériques. On voit en Ini où conduit le déplorable systême des concessions et des transactions avec l'esprit du mal. La faiblesse peut faire plus de mal, commettre plus de crimes que la perversité.

IV. Le peuple Juif, en demandant la mort de Jésus-Christ, se condamne lui-même à la mort.

On voit par l'exemple des Juifs ce que peut être le suffrage du peuple, le suffrage universel, et la vanité de ĉet axiome: « Vox populi, vox Dei. »

«O cæcitas Judæorum ! 6 furia phreneticorum! Noli dimittere hunc, sed Barabbam !... Quid fuit hoc dicere, quàm occidatur ille, qui suscitat mortuos, et dimittatur latro, ut occidat vivos! » (S. Aug.)

§ CXXIII.

JÉSUS FLAGELLÉ, COURONNÉ D'ÉPINES,
CONDAMNÉ A MORT.

A. FLAGELLATION, COURONNEMENT D'ÉPINES.

(Mt. xxvII, 27-30; Mr. xv, 16-19; Jo. XIX, 1-3.)

« Alors Pilate fit flageller Jésus. » — La flagellation était un supplice barbare, en usage chez les Romains, soit comme punition, surtout à l'égard des esclaves, pour les délits qui ne méritaient pas la mort, soit comme un prélude terrible de la peine de mort ellemême, soit comme instrument de torture, « quæstio per tormenta,» pour forcer le coupable à avouer son crime.

Jo. XIX. 1. Tunc ergo apprendit Pilatus Jesum, et flagellavit.

On se servait, pour la flagellation, de minces baguettes d'ormeau, ou de fouets composés de lanières de cuir, armées de petites boules de plomb ou de fer. I n'était pas sans exemple de voir les patients expirer sous les coups (« ministrorum immanitate multi sub ejus flagellis interiére. » Ulpian de pœnis, 1 vin). La flagellation qui fut infligée a Notre Seigneur eut d'ailleurs un caractère particulier de cruauté; car, d'un côté, Pilate voulait, par l'atrocité même du traitement qu'il lui faisait subir, exciter la compassion du peuple, pour pouvoir ensuite le relâcher; tandis que, d'un autre côté, les soldats romains, prenant cette flagellation pour une véritable question, cherchaient à arracher au Sauveur, à force de coups, l'aveu de son crime, d'autant plus que l'enquête leur semblait avoir duré déjà assez longtemps (Sepp).

Jésus fut donc conduit sur le forum, ou la place publique attenante au palais : là, les quatre soldats qui devaient le crucifier s'emparèrent de lui, le dépouillè rent de ses vêtements jusqu'à la ceinture, lui lièrent les mains à un anneau attaché à une colonne isolée (a), d'environ deux pieds de hauteur, puis commencèrent à le frapper avec une sorte de rage barbare. Le Fils de Dieu frémissait et se tordait comme un ver, sous les coups de ces misérables; le sang ruisselait de toutes parts, tout son corps meurtri n'offrait plus qu'une plaie: au bruit des coups se mêlaient de doux et faibles gémissements. Alors s'accomplirent les oracles des prophètes : « Mon ennemi s'est jeté sur moi avec la force d'un géant... Ils ont frappé sur mon dos, comme le forgeron sur une enclume. Ils l'ont labouré, sillonné par des plaies larges et profondes. J'ai été brisé,

(a) La colonne de la flagellation fut apportée à Rome l'an 1227, par le Card. Colonna, qui l'avait reçue de l'empereur Comnène, sous le pontificat d'Henorias III. Elle fut placée dans l'Eglise de Sainte-Praxède. où elle est encore offerte à la piété des fidèles. Elle est de jaspe ou de marbre gris, haute d'un pied et demi, d'un pied de diamètre, et l'on y voit encore l'anneau où l'on attachait les criminels. Ce n'est là, toutefois, que la partie supérieure de la colonne; la partie inférieure est restée à Jérusalem dans l'église du Saint-Sépulcre, sous un grillage en fer, à gauche, en entrant dans la chapelle de l'Apparition. (Mgr Mislin, Voyage en Terre sainte.) Le lieu de la flagellation est vis-à-vis de la maison de Pilate, de l'autre côté de la rue; on y a bâti une petite chapelle.

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