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artifices. Hypocrites, » leur dit-il, croyez-vous m'imposer, par vos louanges sans sincérité et sans franchise, et me cacher la malice de vos cœurs; « Pourquoi » sous prétexte de chercher à vous éclairer, « me tendez-vous un piège? Montrez-moi la monnaie du tribut. » — « Ils lui préséntèrent un denier, » monnaie romaine, car le sickel, monnaie juive, n'avait pas un cours légal et n'était pas reçu par les collecteurs des impôts. « De qui est feur dit-il, cette image et cette inscription, » que je vois gravée sur la monnaie que vous me présentez?-« De César, répondirent-ils. » — Eh bien! alors, si vous recevez la monnaie de César, et lui donnez cours parmi vous, vous le reconnaissez donc pour votre souverain, sinon de droit, au moins de fait. Mais si César est votre souverain, si c'est lui qui est chargé de maintenir au milieu de vous l'ordre, la tranquillité, la sécurité publique, donnez-lui donc ce qui fui est nécessaire pour qu'il remplisse ce devoir, rendez-lui donc ce que les sujets doivent à leur souverain, l'obéissance, la soumission, le tribut: « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » Acceptez le souverain que la Providence vous impose, et que vous avez mérité par vos péchés; ne courez pas à une ruine certaine, en vous insurgeant contre une puissance qui vous écraserait; mais ne poussez pas votre obéissance servile jusqu'à faire ce que vous défend la loi divine; rendez » également « à Dieu ce qui est à Dieu; » rendez-lui l'adoration, l'obéissance, le culte d'amour et de dévouement que vous lui devez; en payant, le tribut de César, n'oubliez pas celui du temple. Votre âme est faite à l'image de Dieu; elle porte en elle l'empreinte divine; consacrez-la entièrement à lui. Peut-être, en agissant ainsi, mériterez-vous qu'il vous délivre du joug sous lequel vous gémissez.

Que dire contre Jésus, après un réponse si sage, si simple, si précise? A quel tribunal l'accuser? Il ne donne pas lui-même une réponse odieuse. Il la laisse tirer des

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20. Et ait illis Jesus: Cujus est imago hæc et superscriptio? 21. Dicunt ei: Cæsaris. Tunc ait illis: Reddite ergo quæ sunt Cæsaris, Cæsari, et quæ sunt Dei, Deo.

prémices fournies par ses ennemis eux-même. César est satisfait, Dieu est glorifié, ses ennemis sont pris par leurs propres paroles, et réduits à se taire. Il déjoue tous leurs vains artifices avec une sagesse qu'on ne peut assez admirer, avec calme, avec une douceur inaltérable et une majesté toute divine.

Aussi,« ne pouvant reprendre ses paroles devant le peuple,» les Pharisiens « gardèrent le silence, admirant» malgré eux, « sa réponse, » pouvant à peine comprendre comme une question si épineuse, hérissée de tant de difficultés, compliquée de tant d'intérêts divers, préparée avec tant de soins, proposée avec tant d'artifices, s'était trouvée nettement décidée en deux mots, sans qu'il fût possible d'y trouver à redire, et comment l'échafaudage qu'ils avaient dressé avec tant d'artifices se trouvait tout-à-coup renversé par terre. Voyant ainsi leur but manqué, leur espoir avorté, « ils le laissèrent là, et s'en allérent. »

B. JÉSUS CONFOND LES SADDUCÉENS.

(Mt xx11, 23-46; Mr. x11, 18–40; L. xx, 20–47.)

Les Sadducéens ayant appris que Jésus avait fermé la bouche aux docteurs pharisaïques, voulurent, eux aussi, entrer en lice avec le nouveau docteur de Nazareth.

La Synagogue se partageait alors en un grand nombre de sectes différentes. S'il en faut croire les rabbins, on en comptait jusqu'à vingt-quatre (a); mais, parmi ces sectes, on en distinguait sept principales: les Pharisiens ou piétistes, séparatistes, (de paras, séparer); les Esséniens ou faux mystiques; les Sadducéens, qui étaient les rationalistes, les matérialistes de l'époque; les Hérodiens, qui voulaient la suprématie de l'Etat sur l'Eglise; les Zélateurs, espèces de fanatiques,

22. Et audientes L. non potuerunt verbum ejus reprehendere coram plebe et mirati in responso ejus tacuerunt; Mt. 22. Et relicto illo, abierunt.

(a) Dixit Mr. Jochanan: Israel in exilium non abductus est, priusquàm viginti quatuor surrexerunt sectæ. (Hier. Sanh,, fol. 29-3).

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qu'on pourrait appeler les puritains et les radicaux de la Synagogue; les Samaritains schismatiques; les Nicolaites, secte adonnée à la magie, à des pratiques théurgiques et à un libertinage effroyable.

Les Sadducéens étaient la secte des riches, des intrigants qui, par leurs basses complaisances envers les Romains, avaient accaparé les premières dignités de la Synagogue. C'étaient les épicuriens et les philosophes du judaïsme. Ils croyaient que l'âme mourait avec le corps, rejetaient, par conséquent, la résurrection des morts, et n'admettaient pour toute règle de croyance que les livres de Moïse. Cette secte était très-influente et très-répandue au temps de Notre Seigneur JésusChrist (b).

Quelques-uns donc des Sadducéens, qui niaient la résurrection, vinrent trouver Jésus-Christ, » car ils s'unissaient aux Pharisiens dans leur haine contre le Sauveur, « et ils l'interrogèrent à leur tour, » dans l'espoir de l'embarrasser par leurs subtilités, et de répandre le ridicule sur le dogme de la résurrection des morts, qu'il enseignait à l'exemple des Pharisiens. Ils choisirent, pour cela, l'un de leurs arguments favoris.

« Maitre, lui dirent-ils, Moïse a ordonné que, si un homme qui a pris femme décède sans enfants, son frère épouse la veuve (selon la loi du lévirat, en usage, nonseulement chez les Juifs, mais chez un grand nombre de peuples orientaux, les Indiens, les Perses, et aujourd'hui encore, chez les Siamois, les Afghans, les Tartares, les Tachecker, etc.), « et, qu'elle suscite des enfants à son frère. Or, » poursuivent les Sadducéens, en mettant en avant une histoire sans doute forgée à

L.

Mr. XII. 23. In illo die accesserunt ad eum Sadducæi, qui dicunt non esse resurrectionem; et interrogaverunt eum, dicentes : XX. 28. Magister, Moyses scripsit nobis: Si frater alicujus mortuus fuerit habens uxorem, et hic sine liberis fuerit, ut accipiat eam frater ejus uxorem, et suscitet semen fratri suo.

(b) « Traditio est, Mr. Nehemiam dixisse: eâ generatione quá Filius Davidis venit, totum regnum convertitur in hæresim Sadducæorum (Jah.) » — « Quando Sadduceismus ubique regnaverit, tunc veniet redemptio (Jah., fol. 97-1). »

S CV. LES SADDUCÉENS CONFONDUS. 7 plaisir, mais qui n'en était pas moins valable pour le but qu'ils se proposaient, car il suffisait qu'elle fût possible, « il y avait parmi nous sept frères. Le premier prit femme, et mourut sans enfants; le second épousa la veuve, et mourut aussi sans postérité; le troisième la prit ensuite, et pareillement tous les sept, » l'un après l'autre, « et ils moururent tous sans laisser d'enfants. La femme enfin,» obéissant à son tour, à la loi commune, « mourut la dernière. » Dans l'autre vie, « dans cette résurrection» future, dont vous et les Pharisiens admettez l'existence, « duquel d'entre eux sera-t-elle la femme, puisque tous les sept l'ont eue pour épouse (c)? Il est ridicule, il est absurde, qu'une femme appartienne à la fois à sept maris, soit disputée par sept maris; or, si Moïse avait réellement cru à la vie future, comment aurait-il établi, de la part de Dieu, une loi d'où pouvait dériver une telle absurdité? (car, dans la pensée des Juifs, la loi divine était immuable et devait durer éternellement); donc Moïse ne croyait pas à la vie future, donc elle n'existe pas. - Cette argumentation pouvait, en effet, embarrasser les Pharisiens, qui avaient, sur la vie future, des idées fort grossières, et se la figuraient à peu près semblable à la vie présente, telle que le paradis de Mahomet, une vie, en un mot, où l'on mangeait, où l'on buvait, où l'on se mariait, etc.

« Jésus leur répondit: Vous vous trompez, » vous vous faites de fausses idées de la vie future, « ne comprenant ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu,» bien supérieure aux idées étroites que vous vous en

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29. Septem ergo fratres erant : et primus accepit uxorem, et mortuus est sinè filiis. 30. Et sequens accepit illam, et ipse mortuus est sine filio. L. 34. Et tertiùs accepit illam. Similiter et omnes 32. Novissima septem; et non reliquerunt semen, et mortui sunt. omnium mortua est et mulier. 33. In resurrectione ergo cujus eorum 29. Responerit uxor, si quidem septem habuerunt eam uxorem? dens autem Jesus, ait illis : Erratis, nescientes scripturas, neque virtutem Dei.

(c) On trouve dans le livre Sohar la réponse que les Pharisiens faisaient & cette question. La femme, suivant eux, devait appartenir au premier mai. (Genes., fol. 24). Mulier illa, quæ duobus nupsit in hoc mundo, priori rest.ituitur (sc. in futuro); — les autres devaient s'en passer.

faites, et qui peut aussi bien prolonger l'existence, que la tirer du néant. « Les enfants du siècle, » condamnés à mourir, « se marient et sont donnés en mariage, » afin de perpétuer le genre humain qui, sans cela, finirait bientôt; « mais ceux qui seront jugés dignes du siècle à venir et de la résurrection des morts, ne prendront point femmes, et ne seront pas donnés en mariage; îls ne pourront plus mourir, car ils seront égaux aux anges,» purs de toute inclination sensuelle; « ils sont enfants de Dieu, » et immortels comme lui, « appelés à ressusciter. » Or, où la mort ne fait point de vide, il n'est pas besoin de mariage pour le combler.

« Quant à la résurrection des morts, » poursuivit-il, si vous étiez plus instruits dans les saintes Ecritures, et pour ne citer que les livres de Moïse, puisque ce sont les seuls dont vous admettez l'autorité divine, si vous en aviez une intelligence plus profonde, vous comprendriez que s'ils ne l'affirment pas textuellement, du moins ils l'admettent, et la supposent. « N'avez-vous donc pas lu, pour vous en citer un exemple, « dans le livre de Moïse (Ex. 6-3), ce que Dieu lui dit près du buisson » ardent: « Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob; » tel est mon nom pour l'éternité? Ces paroles supposent une alliance intime et permanente entre Dieu et les patriarches, bien que ceux-ci fussent morts quatre cents ans avant Moïse; or, Dieu ne peut pas s'allier à ce qui n'existe pas, ne peut être le Dieu particulier, le Dieu protecteur, bienfaiteur, de ce qui n'existe pas, de ce qui est retombé dans le néant; « Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants, car il est la source de toute vie, « et tous vivent en lui. » Donc les patriarches vivaient du temps

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L. 34, Filii hujus sæculi nubunt, et traduntur ad nuptias : 35. Illi vero qui digni habebuntur sæculo illo, et resurrectione ex mortuis, neque nubent, neque ducent uxores. 36. Neque enim ultrà mori poterunt: æquales enim angelis sunt, et filii sunt Dei, cùm sint, filii resurrectionis. Mr. 26. De mortuis autem quod resurgant, non legistis in libro Moysi, super rubum, quomodò dixerit illi Deus, inquiens: Ego sum Deus Abraham, et Deus Isaac, et Deus Jacob? L. 38. Deus autem non est mortuorum, sed vivorum omnes enim vivunt ei.

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