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POLÉMIQUE RATIONALISTE,

La résurrection de Jésus-Christ formant l'une des preuves fondamentales de l'apologétique chrétienne, il n'est pas étonnant que les rationalistes aient réuni tous leurs efforts pour l'obscurcir. « Si nous ne parvenons à expliquer sans miracle, dit Strauss lui-même, l'origine de la foi à la résurrection de Jésus-Christ, nous sommes obligés de retirer tout ce que nous avons dit jusqu'à présent, et de renoncer à notre entreprise. »> (Str., Nouv. Vie de Jésus, p. 381). Voyons si leurs efforts sont parvenus à ébranler le grand fait sur lequel repose la foi et les espérances du monde chrétien.

La résurrection de Jésus-Christ suppose deux faits à discuter 1° que Jésus-Christ est véritablement mort; 2o qu'il s'est montré de nouveau vivant à ses Apôtres le troisième jour.

1) Les incrédules ont essayé d'abord de répandre des doutes sur la réalité de la mort de Jésus-Christ. « Le crucifiement, même avec le percement des pieds, n'avait pu entraîner qu'une faible perte de sang; la mort très-lente n'était amenée que par la contraction spasmodique des membres distendus, ou par l'épuisement insensible des forces vitales. Si, au bout d'environ six heures, Jésus a été détaché de la croix avec les apparences de la mort, cette prétendue mort n'était probablement qu'une catalepsie dont il a dû revenir par la fraîcheur du tombeau, par la vertu des baumes, par la forte odeur des aromates... On peut encore admettre comme cause de retour à la vie l'ébranlement et le coup de tonnerre qui ouvrirent le tombeau de Jésus le matin du jour de la résurrection. Ainsi s'expliqueraient plusieurs circonstances des apparitions rapportées par les Evangélistes. Les disciples s'en montrent effrayés, c'est qu'ils étaient persuadés de sa mort, et qu'ils croyaient ne voir que son ombre revenue du monde inférieur. Les voyageurs d'Emmaüs tardent à le reconnaître; Marie-Madeleine le prend pour un jardinier : c'est que la souffrance l'avait défiguré, c'est que sorti nu du tombeau, il avait emprunté les vêtements du jardinier voisin. Il entre à travers les portes closes; il va de soi

qu'on les avait préalablement ouvertes. On suit les progrès de sa guérison, et son amélioration successive. Le matin de la résurrection, Jésus défend à Marie de le toucher; huit jours après, l'état de ses blessures s'étant amélioré, il invite lui-même Thomas à mettre les doigts dans ses cicatrices; le matin du premier jour, il se tient tranquillement aux abords du tombeau; l'après-midi, il se sent assez fort pour faire une excursion de trois lieues jusqu'à Emmaüs; à quelques jours de là, il entreprend le voyage en Gallée. Le fait même de la résurrection n'est surnaturel que dans l'imagination des disciples et des Evangélistes. Que des femmes en émoi aient pris pour des anges des linceuls blancs, dans un tombeau vide, ou des inconnus vêtus de blanc, cela n'a rien de surprenant; pas n'était besoin d'un ange pour expliquer l'enlèvement de la pierre; des hommes ont pu l'opérer par hasard ou à dessein; une fois la pierre ôtée, la sortie de Jésus s'explique non moins naturellement que les circonstances antécédentes, etc.., etc. Il en est même qui ont imaginé que Jésus-Christ s'était retiré après sa prétendue résurrection, dans la communauté des Esséniens, où il aurait vécu encore vingtcinq ans. >> Réponse. Il est facile de prouver la réalité de la mort de Jésus-Christ. a) Elle est uniformément attestée par tous les Evangélistés; elle forme un point essentiel de l'enseignement dogmatique de saint Paul. b) A ce témoignage se joint le témoignage officiel des soldats. envoyés par le gouverneur pour constater cette mort. c) Jésus avait passé toute une nuit de torture et d'agonie, jusqu'à suer du sang, été soumis à une horrible flagellation, s'était trouvé tellement affaibli, qu'il succombait sous le faix d la croix, etc.; est-il étonnant qu'il n'ait pas survécu plus de trois heures à de semblables souffrances? d) Quand bien même Jésus-Christ n'aurait pas été entièrement mort, le coup de lance qui lui avait traversé la poitrine, et percé le péricarde et le cœur, comme le prouve l'eau qui sortit de son côté, aurait été plus que suffisant pour le faire mourir. e) Les disciples de Jésus-Christ ne l'avaient pas enseveli sans s'être préalablement assuré qu'il était réellement mort f) Le

suaire dont la tête était enveloppée aurait suffi pour l'étouffer dans le cas où il n'aurait pas été mort, et les aromates, loin de lui rendre la vie, devaient au contraire, dans un espace étroit et fermé, exercer une action stupéfiante et asphyxiante. g) Il serait facile, si la chose en valait la peine, de faire ressortir l'absurdité des explications précédemment citées, et combien elles torturent et violentent le texte évangélique. Quand un narrateur, c'est à Strauss lui-même que nous empruntons cette réfutation, dit à deux reprises et dans les mêmes termes : « Jésus vint, et se trouva debout au milieu d'eux, les portes étant fermées. » il ne va pas de soi qu'on avait commencé par les lui ouvrir. Ce qui va de soi, c'est que, d'après les Evangélistes, Jésus n'avait plus un corps naturel et semblable à celui qu'il avait durant sa vie mortelle, mais un corps glorieux et transfiguré, c'est que les prétendus progrès de sa guérison sont purement imaginaires, et que rien n'est plus contraire au sens des textes que l'idée d'un corps souffrant, valétudinaire, ou soumis aux nécessités humaines. Ce qui n'est pas moins clair, c'est que cette façon d'envisager le retour de Jésus à la vie, indépendamment des difficultés où elle se perd, ne conduit pas à la solution du problème, qui est d'expliquer la naissance de l'Eglise chrétienne par la foi en la résurrection miraculeuse du Messie Jésus. Que penser de ce Messie demi-mort, qui sort péniblement du tombeau, qui traîne un corps malade, qui a besoin des secours de la médecine, de bandages, de fortifiants et de ménagements, et qui finit par succomber? Est-ce lui que ses disciples auraient pris pour le vainqueur de la mort et de la tombe, pour le prince de la vie? sont-ce de telles images qui eussent pu les animer à leur œuvre future? Non une pareille résurrection n'eût pu qu'affaiblir l'impression que sa vie et sa mort avaient faite sur eux, et l'éteindre dans les brouillards du souvenir élégiaque. Jamais elle n'eût transformé leur deuil en enthousiasme, leur respect en adoration. » C'est Strauss qui nous fournit cette réponse et elle est décisive.

2) N'ayant pu réussir à ébranler la certitude de la mort de Jésus-Christ, les rationalistes ont essayé de

prouver que les témoignages des Evangélistes en faveur de la résurrection et des apparitions successives de Jésus-Christ n'étaient pas dignes de foi. « Que l'on admette ou non le miracle en principe, dit Strauss, quand il s'agit d'accepter un miracle tellement inouï, il faut qu'il nous soit attesté de telle sorte, que la fausseté du témoignage paraisse plus impossible que la réalité du fait attesté. Il faut, avant tout, que les témoins soient des témoins oculaires, que le fait soit attesté par ceuxlà mêmes qui l'auraient vu de leurs yeux. Il faut, en outre, que ces témoignages ne se contredisent et ne se détruisent pas les uns les autres. Or, nous avons vu plus haut, qu'aucun de nos Evangiles n'a eu pour auteur în apôtre ou un autre témoin oculaire de la vie de Jésus, et nous ajouterons que leurs rapports sont en contradiction multiple entre eux et avec eux et avec les dires de Paul (a). »Nous répondrons a) que nous avons vu et prouvé le contraire, et nous renvoyons le lecteur aux preuves que nous avons exposées dans l'Introduction de l'ouvrage, de l'authenticité, de l'intégrité et de la véracité des quatre Evangiles, où nous avons démontré, entre autres choses, que le premier et dernier Evangile avaient pour auteurs les Apôtres saint Matthieu et saint Jean, que le 2 et le 3o avaient été écrits sous les yeux et avec l'approbation des Apôtres saint Pierre et saint Paul. b) Quant aux prétendues contradictions que ces critiques ont cru trouver entre les Evangélistes, il serait souverainement fastidieux de les relever et de les discuter toutes. Strauss, par exemple, remplit de longues pages de raisonnements tels que les suivants : «Paul ne dit rien des apparitions de Jésus à des femmes, que tous les Evangélistes, hors Luc, placent en première tête. Luc et Paul s'accordent à nommer Pierre pour le premier témoin favorisé d'une apparition de Jésus. Mais, ni Matthieu, ni Marc, ni Jean, ne savent quoi que ce soit d'une apparition particulière à Pierre ; ils ne connaissent que l'apparition commune aux Apôtres réunis, que Paul distingue de celle de Pierre. Paul ne parle pas de l'apparition aux deux disciples qui

(a) Voy. Strauss. Nouv. Vie de Jésus, T. I, p. 385 et suiv.

allaient à Emmaüs, suivant Luc, ou qui étaient en chemin, et s'en allaient anx champs, suivant Marc. Matthieu et Jean ne savent rien de l'Ascension, etc., etc. »

Qu'est que tout cela prouve? - Une seule chose; c'est que les Evangélistes ne se sont pas proposé de faire une histoire complète de Jésus, mais un simple abrégé, une sorte de résumé qui devait servir de fondement à la prédication évangélique, que les uns racontent un fait, une circonstance que les autres omettent, et qu'ils se complètent les uns les autres. De ce qu'un Evangéliste ne parle pas d'un fait, Strauss en conclut qu'il l'ignorait, qu'il n'en avait aucune connaissance, que ce fait n'existait pas à ses yeux; un bon logicien se serait contenté de conclure qu'il n'avait pas cru nécessaire d'en parler, que cela n'entrait pas dans son plan. « Mais les récits évangéliques renferment des contradictions manifestes. »Voyons-les... « Chez Luc, Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques, plusieurs autres femmes vont au tombeau; elles y voient deux anges et, à leur retour, elles annoncent aux Apôtres et à tous les autres tout ce qu'elles ont vu et entendu. Chez Marc, trois femmes seulement, parmi lesquelles Salomé figure à la place de Jeanne, ont visité la tombe; elle n'ont vu qu'un ange, et, par peur, elles ne disent rien à personne. Chez Matthieu, Marie-Madeleine et l'autre Marie voient seule un ange assis sur la pierre roulée du tombeau, et rencontrent ensuite Jésus à leur retour.

<< Chez Jean, Marie-Madeleine se rend toute seule au tombeau. Une première fois, elle ne voit que le sépulcre vide; elle y retourne, et aperçoit deux anges assis dans le caveau, puis Jésus debout derrière elle. Matthieu et Marc ne savent pas comme Luc que, sur le rapport des femmes, Pierre courut aussi au tombeau, et et le trouva vide; encore moins, comme Jean, que Pierre fut accompagné de l'autre disciple. »

Réponse. Il suffit de renvoyer le lecteur à l'explication que nous avons donnée du texte évangélique pour voir comment ces divergences apparentes s'harmonisent et se concilient. - Un évangéliste nomme l'un, deux des femmes qui se rendirent au tombeau, un autre,

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