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à la forme perse Kschayarscha, en la faisant précéder de l'aleph prosthétique. Ce qui est dit, de l'étendue de l'empire perse, I, 1; x, 1, des usages de la cour et enfin de l'humeur capricieuse d'Assuérus, convient parfaitement à Xercès. Les auteurs grecs et latins, en citant d'autres traits de son caractère, nous le présentent sous le même jour que l'écrivain hébreu : sensuel, vindicatif, cruel, extravagant. Le Lydien Pythius lui donne de grosses sommes pour la guerre contre la Grèce, traite très bien son armée, et lui demande seulement de garder l'aîné de ses cinq fils, qui servent dans ses troupes : Xercès fait aussitôt couper le jeune homme en morceaux et passer ses soldats au milieu de ses débris sanglants, Hérod., VII, 37-39; Sénèque, De ira, vi, 17. Parce qu'une tempête a emporté le pont de bateaux construit sur l'Hellespont pour le passage de ses bataillons, ce même roi condamne à mort le constructeur, et ordonne de fouetter la mer et de la charger de chaînes, Hérod., vii, 35. A la bataille des Thermopyles, il fait placer au premier rang, si on en croit Diodore de Sicile, les soldats mèdes, afin de les faire tous tuer. Après son échec en Grèce, il oublie ses désastres en se plongeant dans toutes sortes de débauches, Hérod., ix, 108 sq. Tel était Xercès, tel était Assuérus.

2o Assuérus régnait depuis l'Inde jusqu'à l'Éthiopie, Hérod., vii, 9, 97, 98; vili, 65, 69, sur 127 provinces, qu'il ne faut pas confondre avec les 20 satrapies que Darius, fils d'Hystaspe, avait établies dans ses États, Hérod., III, 89 sq. Les provinces, medinoth, Esth., 1, 1; vIII, 9; Dan., VI, 2, étaient les subdivisions géographiques et ethnographiques de l'empire; les satrapies étaient une division admi

dit M. Opperl, fut l'identification d'Assuérus à Xercès. Déjà Grotefend l'émit, il y a plus d'un demi-siècle, et cette conquête de la science ne fait plus l'ombre d'un doute. » Commentaire historique et philologique du livre d'Esther, d'après la lecture des inscriptions perses, p. 7. Paru dans les Annales de philosophie chrétienne, jauvier 1864. Le nom d'Artaxercès, qui se lit dans les Appendices, x1, 2, etc., vient des Septante; il est certain qu'il répond là, comme dans les chapitres précédeuts, à Xercès. La version grecque a traduit Akbaschvérosch par Artaxercès, dans tout le cours de ce livre.

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Ce qui est dit de la magnificeuce des rois perses et de la beauté des peintures qui décoraient leur palais, quod mira varietate pictura decorabat (Esther, 1, 6) a été pleinement confirmé par le résultat des fouilles faites à Suse, en 1884-1886, par M. et Mme Dieulafoy. Ils ont découvert en particulier des frises de lions et de guerriers en émail, qui sont de véritables chefs-d'œuvre. Nous reproduisons ici deux de ces guerriers. Les archers du palais royal de Suse formaient une frises composée de briques émaillées, aux couleurs les plus vives et les plus harmonieuses; chaque brique est moulée et de même grandeur, 34 centim. de largeur et 8 centim. de hauteur. L'émail est transparent, chatoyant comme des pierreries, les tons sont profonds et chauds. La saillie sur la brique est seulement de 5 centim., mais les archers n'en ont pas moins, vus d'une certaine distance, un relief extraordinaire, dû aux parties colorées du visage, à l'éclat des prunelles blanches dans le visage noir et aux broderies étincelantes du costume. Ces guerriers ont 1 mètre 53 de hauteur. Ils sont revêtus du costume médique, longue tunique à larges manches, armés d'une longue lance terminée en bas par une grenade d'argent, d'un arc passé dans le bras gauche et dont le bois recourbé s'élève au-dessus de la tête, et d'un grand carquois noir dont le couvercle est assujetti par des liens flottants. Ils n'ont pour coiffure qu'une simple corde, roulée en torsade autour des cheveux, semblable à la corde de poil de chameau que les Arabes de Syrie et de Palestine emploient aujourd'hui pour nouer le voile flottant qui protège leur tête contre le soleil. La peau du visage et des mains est noire. Les yeux sont représentés de face, quoique les personnages soient de profil. Les cheveux et la barbe sont frisés en petites boucles serrées et d'une couleur verdâtre. Ils portent des pendants d'oreilles et des bracelets d'or. La vue seule des originaux peut donner une idée de l'éclat et de la beauté de l'émail. Le fond du relief est d'un bleu changeant qui passe par une infinité de nuances, selon le degré de cuisson de la brique. Les tuniques sont alternativement jaunes et blanches. Les tuniques jaunes sont parsemées de petites rosaces blanches; les tuniques blanches, au lieu de rosaces, sont ornées, en guise de broderies, d'écussons en losanges de couleur foncée où l'on voit dessinée une forteresse à trois tours, qui est, d'après M. Dieulafoy, une image simplifiée de la ville de Suse. Les pieds des archers sont chaussés de brodequins jaunes. Une large raie jaune délimite la frise des guerriers en haut et en bas. Au-dessous sout des denticules blancs et des palmettes.

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ARCHERS EN BRIQUE ÉMAILLÉP. DU PALAIS ROYAL, A SUSE. (D'après l'original. Musée du Louvre.)

nistrative plus générale, faite en vue du prélèvement des tributs.

3o Assuérus nous est représenté, 1, 2, assis sur son trône. Hérodote nous dit aussi, vII, 102, qu'il assista, assis sur son trône, au combat des Thermopyles; Plutarque, Thémistocle, XIII, raconte la même chose de la bataille de Salamine.

4° Au moment où commence le récit, il est à Suse, capitale de la province de Susiane, ville forte, où le roi des Perses passait plusieurs mois de l'année. La troisième année de son règne, 482 av. J.-C., il donna un splendide festin (1) à tous les grands de son royaume, pendant 180 jours, ce qu'il faut entendre en ce sens qu'ils vinrent les uns après les autres et que des premiers aux derniers invités, il s'écoula un espace de 180 jours. C'était pour montrer à tous sa puissance et son opulence, 1, 4; c'était aussi, sans doute, pour préparer l'expédition de Grèce, car Hérodote nous apprend, vii, 8, qu'après avoir soumis l'Égypte, Xercès manda à sa cour tous les grands de son royaume pour s'entendre avec eux sur cette guerre et qu'il employa quatre ans à en faire les préparatifs.

5o La reine Vasthi, en ancien perse, Vahista, excellente, donna aussi un banquet à ses femmes. La reine prenait d'ordinaire ses repas avec le roi (2), mais non dans les festins publics. Assuérus lui ordonna de venir montrer sa beauté à ses convives, elle refusa, non sans raison, Hérod., v, 18, de paraître devant des gens ivres. Le message lui avait été apporté par les sept ennuques, dont le nombre correspond à celui des sept Amschaspands. Le roi, irrité de sa désobéissance, la répudia.

6o Par une permission particulière de la Providence, une juive, nommée Édissa, myrte, qui prit le nom perse d'Esther ou Astre, remplaça comme reine la fière Vasthi, en 479 ou 478. C'était la nièce de Mardochée (3). Celui-ci rendit peu après au roi un service signalé en découvrant une conspiration tramée (1) Brisson a réuni tout ce que l'on sait des festins chez les Perses, De regio Persarum principatu, l. I, c. XCVIII-Cv, éd. de 1710, p. 149-157. (2) Cf. Herod., Ix, 110; Brisson, ibid., 1. I, c. xCVIII, CIII, p. 149, 154. (3) La nièce selon la Vulgate, la cousine germaine selon l'hébreu, Esth., 11, 7, 15.

contre sa vie, II, 22-23; X-XII. Mardochée était dès lors très âgé, selon plusieurs interprètes, qui entendent 11, 5-6, en ce sens qu'il avait été transporté, de Jérusalem, du temps de Jéchonias, c'est-à-dire en 599; il aurait eu ainsi alors plus de 120 ans. Mais il est plus naturel de rapporter le . 6, qui translatus fuerat, à Cis, son arrière grand-père. Son nom de Mardochée, qui est babylonien et non palestinien, semble indiquer qu'il était né en Babylonie. Cf. cependant xI, 4.

553.

IIe section: Décret de persécution porté par Assuérus contre les Juifs, à la sollicitation d'Aman, III; XIII.

Quelque temps après l'élévation d'Esther à la dignité de reine et le service rendu au roi par Mardochée, Assuérus choisit pour premier ministre un Mède nommé Aman, originaire de la province d'Agag (1), et ordonna à tous ceux qui se tenaient à la porte de son palais de fléchir le genou devant son favori. Mardochée refusa de lui rendre cet hommage, le considérant sans doute comme un acte d'idolâtrie (2). Aman, irrité contre le Juif, voulut se venger de ce qu'il regardait comme un affront et fit porter contre toute la race à la quelle

(1) « On a longtemps cru que Haman, fils d'Hamadâtha, dont le nom a reçu une si triste célébrité, était Amalékite, car l'un des rois d'Amalec s'appelait Agag. Et puisque déjà dans l'antiquité les noms d'Ésɛü, d'Amalec, étaient pris comme les désignations des païens d'Europe, les Septante traduisent l'hébreu Agagi par Maxɛdov, le Macédonien. Néanmoins, le nom de Haman, ainsi que celui de son père, trahit une origine médo-perse. Nous savons maintenant, par les inscriptions de Khorsabad, que le pays d'Agag composait réellement une partie de la Médie. Or, voilà donc une nouvelle circonstance qui montre, jusque dans ses moindres détails, la valeur historique du livre d'Esther. » Oppert, Commentaire historique et philologique du livre d'Esther, p. 13– On voit par là que l'objection faite contre Esth., XVI, 10, et tirée de ce que, dans ce passage, Aman est qualifié : animo et gente Macedo, est sans valeur. Ce passage ne contredit pas, comme on le prétendait, III, 1, 10; VIII, 3; IX, 6, 24. Le mot de Macédonien, dans le ch. xvi, vient de ce que les traducteurs grecs, d'après lesquels a été faite la version de ce ch. XVI, ont rendu à tort, ici comme ix, 23 (24), le mot Agagite par Macédonien.

14.

(2) Les Spartiates refusèrent également de rendre un hommage semblable à Xercès, Hérod., vII, 136. Cf. Plutarque, Thémist., 17; Q. Curce, VIII, v, 5, 11.

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