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langage vulgaire, sans se préoccuper de théories astronomiques, au milieu du feu de la bataille (1). »

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Du droit de conquête des Hébreux et de l'extermination des Chananéens.

1° On s'est demandé de quel droit les Hébreux avaient chassé les Chananéens de la terre qu'ils occupaient et les avaient exterminés. La question du droit de conquête des tribus ou des peuplades qui émigrent en pays étranger, s'en emparent de vive force et en chassent les anciens habitants, soit parce qu'elles ont été expulsées elles-mêmes de leur propre patrie et refoulées par d'autres émigrations, soit parce que leur trop grand nombre les a contraintes d'aller chercher ailleurs des moyens de subsistance qu'elles ne trouvaient plus sur le sol natal, cette question est insoluble pour la science

hypotheses, continens nonnullas propositiones contra verum sensum et auctoritatem Sacræ Scripturæ. » (Ibid.) Bien qu'il n'exprime pas non plus quel texte de la Sainte Écriture contredit, d'après lui, le système de Galilée, on ne peut douter que ce ne soit, dans sa pensée, le texte de Josué, x, 12-13. Mais la décision du Saint Office ne nous oblige pas à interpréter ce passage comme il l'a fait. Un éminent canoniste, M. Bouix, dans son travail sur La condamnation de Galilée, a établi et démontré les propositions suivantes, qui suffisent pour justifier le sens donné aujourd'hui à ce texte par tous les exégètes : « Le système du mouvement terrestre est beaucoup plus ancien que celui de Ptolémée. L'enseignement en avait toujours été permis jusqu'à l'affaire de Galilée; le tort de la congrégation fut de ne pas continuer cette tolérance (proposition III). La congrégation des cardinaux s'est trompée en déclarant fausse et opposée à l'Écriture Sainte l'opinion du mouvement terrestre, et en procédant contre Galilée à cause de cette opinion. Mais son erreur ne prouve point que l'institution du Saint Office soit mauvaise. Elle ne prouve rien contre l'infaillibilité du Pape (proposition VII). Le tribunal du Saint Office eut tort d'exiger de Galilée qu'il abjurât l'opinion du mouvement terrestre (proposition VIII). Aucun acte pontifical ex cathedra n'a jamais approuvé ni confirmé le décret de 1616 ni la sentence de 1633. Qu'on ait omis de faire confirmer par le pape le décret de 1616 portant condamnation du sys. tème du mouvement terrestre, c'est plus qu'insolite, plus qu'étrange; humainement parlant; vu les circonstances, cette omission ne devait pas avoir lieu. » Revue des sciences ecclés., mars 1866, p. 220-230. Le P. Grisar, S. J., nie toutefois l'exactitude de la dernière remarque; aucun pape n'a approuvé aucun décret de ce genre avant le XVIIIe siècle. (1) Keil, Biblischer Commentar, Josua, 1863, p. 80-81.

humaine, comme la question de la guerre elle-même. Elle est une conséquence de l'existence de l'homme sur la terre, une condition de la vie et de la régénération des sociétés, une sorte de loi de l'humanité, loi mystérieuse que l'histoire constate à toutes ses pages sans pouvoir l'expliquer. Il n'existe guère aujourd'hui, sur notre globe, de terre habitable où les colons primitifs n'aient été supplantés par des envahisseurs plus forts, venus après eux. Les invasions des barbares aux ive et v° siècles ne sont pas un fait isolé; il s'était produit souvent dans les siècles antérieurs, et il se répétera encore dans les siècles futurs : les mêmes causes ramèneront les mêmes effets.

Nous n'avons ni à expliquer ni à justifier une loi sociale dont le motif, connu de Dieu seul, échappe à nos faibles yeux. Quand les peuples ne peuvent plus être contenus dans leurs anciennes limites, leurs flots débordent comme un fleuve grossi, en inondant et ravageant tout sur leur passage. Ils ne se posent point de questions théoriques, ils ne songent pas au droit des gens; ils suivent une sorte d'instinct, ils veulent vivre. Les Israélites, opprimés en Égypte, trop nombreux pour se fixer dans l'étroit désert du Sinaï, suivent la loi qui règle les grandes migrations humaines, ils vont chercher dans la terre de Chanaan ce qu'ils n'ont pas ailleurs : l'indépendance religieuse et politique, en s'affranchissant d'un joug injuste, et des champs à cultiver pour se nourrir. Ce qui rend compte des migrations de tous les autres peuples peut rendre compte aussi de la migration d'Israël, et les incrédules ne peuvent lui refuser un certain droit de se faire, même par les armes, comme les autres peuples, une place au soleil.

2o Cependant il faut observer, de plus, qu'en dehors du besoin d'avoir une patrie propre, les Hébreux avaient un titre particulier de possession à la terre de Chanaan, titre dont ils avaient connaissance et qu'ils invoquaient pour justifier leur conquête la Palestine, c'était pour eux la Terre Promise; Dieu leur en avait fait don. (1) Or, on ne saurait contester à

(1) Gen., XII, 7; xш, 15; xv, 18-21; xxvi, 4; Ex., x111, 5 ; Duet,' XXXIV, 4.

Dieu la propriété de la terre qu'il a créée, Ps. xxIII, 1. Tout ce qu'on peut demander, c'est qu'il ne voue point sans motif des nations entières à l'extermination, et ce motif, Dieu l'avait et il nous l'a fait connaître. S'il condamnait les Amorrhéens à périr sous les coups des enfants de Jacob, c'est parce que la mesure de leurs crimes était comble, et qu'il voulait les châtier de leurs monstrueuses prévarications (1). La société a le droit de punir les individus de leurs fautes, à plus forte raison Dieu a-t-il celui de punir les particuliers et les peuples, selon qu'il le juge à propos, dans sa justice (2).

3o Remarquons d'ailleurs que les Hébreux firent la guerre comme on la faisait de leur temps; Deut., 11, 12, 23. Le livre des Juges, 1, 7, note expressément qu'on n'infligea à quelquesuns des rois vaincus que le traitement qu'ils avaient infligé eux-mêmes à d'autres.

4o Enfin, il faut observer que les Hébreux n'exterminèrent pas tous les Chananéens, comme on l'a dit quelquefois. Quoique leur propre sécurité dans l'avenir et les ordres mêmes de Dieu dussent les y pousser, Num., xxxIII, 55, il resta, de fait, un grand nombre de Chananéens dans le pays conquis, Jud., 1, 27-34; IV, 1, etc

(1) Gen., xv, 16; Lev., XVIII, 3, 21. « Quidam arguunt prophetam crudelitatis, eo quod omnes prorsus trucidaret et reges crucifigeret. Qui prophetam arguit, arguit etiam illum qui ita præcepit. Ipse enim universorum Deus per Mosem legislatorem jussit omnes penitus interfici qui terram incolebant: quippe qui internecione digna commisissent, et devenissent ad extremam nequitiam. Quam ob causam et olim diluvium immisit, et Sodomam ac Gomorrham igne consumpsit. »> Théodoret, Quæst. XXI in Jos., t. LXXX, col. 474. Cf. col. 475, quæst. xv, Voir aussi Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. Goschler, 1856, t. I, p. 179, 192-195, 227-232.

(2) Dieu n'avait condamné à la ruine que les sept tribus chananéennes, parce que c'étaient les plus coupables; il avait expressément excepté les autres nations, Deut., xx, et donné, sur la manière de faire la guerre, des lois beaucoup plus douces que celles qui étaient alors en usage, ibid. Il faut noter aussi que Dieu, en infligeant un châtiment sévère aux Chananéens, voulait intimider les Israélites par cet exemple, Lev., XVIII, 21; Sap., XII.

ARTICLE III.

Partage de la Terre Promise.

431. - Division de cet article

La seconde partie du livre de Josué décrit le partage de la terre de Chanaan entre les diverses tribus d'Israël, et nous donne en même temps la description géographique du pays conquis. Comme il est d'une extrême importance, pour l'intelligence de l'Ancien et du Nouveau Testament, de connaître le plus parfaitement possible la topographie de la Terre Sainte (1); nous allons, dans un premier paragraphe, étudier la géographie de la Palestine, et dans un second montrer comment elle fut partagée entre les douze tribus.

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432. Différents noms de la Palestine dans la Bible.

La Palestine est appelée ordinairement dans la Bible, jusqu'à l'époque des Rois, la terre de Chanaan, et, à partir de Saül, la terre d'Israël. Les prophètes lui donnent quelquefois le nom de terre de Jéhovah, Os., IX, 3; de Terre Sainte, Zach., II, 12. Depuis la captivité jusqu'à la venue de NotreSeigneur, elle est désignée communément sous le nom de Judée (2). Les écrivains sacrés ne la nomment jamais Palestine, ce mot s'appliquant exclusivement, dans leurs écrits, au pays des Philistins; elle reçut cette dénomination des auteurs profanes qui étendirent à toute la contrée la désignation qui ne convenait proprement qu'à la côte occidentale, au sud du Carmel. Ptolémée, v, 16.

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<< La Palestine est formée par la partie méridionale du

(1) Voir t. I, p. 10, 90

(2) I Mac., IX, 50; x, 30, 38; xr, 34; Matth., XIX, 1; Marc., x, 1, etc.

grand plateau calcaire et crayeux et, dans quelques parties, basaltique, qui s'étend du cours central de l'Euphrate à la mer Méditerranée, dans la direction du nord-est au sud-ouest. Ce plateau est traversé à peu près vers son m. eu, du nord au sud, par le bassin du Jourdain (le Ghor), de telle sorte que la Palestine est divisée par ce dernier en deux parties presque égales. Deux chaînes de montagnes la traversent également du nord au sud : le Liban et l'Anti-Liban qui, séparés au nord, puis paraissant se réunir au sud et se fondre dans une troisième chaîne dépendant de l'Anti-Liban et aboutissant au mont Hermon, se divisent de nouveau et se prolongent, le premier, à l'ouest du Jourdain, jusqu'à la péninsule du Sinaï; le second, à l'est du Jourdain, jusqu'à l'extrémité du sud-ouest de l'Arabie, à Moka. La chaîne orientale porte le nom de Galaad, de l'extrémité sud du lac de Tibériade jusqu'à l'extrémité nord de la mer Morte, et le long de la mer Morte jusqu'à son extrémité sud, ceux de Phasgah et d'Abarim. Le nom d'Abarim paraît désigner plus particulièrement la partie sud de cette chaîne et celui de Phasgah la partie nord. Le mont Nébo fait partie de ce système de montagnes. La hauteur des montagnes de la Palestine est moyenne » (1). Leur plus grande élévation est de 900 à 1000 mètres. La Terre Promise comprenait 1° la Palestine proprement dite, c'est-à-dire, la région située à l'ouest du Jourdain, et 2° le pays à l'est du Jourdain. (2)

(1) E. Arnaud, La Palestine ancienne et moderne, ou Géographie physique et historique de la Terre Sainte, in-8°, Paris, 1868, p. 227. - Pour la géographie, non seulement de la Palestine, mais de tous les pays mentionnés dans la Bible, on peut voir L.-G. Gratz, Théâtre des événements racontés dans les divines Écritures, ou l'ancien et le nouvel Orient étudié au point de vue de la Bible et de l'Église, traduit de l'allemand par M. l'abbé Gimarey, revu par M. l'abbé Bugniot, 2 in-8°, 1869. Voir aussi Ad. Chauvet et E. Isambert, Syrie, Palestine, in-12, Paris, 1882. Pour la géographie du Nouveau Testament, voir M. Bacuez, t. III, no 501. (2) Pour étudier avec fruit la description géographique de la Palesline qui va suivre, il est nécessaire d'avoir sous les yeux notre carte de la Palestine ou un Atlas de la Bible.

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