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2o La 1r section, 1, 12-11, montre quelle est la vanité de la vie, en traçant le tableau de la vanité de la sagesse humaine, I, 12-18, et celui de la jouissance des plaisirs et des biens terrestres, II, 1-11, alors même qu'on cherche à n'en jouir qu'avec modération, II, 12-26. Ainsi la sagesse, la science et le plaisir, qui paraissent les plus grands biens de l'homme sur la terre, ne sont que vanité. Cette 1" section a généralement la forme d'une confession de Salomon; il raconte les expériences qu'il a faites pour trouver le bonheur sans tenir compte de Dieu.

3o La 2° section, 1-v, établit que l'homme n'est pas le maître de son sort, mais qu'il est tout entier entre les mains de Dieu et sous la dépendance de sa Providence. Tous les événements de la vie sont fixés et réglés. L'homme doit donc s'y soumettre et tâcher de tirer le meilleur parti possible de la vie présente. Quels que soient les maux et les injustices qui règnent sur la terre, si l'homme a la crainte de Dieu, s'il remplit ses devoirs, s'il se confie en la Providence, s'il estime à leur juste valeur les biens de ce monde, s'il se contente de jouir des biens qui lui sont donnés, il aura agi sagement. Cette 2° section nous montre donc l'impuissance des efforts humains pour atteindre le bonheur, parce que nous ne pouvons pas lutter contre les événements et contre la Providence. La conclusion est qu'il faut se résigner à supporter les maux qu'on ne peut éviter et à jouir des biens que

Dieu nous donne.

4° La 3° section, VI-VIII, 15, montre que le bonheur n'est pas dans la recherche des richesses ni de la réputation. La sagesse pratique consiste à prendre les choses comme Dieu les envoie, à être patient, à ne pas se livrer aux récriminations, à obéir aux supérieurs.

5o La 4 section, vIII, 16-xII, 7, donne le résumé des recherches et des expériences des trois sections précédentes et

traire. « Verba Ecclesiastes,... nescio quo pacto, modo cum legerentur, dulcia facta sunt in auribus nostris. Et ecce cœpimus libenter audire mala nostra, et quæ non diligimus tamen audire diligimus. Mala enim nostra non diligimus, et mala nostra audire diligimus. » Hugues de Saint-Victor, In Ecclesiasten, hom, II, t. CLXXV, col. 133.

la conclusion finale. Il est impossible à la sagesse humaine d'approfondir l'oeuvre de Dieu, VIII, 16-17; les bons, comme les méchants, sont soumis à la Providence dont la volonté est inscrutable, IX, 1-2; ils doivent mourir et être oubliés, Ix, 3-6; nous devons donc jouir de la vie en attendant la mort, Ix, 7-10; le succès ne récompense pas toujours les efforts de l'habile et du sage, IX, 11-12; la sagesse, quoique avantageuse en bien des cas, est souvent un objet de mépris pour la folie, IX, 13-x, 3. Nous devons être patients et obéir à ceux qui gouvernent, même quand ils sont injustes, parce que la résistance ne ferait qu'accroître nos maux, x, 4-11: la prudence dans les choses de la vie vaut mieux que la folie, x, 12-20. Il faut être charitables, dussions-nous faire des ingrats, car ceux à qui nous faisons du bien peuvent après tout nous en être reconnaissants, x1, 1-2. Nous devons toujours travailler, puisque nous ignorons lesquels de nos efforts seront couronnés de succès, et rendre ainsi la vie agréable, XI, 3-8. Néanmoins, comme tout cela ne satisfait point l'âme, l'Ecclésiaste conclut en définitive que la pensée du jugement dernier doit être la règle de notre vie, XI, 9-10, et que nous devons vivre depuis notre jeunesse jusqu'à la vieillesse dans la crainte de Dieu et du jugement final, dans lequel tout sera expliqué, XII, 1-7.

8;

6° L'épilogue, XII, 8-14, contient la solution du problème énoncé dans le prologue. Tous les efforts de l'homme pour obtenir la félicité complète sur la terre sont vains, XII, l'expérience de Salomon, le plus sage des hommes, qui a essayé de tout, en est la preuve, XII, 9-10. Les livres sacrés, qui nous apprennent la vraie sagesse, conduisent à la vraie félicité, XII, 11-12 : ils nous apprennent qu'il y a un juge équitable qui, au grand jour du jugement, nous rendra selon nos œuvres. La règle de la vie, c'est donc de le craindre et de garder ses commandements, c'est-à-dire de pratiquer fidèlement la religion, XII, 13-14. C'est donc Dieu, la pensée de Dieu, qui résout le problème de la destinée de l'âme que s'est posé l'Ecclésiaste. Si Dieu n'intervient pas personnellement dans ce livre, comme dans celui de Job,

avec lequel il a tant de ressemblance par le sujet, c'est lui du moins qui donne la solution comme dans Job. Dieu est toujours présent à Salomon; il ne le nomme pas moins de 37 fois dans douze chapitres (1); c'est bien le time Deum qui est le devoir de l'homme, v, 6; XII, 13, d'où dépend sa félicité, vIII, 12, et son sort définitif, vi, 18 (Vulg., 19); XI, 9; XII, 14. Telle est la pensée dominante de l'Ecclésiaste et l'explication du livre.

7° La division que nous venons de donner est aujourd'hui universellement admise, au moins dans ses traits principaux. La suite des pensées n'est pas toujours rigoureuse, la liaison des idées surtout n'est pas partout apparente, et l'enchaînement n'est pas très méthodique; il y a des oscillations dans l'exposition, quelques répétitions et quelques parenthèses, mais il est impossible néanmoins de méconnaître l'idée dominante de chacune des parties: la vanité des plaisirs de ce monde dans la première section, l'impuissance de l'homme contre la volonté de la Providence dans la seconde, la vanité des richesses et de la réputation dans la troisième, le résumé de tout ce qui précède dans la quatrième, et la conclusion que le but de la vie doit être, non de chercher un bonheur parfait, qu'il est impossible d'atteindre, mais de s'assurer une sentence favorable au tribunal de Dieu (2).

(1) Haélohim, 11, 24, 26; II, 11, 14, 15, 17, 18; iv, 17; v, 1, 5, 6, 17, 18, 19; VI, 2; VII, 13, 14, 26, 29; VIII, 15, 17; IX, 1, 7; XI, 5, 9; XII, 7, 13, 14. — Elohim, III, 10, 13; v, 3, 18; vII, 18; VIII, 2, 13.

(2) Hugues de Saint-Victor a bien analysé l'enseignement de l'Ecclésiaste dans les mots suivants : « Ostendit omnia esse vanitati subjecta: in his quæ propter homines facta sunt, vanitas est mutabilitatis; in his quæ in hominibus facta sunt, vanitas mortalitatis. » Hugues de SaintVictor, In Ecclesiasten Hom. I, t. CLXXV, col. 116. (Toute la première homélie, dans laquelle est analysée l'Ecclésiaste, mérite d'être lue). Il faut seulement compléter cette analyse par le mot de l'auteur de l'Imitation, I, I, 4: «Vanitas vanitatum et omnia vanitas, præter amare Deum et illi soli servire. » L'univers, sans Dieu, est la plus inexplicable des énigmes, mais Dieu nous fait comprendre ce que la sagesse humaine est impuissante à expliquer. Bossuet a également bien résumé la doctrine du livre de l'Ecclésiaste au commencement de sa préface sur ce livre « Totus hic liber unica velut argumentatione concluditur. cum vana omnia sub sole sint, vapor sint, umbra sint, ipsumque nihi;

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· Difficultés auxquelles a donné lieu la doctrine de l'Ecclésiaste. Non seulement la doctrine de l'Ecclésiaste est irréprochable, mais elle est divine. Cependant, comme Salomon s'étend beaucoup sur la vanité des choses humaines et expose longuement des idées qu'il ne réfute à la fin qu'en peu de mots, on s'est souvent mépris, et de tout temps, sur le but et la tendance de l'auteur de l'Ecclésiaste. Déjà les anciens Juifs avaient été surpris des paroles qu'on lit dans certaines parties de ce livre. Nous lisons dans S. Jérôme, Comment. in Eccl., XII: « Aiunt Hebræi, cum inter cætera scripta Salomonis, quæ antiquata sunt, nec in memoria duraverunt, et hic liber obliterandus videretur, eo quod vanas assereret Dei creaturas, et totum putaret esse pro nihilo, et cibum, et potum, et delicias transeuntes præferret omnibus : ex hoc uno capitulo (XII°) meruisse auctoritatem, ut in divinorum voluminum numero poneretur, quo totam disputationem suam, et omnem catalogum hac quasi dvaxepaλate: (recapitulatione) coarctaverit, et dixerit, finem sermonum suorum auditu esse promptissimum, nec aliquid in se habere difficile, ut scilicet Deum timeamus et ejus præcepta faciamus. Ad hoc enim natum esse hominem, ut creatorem suum intelligens, veneretur eum metu, et honore, et opere mandatorum. » Le dernier chapitre nous donne, en effet, d'une manière claire le sens du livre. Mais il ne faut rien en conclure contre les onze premiers chapitres. « Neque tamen putemus hos tantum versiculos (ultimi capitis), observe avec raison Bossuet, priscis sapientibus dignos esse visos quos Spiritus Sanctus dictaverit : imo vero cæteros ex his maxime æstimatos fuisse, quippe cum ad illos totum librum referri facile. intelligamus, nihilque sit proclivius quam ut confugiamus. ad Deum, posteaquam cætera omnia vana esse constiterit. »

Quelque claire que soit la conclusion de l'Ecclésiaste et par conséquent la signification de tout le livre, la doctrine qu'il

lum; id unum in homine magnum verumque esse, si Deum timeat, præceptis ejus pareat, ac futuro judicio purum atque integrum se servet. » Cf. S. Basile, Hom. x. no 1. t. XXXI, col. 387.

contient n'en a pas moins été attaquée de nos jours avec un redoublement de passion. On a prétendu y rencontrer les erreurs les plus graves : le scepticisme, le matérialisme, le fatalisme et l'épicuréisme. Nous allons examiner ces attaques, parce que, tout en y répondant, elles nous fourniront l'occasion d'étudier plus complètement la doctrine de ce livre difficile et de toucher aussi à certaines questions qui intéressent tout l'Ancien Testament.

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Du prétendu scepticisme de l'Ecclésiaste.

1° « Le combat intérieur qui prépare l'âme à s'abreuver de toutes les amertumes du scepticisme, dit M. Léon de Rosny, se reconnaît jusque dans les contradictions du Kohéleth. Tandis que Job se console tant bien que mal de l'impénétrabilité des desseins de Dieu, l'Ecclésiaste, après avoir vainement cherché le mot de l'énigme, ne se décide encore à proclamer l'impuissance de la raison et la vanité de toutes choses que lorsque l'amertume, longtemps contenue dans son cœur ulcéré, déborde malgré lui à longs flots et engloutit ses dernières espérances et son Dieu. >> Umbreit a écrit un livre intitulé Koheleth scepticus. Nældeke và jusqu'à dire : « Le caractère dominant chez l'auteur est le scepticisme; il n'a aucune conviction arrêtée. »

2o L'accusation de scepticisme est tirée de plusieurs passages, 1, 2, 8-18; III, 9-11; VI, 8, et surtout VIII, 16-17: « Et apposui cor meum ut scirem sapientiam et intelligerem distentionem, quæ versatur in terra; est homo, qui diebus et noctibus somnum non capit oculis. Et intellexi quod omnium operum Dei nullam possit homo invenire rationem eorum, quæ fiunt sub sole; et quanto plus laboraverit ad quærendum, tanto minus inveniat; etiamsi dixerit sapiens se nosse, non poterit reperire. »

3o Des exégètes catholiques ont pensé que ces versets et autres de ce genre étaient des objections que Salomon se faisait à lui-même pour les réfuter ensuite, mais cette explication paraît peu satisfaisante, car on ne voit pas d'ordinaire la réponse suivre l'objection. Il est d'ailleurs facile de justifier directement l'Ecclésiaste.

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