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avaient été prédits. -3° Quand l'empire de Nabuchodonosor venait d'atteindre son plus haut degré de gloire et de puissance, Jérémie annonce sa décadence et sa ruine, non pas en termes généraux mais en termes exprès et circonstanciés : Babylone sera prise par les Mèdes et leurs alliés; ils entreront dans ville par le lit desséché de l'Euphrate, pendant une nuit de fêtes et de folle ivresse; les Juifs verront alors finir leur captivité. Par quelle perspicacité d'esprit un Juif, vivant à Jérusalem, pouvait-il prévoir de telles choses, deviner de tels détails, longtemps à l'avance, autrement que par une révélation divine? 4° Les prophètes ont embrassé, dans le cercle de leurs oracles, tous les peuples qui les entouraient et tout ce qu'ils avaient prédit s'est accompli. Ils avaient annoncé la ruine de Ninive, de Babylone, de Tyr, de Memphis, des Ammonites, des Moabites, des Philistins, des Iduméens toutes ces villes et tous ces peuples ont disparu à jamais de la scène du monde; il n'y a pas une seule cité, pas une seule nation, dont le sort n'ait été celui qu'avaient prophétisé les prophètes d'Israël. Une telle coïncidence ne peut être l'effet du hasard, mais est l'œuvre de Dieu. Les ruines de toutes ces grandes villes, autrefois florissantes, sont là comme des témoins muets, mais toujours subsistants, de l'inspiration des prophètes. 5° Zacharie a clairement décrit les conquêtes d'Alexandre, ix, 1-8. Il prédit qu'Hadrach, Damas et Émath seront conquis, que les boulevards de Tyr seront jetés dans la mer et la ville brûlée; que Gaza perdra son roi; qu'Azot sera peuplée par une vile populace; et qu'au milieu de tant de troubles, Jérusalem sera tranquille. Toutes ces prophéties s'accomplirent exactement pendant l'expédition d'Alexandre. Un des pères du rationalisme moderne, Eichhorn, frappé du caractère de ces prédictions, n'a pas trouvé d'autre moyen d'en éluder la force que de prétendre, en recourant aux hypothèses les plus inadmissibles, que c'était une narration historique, voilée sous une forme prophétique : c'était en reconnaître involontairement le caractère extraordinaire et la parfaite exactitude. -6° On pourrait citer une multitude d'autres exemples de

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ce genre, mais ceux-ci suffiront. Mentionnons seulement encore les prophéties messianiques. Celles-là sont incontestablement antérieures aux événements qu'elles prédisent; or, elles décrivent la vie de Notre-Seigneur comme les événements dont il était question tout-à-l'heure: il n'y a presque point de fait dans l'Évangile, depuis la naissance de Jésus-Christ à Bethleem jusqu'à sa mort, qu'elles n'aient annoncé, no 903. L'existence des prophéties est donc un fait historiquement démontré (1). En quoi consistait la mission du prophète

895.

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Il résulte de tout ce que nous venons de dire que le prophète était l'interprète de Dieu, l'intermédiaire entre Dieu et son peuple; il recevait les ordres du Seigneur et communiquait à la race d'Abraham le plan divin; c'était tout à la fois le représentant du patriotisme et de la religion, un pouvoir politique dans l'État et le gardien, constitué par Dieu luimême, de la théocratie, le ministre extraordinaire mais autorisé de la loi (2), le canal par lequel le Seigneur manifestait la révélation concernant la venue du Messie. Par conséquent sa mission était double, l'une se rapportant au temps présent, l'autre à l'avenir. 1° Pour le présent, il devait maintenir la religion mosaïque dans son intégrité, conserver la pureté des mœurs et des doctrines par ses avertissements, ses reproches, ses menaces (3). 2o Pour le temps à venir il devait montrer que la loi ancienne n'était que la préparation de la loi nouvelle et le type des temps messianiques; il devait garder vivantes dans le cœur du peuple l'espérance et la foi au Messie. De là les deux espèces principales de prophéties les unes concernent directement le peuple de Dieu ou, parfois, les nations étrangères avec lesquelles il était en rapport; les autres ont trait à Jésus-Christ et à son Église. Cependant les premières elles-mêmes regardaient aussi indirectement le Messie, qui était le sujet capital de la

(1) Hengstenberg, Kitto's Cyclopædia of the Bible, t. II, p. 418-419. Cf. Jahn, Einleitung in die göttlichen Bücher des A. T. t. I, p. 84 sq.; t. II, p. 349 sq.; Huet, Dém. Ev., dans Migne, Dém. Ev., t. v, col. 481-488. (2) Is., LVIII, 3-7; Ez., XVIII; Mich., vi, 6-8; Os., VI, 6; Amos, v, 21, etc, (3) Is., I, 14-17; III, 5, etc.; no 482, 1o.

mission des prophètes et dont l'avènement a toujours été regardé par les Juifs, de même que par les chrétiens, comme le couronnement de la loi et l'accomplissement de tous les oracles, Matth., v, 17 (1).

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Elle est assez variée; cependant, le plus souvent, chaque prophétie comprend quatre parties: 1° une exhortation; 2' une accusation et des reproches ; 3° des menaces de châtiments; 4o des promesses comme récompense de la conversion à laquelle sont invités les pécheurs. Telle est la marche la plus ordinaire que suit le prophète dans la manifestation des volontés de Dieu. Il s'exprime communément sous forme de discours, mais le discours, comme nous allons le voir, n° 897, est fréquemment mêlé de visions, de récits d'actions symboliques, de cantiques, d'élégies, etc. En général, le langage est moins poétique que celui de Job et des Psaumes; les vers proprement dits sont rares; les récits historiques sont en simple prose; les oracles prophétiques sont tantôt en prose ordinaire, tantôt en prose caractérisée par le parallélisme.

897. De la manière dont Dieu révélait sa volonté aux prophètes.

Dieu faisait ses révélations aux prophètes de plusieurs manières. Les trois principales étaient la parole, la vision et le songe. 1o La parole, 117, dábár. Le recueil des prophéties de Jérémie porte pour titre : Verba Jeremiæ... Quod factum est verbum Domini ad eum, Jer., 1, 1-2. De même celui d'Osée et de Joel: Verbum Domini quod factum est ad Osee, 1, 1; Verbum Domini quod factum est ad Joel, 1, 1 (2). Par la parole divine, il faut entendre sans doute, d'ordinaire (3), non pas un langage articulé et sensible aux oreilles corpo

(1) Ce qui a été dit, nos 162, 166, du double sens de l'Écriture, littéral et mystique, s'applique particulièrement aux prophéties. Les unes concernent N.-S. dans le sens littéral, comme Is., VII, 14; Matth., 1, 23; les autres dans le sens spirituel, comme Osée, XI, 1; Matth., II, 15. Cf. n°892. (2) Cf. Is., VII, 3; VIII, 1; Ez., 1, 3; II, 1-2; III, 1, etc.

(3) Dans certaines circonstances, Dieu s'est révélé certainement par des sons articulés, I Reg., III, 4; Ex., III, 4, etc.

DE LA NATURE DE LA PROPHÉTIE. 463 relles, mais une voix qui se faisait entendre au dedans (1). La plupart des communications divines étaient faites de cette manière. Le prophète les transmettait ensuite au peuple dans des discours qu'il prononçait de vive voix (2) ou qu'il écrivait pour les faire connaître sous cette dernière forme.

2o Dieu se révélait aux prophètes par des visions, 11, kházon. C'est le titre des prophéties d'Isaïe : Visio Isaiæ, filii Amos (3). Les exemples de visions abondent dans les prophètes, surtout dans Ézéchiel (4). En quoi consistaient-elles? Dieu les représentait-il aux yeux du corps d'une manière sensible et physique, ou seulement à l'imagination par des images qui n'avaient aucune réalité extérieure? Les exégètes ne sont pas d'accord sur ce point. S. Jérôme se prononce pour le second sentiment. Parlant de la fameuse vision des ossements arides d'Ézéchiel, il dit que Dieu eduxit eum in spiritu, non in corpore, sed extra corpus (5). Cette opinion semble la plus commune, mais peut être ne faudrait-il pas l'étendre absolument à tous les cas (6). Quoi qu'il en soit, il est certain que les visions prophétiques ne sont pas des fictions; Dieu les avait réellement présentées à l'esprit de ses interprètes. Souvent elles étaient rendues comme palpables, au peuple, par des actions symboliques, Ez., iv, etc. Plusieurs, il est vrai, croient que ces symboles n'étaient que décrits, et non représentés comme dans un tableau vivant; qu'Ézéchiel, par exemple, n'avait pas tracé réellement sur une brique le plan de Jérusalem, iv, 1, mais simplement écrit ce que nous lisons dans son livre. On ne voit pas néan

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(1) Num., XII, 6-8; Apoc., 1, 10.

(2) Is., VII; XXXVI, 6, 21; Amos, VII, 10; Jer., XXI; XXVIII, 5; Ez., XIV, 1, etc.

(3) Is., I, 1, etc. Cf. Num., XII, 6; Joel, 11, 28. (4) Ez., 1, 4, etc.; cf. Is., vi; Zach., 1, 8 sq.

(5) In Ezech., 1. XI, c. xxxvII, t. xxv, col. 347.

(6) Ainsi, si l'on considère l'apparition de l'archange Gabriel à Daniel, VIII, 16 sq., comme une vision, on doit reconnaître que cette vision fut, réelle; mais au lieu de donner à ce fait et autres semblables le nom de simple vision, on peut, afin d'enlever toute équivoque, leur attribuer celui d'apparition, Dieu faisant apparaître son ange au prophète pour lui communiquer ses volontés par la parole.

moins pourquoi il n'aurait pas exécuté ce que Dieu lui commandait de faire, au moins quand l'exécution était facile.

3o Dieu se manifestait aussi, mais plus rarement, à ses prophètes par des songes (1). Ce mode de communication prophétique différait du second, principalement en ce que la vision avait lieu pendant l'état de veille, tandis que le songe avait lieu pendant le sommeil. Du reste, dans le songe comme dans la vision, le Seigneur se servait ordinairement des images qui étaient familières aux prophètes pour en revêtir ses révélations; c'est ainsi que les visions d'Isaïe et de Jérémie ont une couleur palestinienne, tandis que celles d'Ézéchiel et de Daniel sont remplies de traits et de symboles empruntés à la Chaldée.

4o De quelque manière que Dieu révélât l'avenir au prophète, il le lui manifestait comme déjà présent ou même comme passé (2), de là vient que l'écrivain emploie si fréquemment, même quand il s'agit d'un temps futur, le prétérit que l'on a appelé prophétique.

5° Puisque Dieu communiquait ses volontés aux prophètes par la parole, par des visions ou par des songes, il suit de là que le don de prophétie était transitoire, et non habituel ou permanent (3), et que les prophètes ne connaissaient que ce que Dieu jugeait à propos de leur révéler chaque fois par une manifestation spéciale (4).

(1) Num., XII, 6; Joel, 11, 28; Dan., I, 17; vii, 1.

(2) « Mos... est prophetarum omnium de nondum factis ut de factis loqui, dit S. Jean Chrysostome, In Gen. 1, hom. x. no 4, t. LIII, col. 85, quia enim mentalibus oculis videbant quæ post multorum annorum curricula erant futura, idcirco quasi nunc ob oculos posita spectarent, ita cuncta narrabant. » — « Id jam olim prophetis in more fuit, qui de futuris rebus quasi jam factis loquuntur. » Id., In Joa. hom. XIII, no 3, t. LIX, col. 89.

(3) Lumen propheticum non inest intellectui prophetæ per modum formæ permanentis, alias oporteret quod semper prophetæ adesset facultas prophetandi, quod patet esse falsum... Relinquitur ergo quod lumen propheticum insit animæ prophetæ per modum cujusdam passionis vel impressionis transeuntis... Mens prophetæ semper indiget nova revelatione... Unde manifestum est quod prophetia, proprie loquendo, non est habitus. » S. Th., 2a 2æ, q. 171, a. 2.

(4) « Non oportet pronhetis omnia prophetabilia nota esse. » Ib. a. 4.

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