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ARTICLE I.

Introduction au livre des Juges.

Division et plan de ce livre.

Son auteur; date de sa composition. Chronologie

de ce livre. Utilité de sa lecture.

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Le livre des Juges comprend une introduction, sept sections formant le corps de l'ouvrage et deux appendices.

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I. Introduction, I-III, 6. Elle renferme deux parties, qui sont parallèles entre elles. Cf. 1, 1, avec 11, 8 et 11, 2-3 avec III, 4-6. La première, 1-11, 5, trace le tableau de l'état politique d'Israël, après la mort de Josué, relativement aux Chananéens, qui n'avaient pas été expulsés de leurs anciennes possessions; la seconde, 11, 6-111, 6, dépeint l'état religieux des Hébreux, qu'elle nous montre vacillant constamment entre la fidélité et l'infidélité, prospères quand ils servent le vrai Dieu, châtiés quand ils tombent dans l'idolâtrie, jusqu'à ce qu'ils fassent pénitence.

II. Les Juges d'Israël, mentionnés dans le livre qui porte leur nom, sont au nombre de treize ou de quatorze, selon que l'on compte ou non parmi eux Abimélech, qui usurpa le pouvoir royal à Sichem. L'auteur sacré ne nous les fait pas tous connaître en détail; il ne raconte un peu longuement que la vie de sept d'entre eux, en se contentant d'énumérer les autres. De là sept sections : 1o Othoniel, III, 7-11; 2o Aod (et Samgar), III, 12-31; 3° Débora et Barac, Iv-v, 4o Gẻdéon, vi-VIII, 32; 5o Abimélech (Thola et Jaïr), viii, 33-x, 5; 6° Jephté (Abesan, Ahialon et Abdon), x, 6-x11; 7° Samson,

XIII-XVI.

III. Appendices, XVII-XXI. - Un premier appendice nous raconte l'histoire de l'idolâtrie des Danites, XVII-XVIII, et un second le crime des habitants de Gabaa, qui amena la guerre des autres tribus contre celle de Benjamin et l'anéantissement presque total de cette dernière, XIX-XXI. Ces deux événements n'ont aucune relation nécessaire avec le corps de l'ouvrage; ils y sont joints comme suppléments, parce qu'ils

se sont passés dans la même période, le premier, un peu avant, le second, un peu après la mort de Josué (1).

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1° Si l'on ne tient pas compte de ce double appendice, le livre des Juges forme un tout homogène, dont une pensée unique constitue l'unité. Nous n'avons là, sans doute, qu'une série de portraits, mais ils ont tous été peints par le même artiste et dans le but de former une seule galerie. L'introduction en est comme le vestibule nécessaire, qui prépare et explique ce qui suit. L'unité des chapitres III, 7-xvi, 31, ressort nettement des formules suivantes, régulièrement répétées: Fecerunt malum in conspectu Domini, II, 11; III, 7; 12; IV, 1; VI, 1; VIII, 33; x, 6; XIII, 1; Clamaverunt ad Dominum qui suscitavit eis salvatorem, III, 9; 15; iv, 3; vi, 7; x, 10; Et quievit terra... annis, III, 11; 30; v, 32; ví, 28. Le cadre de tous les récits est donc identique, et il nous révèle clairement le dessein de l'auteur, indiqué d'ailleurs dans l'introduction: c'est de prouver par des exemples qu'Israël est heureux tant qu'il est fidèle à son Dieu; malheureux, dès qu'il l'abandonne; pardonné, dès qu'il se convertit. Ainsi le corps de l'ouvrage n'a point d'autre but que de démontrer la thèse posée, II, 11-19, et la conclusion pratique qui en découle, c'est la nécessité, pour le pécheur, de reconnaître sa faute et de revenir à son Dieu.

2° L'unité du livre des Juges, qui se manifeste si bien dans le plan adopté par l'auteur, est la preuve qu'il est l'œuvre d'un seul écrivain. Certains rationalistes l'ont nié cependant, et ils

(1) Ces dates résultent, pour l'histoire des Danites, de la comparaison de Jud., 1, 34, avec Jos., XIX, 47, et pour celle de la guerre contre les Benjamites, de Jud., xx, 27-28. La conquête de la ville de Dan, racontée en détail, Jud., XVII-XVII, étant indiquée sommairement, Jos., XIX, 47, a dû avoir lieu dans les derniers temps de la vie de Josué pendant qu'il vivait retiré à Thamnathsaré. Les évènements des chapitres XIXXXI ne peuvent pas être de beaucoup postérieurs à la mort de Josué, puisqu'ils se sont passés sous le pontificat de Phinée, xx, 28, fils d'Éléazar, petit-fils d' Aaron. Phinée devait être assez avancé en âge à la mort de son père. Ex., vi, 23; Num., xxv, 7, 11; xxx1, 6; Jos., XXII, 13, 30, 31; XXIV, 33.

ont prétendu s'appuyer sur la diversité du style des diverses parties. C'est à tort, car les expressions propres au narrateur se retrouvent dans toutes les sections: ainsi, son mot favori pyi, zá‘aq, ou pyy, tsâ'aq, convoquer, revient fréquemment (1). Date et auteur du livre des Juges.

448.

1° On peut fixer approximativement la date du livre des Juges. 1° Comme la mort de Samson forme la fin du récit et que la durée de l'oppression des Philistins est indiquée, XIII, 1, il en résulte que l'ouvrage ne peut pas avoir été écrit avant la victoire de Samuel sur ces ennemis du peuple de Dieu, I Reg., vii, 1-14. De plus, les mots : In diebus illis non erat rex in Israel, qui se lisent quatre fois dans les Juges, XVII, 6; XVIII, 1,31 (texte héb., XIX, 1); XXI, 24, supposant la royauté déjà établie en Israël, nous ne pouvons pas placer l'époque de la composition des Juges avant l'avènement de Saül au trône. 2o D'autre part, comme il est dit expressément, 1, 21, que les Jébuséens sont encore dans Jérusalem avec les Benjamites, usque in præsentem diem, et que nous savons par II Reg., v, 6-7, que cette tribu chananéenne fut chassée par David, au commencement de son règne, de la cité dont il devait faire la capitale de son royaume, il suit de ces données que l'auteur a écrit avant cet événemeut.

2o La tradition talmudique attribue à Samuel le livre des Juges; quoique cette tradition ne puisse pas être établie rigoureusement, elle s'accorde bien avec les faits que nous venons de rappeler et ne manque pas de vraisemblance.

(1) Jud., iv, 10, 13; VI, 34, 35; VII, 23, 24; X, 17; XII, 1, 2; XVIII, 22, 23; etc. Commentateurs catholiques: Origène, Selecta in Judices, t. XII, col. 949-950; In librum Judicum Homiliæ, ibid., col. 951-999; S. Ephrem, In librum Judicum, Opera Syriaca, t. 1, p. 308-330; S. Augustin, In Heptateuchum, Quæst. in Judices, t. XXXIV, col. 791-824; Théodoret, In Judices, t. LXXX, col. 485-518; Procope de Gaza, Commentarium in Judices, t. LXXXVII, pars 1a, col. 1041-1080; V. Bède, Quæstiones super librum Judicum, t. xc, col. 423-430; Hugues de Saint-Victor, Adnotationculæ elucidatoriæ in librum Judicum, t. CLXXV, col. 87-96 : « Hic (liber Judicum) in superficie litteræ, dit-il, col. 87, apertior reliquis apparet; » Bonfrère, In librum Judicum commentarium, Migne, Cursus completus Scripturæ Sacræ, t. VIII, col. 525-1114; Clair, Les Juges, 1878, dans la Bible de M. Lethielleux, etc.

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La chronologie du livre des Juges est extrêmement difficile à déterminer. La durée de chaque judicature nous est indiquée par l'auteur sacré, mais l'étude comparée du texte montre qu'il y a eu, à certaines époques, plus d'un juge à la fois, sur des points divers du territoire, et les données font défaut pour déterminer les synchronismes de cette période historique. La somme totale des chiffres bibliques est de 410 ans :

1. Oppression de Chusan Rasathaim, III, 8
2. Othoniel, m, 11 .

3. Oppression d'Églon, 111, 14

4. Aod, II, 30 (1)

5. Oppression de Jabin, iv, 3.

6. Débora et Barac, v, 32.

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8

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40

18

80

20

40

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Si l'on ajoute à ce total de 410 ans la durée de la judicature d'Héli, c'est-à-dire 40 ans, I Reg., iv, 18 (sans tenir compte de Samuel), on a pour la durée de la période des Juges la somme de 450 ans (2). Ce chiffre est trop consi

(1) Aucun chiffre n'est donné pour la judicature de Samgar.

(2) Ce chiffre est celui que nous lisons, Act.. XIII, 20, dans le discours de S. Paul à Antioche de Pisidie, et qu'il donne comme approximatif : « quasi post quadringentos et quinquaginta annos. » Mais la Vulgate ne le rapporte pas aux Juges. « Ce verset, dit M. l'abbé Crampon, se lit de deux mauières, et, par suite, offre deux sens différents : 1o Lachmann adopte la leçon des manuscrits d'Alexandrie, du Vatican et du Şinaï, suivie par la Vulgate, la plupart des versions anciennes, S. Jean

rable. Nous lisons, III Reg., vi, 1, que depuis l'Exode jusqu'au commencement de la construction du temple de Jérusalem, la quatrième année du règne de Salomon, on comptait seulement 480 ans. Or, d'Héli à la quatrième année de Salomon, il y a 84 ans, même en ne tenant point compte de l'intervalle entre Héli et Saül :

Chrysostome, etc... Quel est, dans ce cas, le point de départ (terminus a quo) des 450 ans écoulés jusqu'au partage du pays de Chanaan? La naissance d'Isaac, le premier héritier de la promesse (cf. Gen., XXI, 2). On compte, en effet, de la naissance d'Isaac à celle de Jacob, 60 ans; de la naissance de Jacob à l'entrée en Egypte, 130 ans; 215 ans pour le séjour des Hébreux en Égypte (Gal., III, 17), et 47 depuis la sortic d'Égypte jusqu'au partage de la Terre Sainte, en tout 452 ans. On objecte avec raison que le point de départ qui sert de base à ce calcul est arbitraire et nullement indiqué par S. Paul. Aussi 2o Tischendorf et la plupart des interprètes modernes regardent la leçon suivie par la Vulgate comme une correction fort ancienne, destinée à faire dispa. raitre une difficulté de chronologie (Cf. III Reg., VI, 1); selon eux, et c'est le sentiment auquel nous inclinons, S. Paul a voulu, par le chiffre de 450 ans, marquer la durée de la période des Juges. La véritable leçon du . 20 serait donc celle que l'editio recepta a consacrée depuis longtemps, savoir: Et post hæc, quasi per 450 annos dedit judices, etc.; « Ensuite, pendant 450 ans environ, il leur donna des juges, » etc. Il est vrai que cette donnée chronologique ne s'accorde pas avec un passage du IIIe livre des Rois, vi, 1, où l'intervalle qui sépare la sortie d'Égypte de la construction du temple de Salomon n'est évalué qu'à 480 ans (440 dans les Septante), chiffre que MM. de Rougé et Lenormant voudraient abaisser encore pour des raisons tirées du synchronisme avec les annales de l'Égypte. Ces contradictions prouvent combien il est difficile d'établir une chronologie certaine de la Bible. Josèphe lui-même, rapporteur fidèle des traditions de la synagogue, a jusqu'à trois manières opposées de compter la durée de la période des Juges; mais l'une d'elles s'accorde exactement avec celle de S. Paul, Antiq., VIII, III, 1. On peut donc admettre que ce dernier a tout simplement [donné comme Josèphe] le chiffre de 450 ans [suivant une tradition de la synagogue]. Parlant à des Juifs, il devait, pour une question de date, se conformer aux traditions qui avaient cours parmi eux. » Les Actes des Apôtres, 1872, p. 244-245. Quoique l'opinion commune des exégètes contemporains entende les 450 ans de la durée de la judicature, il nous semble qu'on doit plutôt l'entendre des 400 ans dont parle la Genèse, xv, 13, et que S. Étienne rappelle, Act., vII, 6, plus les 40 ans du séjour dans le désert et les 7 de la conquête de la Palestine par Josué, ce qui donne, quasi, environ 450 ans. Le chiffre de S. Paul est ainsi exact, et il est d'ailleurs tout naturel que le chiffre de 400 ans, mentionné dans la Genèse, lui revienne à la mémoire.

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