Page images
PDF
EPUB

grande utilité à fixer par écrit, pour l'avenir, la distribution du territoire faite entre les diverses tribus, et l'on aurait lieu d'être surpris, si le conquérant de la terre de Chanaan. n'avait pas rempli un devoir qui semblait faire partie de sa mission.

2o Divers indices trahissent d'ailleurs une haute antiquité et confirment ainsi, plus ou moins directement, la tradition ancienne. Tel est 1° l'emploi en trois endroits, iv, 23; v, 1, 6, de la première personne dans le texte original (1). -2° Bethléem patrie de David, n'est pas nommée parmi les villes de la tribu de Juda, et elle aurait été certainement mentionnée, si ce livre avait été composé pendant la vie de ce prince ou après sa mort. 3o Le ch. xv, 63, dit formellement que le Jébuséen habitait encore à Jérusalem; l'auteur écrivait par conséquent avant la huitième année de David, date à laquelle ce monarque s'empara de Sion, II Reg., v, 5-7 (2). 4° Le livre des Juges, comme nous le verrons plus loin, n° 447, a été écrit vers l'époque de l'établissement de la royauté en Israël; or, on ne peut pas admettre que le livre de Josué, qui relie ce livre au Pentateuque, ne fût pas alors déjà composé. 5° Sidon y est désignée, x1, 8, comme la grande ville; cette expression prouve quelle est la haute antiquité de cette histoire, car Sidon fut ruinée par les Philistins, du temps des Juges, en 1209 (3). Tyr acquit dès lors la prépondérance et mérita seule le titre de grande ville. -6° La manière dont l'auteur du livre raconte incidemment l'histoire de Josué, avec le ton que peut y mettre seul un acteur ou au moins un témoin oculaire, semble indiquer la main de Josué lui

(1) L'auteur, dit à la première personne, dans le texte hébreu, iv, 23 et v, 1:1, 'obrénou, « le passer de nous. » La Vulgate a traduit IV, 23, donec transiretis, et v, 1, donec transirent, au lieu de donec transiremus. L'hébreu a aussi nobis, v, 6, là où la Vulgate traduit eis. (2) Cf. aussi Jos., XVI, 10; Jud., 1, 29 et III Reg., IX, 16, qui prouvent que Josué a été écrit avant l'époque de Salomon, puisque c'est alors seulement que Gazer cessa d'appartenir aux Chananéens et devint ville israélite. - Les Septante et l'ancienne Italique ont ajouté, Jos., xvi, 10, au sujet de Gazer: Dedit eam in dotem Pharao filiæ suæ. Voir S. Augustin, Quæst. in Hept., 1. VI, t. XXXIV, col. 784-785.

(3) Fr. Lenormant, Manuel d'histoire ancienne de l'Orient, t. III, p. 501,

[ocr errors]

même. 7o Dans son dernier discours, XXIV, nous voyons combien il était profondément pénétré de l'idée qu'Israël était loin encore d'avoir atteint le but auquel Dieu l'appelait, et la façon dont il parle nous fait sentir que l'orateur et l'écrivain qui nous rapportent ce discours sont le même personnage.

8° On ne rencontre dans tout le livre de Josué aucun mot d'éloge de ce saint patriarche; ce n'est que dans le passage du dernier chapitre, qui raconte sa mort et qui a été ajouté, qu'on le qualifie de « serviteur de Dieu, » XXIV, 29; or, il n'est pas croyable que si l'auteur était postérieur à Josué, il n'eût pas dit un seul mot en l'honneur d'un si grand personnage. Cf. Eccli., XLVI, 1-12, où Josué reçoit les plus grands éloges (1). Authenticité et intégrité du livre de Josué.

416.

1° L'authenticité et l'intégrité du livre de Josué sont niées par les rationalistes contemporains. M. Schrader, résumant l'opinion de la critique négative, prétend que ce livre est l'œuvre de trois auteurs principaux, comme le Pentateuque lui-même d'un annaliste s'occupant simplement d'histoire, d'un écrivain théocratique, cherchant à faire prévaloir les idées sacerdotales, et d'un écrivain prophétique. Celui-ci aurait vécu vers la fin du 1x siècle, 825-800 av. J.-C., et aurait cherché à coordonner en un tout unique l'œuvre de ses prédécesseurs. Environ deux cents ans plus tard, vers 600, le deutéronomiste, c'est-à-dire l'auteur imaginaire du Deutéronome, aurait repris ce travail en sous-œuvre et l'aurait re

(1) Plusieurs critiques nient que Josué soit l'auteur du livre qui porte son nom, parce qu'ils prétendent que plusieurs faits qui y sont racontés ne se sont passés qu'après sa mort, tels que la prise par Othoniel de Cariath Sépher (nommée plus tard Dabir), xv, 13-19; et la prise par les Danites de Laïs ou Lésem (nommée plus tard Dan), XIX, 47; cf. Jud., I, 10-15 et XVIII. La prise de Lésem, Jos., XIX, 47 et Jud., XVIII, a dû avoir lieu dans les derniers temps de la vie de Josué. Quant à la prise de Cariath Sépher par Othoniel, quoique elle paraisse placée, Jud., I, 1, 13, après la mort de Josué, nous croyons qu'elle lui était antérieure, et que l'auteur des Juges ne la mentionne, en abrégeant le récit de Jos., XV, 13-19, que pour rappeler les exploits d'Othoniel, dont il va bientôt, III, 9-11, raconter la judicature. Les verbes, dans Jud., 1, 1015, auraient dû probablement être mis au plus-que-parfait, si ce temps avait existé en hébreu,

fondu à son point de vue, en y insérant une série de notes et de remarques (1).

[ocr errors]

2o Ces hypothèses et autres semblables sont sans fondement. 1o Nous avons vu que le livre de Josué avait tres vraisemblablement pour auteur celui dont il porte le nom, et qu'il était certainement antérieur à l'époque de David. L'unité qui règne dans tout cet ouvrage, l'uniformité du style et de l'exposition, dans toutes ses parties, sont une preuve de son intégrité en même temps que de son antiquité. Le langage qui y est employé a beaucoup de traits de ressemblance avec celui du Pentateuque, parce qu'il est à peu près du même temps. 2o On ne doit pas cependant l'attribuer, comme on a tenté de le faire, à l'écrivain prétendu qui aurait rédigé tardivement le Deutéronome: indépendamment des raisons rapportées plus haut, on remarque assez de différences entre ces deux écrits, pour constater qu'ils ne sont pas de la même main. 3o Le livre de Josué ne forme donc pas la sixième partie du Pentateuque, et l'on ne peut pas admettre, dans ce sens, l'existence d'un Hexateuque. L'auteur de cet écrit suppose clos le volume de la Loi, Jos., VIII, 31; XXIII, 6; il reproduit la division du pays à l'est du Jourdain, XIII, et l'énumération des villes de refuge, xx, qui se lisait déjà, Num., XXXII; Deut., iv; il est exempt d'un certain nombre d'archaïsmes qu'on observe dans les écrits de Moïse; il a, pour plusieurs mots, une prononciation particulière; ainsi, tandis que Moïse nomme la ville de Jéricho Yerêkhô (onze fois), l'auteur de Josué l'appelle Yerikhô (vingt-sept fois), etc.

3o Il est d'ailleurs possible que la glose, usque in præsentem diem, qu'on lit plusieurs fois (2), ait été ajoutée plus tard au texte, mais cette glose est certainement antérieure à la huitième année du règne de David, puisqu'elle a été écrite avant la prise de Jérusalem; nous voyons en effet, xv, 63, (1) Schenkel, Bibel-Lexicon, t. 1, p. 391.

(2) Jos., v,9; vII, 26; XIII, 13; XIV, 14; xv, 63. — Les mots qu'on lit dans les Septante, Jos., XVI, 10; Dedit eam (Gazer) in dotem Pharao filiæ suæ, no 415, note 2, et qui ne sont ni dans l'hébreu ni dans la Vulgate, montrent que quelques additions explicatives, qui ne nuisent en rien ni à l'authenticité ni à l'intégrité substantielle, ont pu se glisser dans le texte.

que la tribu de Juda n'avait pu encore chasser les Jébuséens de cette ville. On a déjà remarqué, no 415, que la conclu sion, xxiv, 29-33, n'est pas de Josué.

[blocks in formation]

1o Les faits qui sont racontés dans le livre de Josué sont dignes de foi, parce que ce sont des faits publics, connus de tous et exposés d'une manière simple, avec l'accent de la sincérité. Les écrivains postérieurs rendent témoignage en sa faveur par les emprunts qu'ils lui font (1).

:

[ocr errors]

2o On objecte qu'il y a des contradictions dans cette histoire 1° Tous les Chananéens sont vaincus et exterminés, XI, 16-23; XII, 7-24; cf. XXI, 41-43; XXII, 4, et cependant nous lisons, XIII, 1-6, qu'une partie du pays n'est pas encore conquise. Ce second passage précise les premiers qui s'expriment d'une manière générale, à la façon des Orientaux. Les Hébreux conquirent réellement tout le pays, mais quelques villes isolées restèrent encore au pouvoir des anciens habitants. 2° Plusieurs villes, comme Hébron, Dabir, sont prises par Josué, x, 36-39; XI, 21, et néanmoins plus tard elles sont encore en la possession des Chananéens, xiv, 12; XV, 14-17.- Ce n'est pas parce qu'Israël ne les avait point conquises, c'est parce que leurs ennemis les avaient reprises.

[ocr errors]

418. Enseignements contenus dans le livre de Josué.

-

Josué est un des rares personnages de l'Ancien Testament auquel l'Esprit Saint n'ait aucun reproche à adresser. C'est un modèle de piété, de foi et de confiance en Dieu. Lorsque le peuple désespère de pouvoir s'emparer de la Palestine, Josué avec Caleb lui dit : Dominus nobiscum est, nolite metuere, Num., XIV, 9. Cette belle parole est comme l'explication de sa vie entière. Tout son livre nous montre d'ailleurs combien est justement fondée la confiance que nous plaçons en Dieu. Il contient l'accomplissement des promesses temporelles que le Seigneur avait faites aux patriarches. Il

(1) Jud., II, 6; xvIII, 31; III Reg., XVI, 34; Ps, LXXVII, 54-55; CXIII, 3, 5; Hab., III, 8; Eccli., XLVI, 1-13.

est, par rapport au Pentateuque, ce que sont les Actes par rapport aux Évangiles. Comme nous voyons dans les Actes l'établissement de l'Église et l'exécution des promesses de Jésus-Christ à ses Apôtres, nous voyons dans le livre de Josué l'établissement d'Israël en Chanaan et l'exécution des promesses faites à Abraham et à Moïse: Fidelis est, qui vocavit vos, qui etiam faciet, I Thess., v, 24.

2° « Cette même histoire nous représente en la personne de Josué l'image des vrais pasteurs, qui, étant chargés par la vocation de Dieu même de la conduite de leurs frères, les conduisent de telle sorte dans la voie de leur salut, qu'ils leur montrent les premiers l'exemple d'une parfaite docilité, par l'humble soumission avec laquelle ils suivent euxmêmes, en toutes rencontres, la voix de celui qui les a établis les chefs de son saint troupeau. Car c'est une chose admirable que la dépendance absolue des ordres de Dieu où Josué à toujours été, dans tout le cours des fonctions de sa charge, n'ayant jamais négligé le moindre point des devoirs que le Seigneur lui avait prescrits par la bouche de Moïse ou par celle du grand-prêtre, dont Dieu ordonna qu'il dépendit. Et jamais cette grande autorité où il se vit élevé ne lui inspira de se dispenser de cette humble obéissance » (1).

ARTICLE II.

Conquête de la Terre Promise.

Entrée dans la Terre Promise. Passage du Jourdain.
Conquête du sud et du nord de la Palestine.

Vie de Josué. Jéricho. arrêté.

[blocks in formation]

Le miracle du soleil

Du droit de conquête des Hébreux et de l'extermination des Chananéens.

[blocks in formation]

Josué était fils de Nun et de la tribu d'Éphraïm, I Par., VII, 27. Il nous apparaît d'abord comme serviteur de Moïse, Ex., xxiv, 13. Dieu, qui le destinait à être le conquérant de la

(1) Bible de Sacy, Josué, Avertissement. Voir Théodoret, In Jos., t. LXXX, col. 458; Bible de Vence, Préface sur le livre de Josué, vII, 1768, t. III, p. 294-296, ou Migne, Cursus completus Scripturæ Sacræ, t. VIII, col. 523-526.

« PreviousContinue »