Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

1o La mère d'Emmanuel est la Très Sainte Vierge, et Emmanuel est Jésus-Christ, d'après l'attestation formelle de S. Matthieu (1). Cette explication authentique de la prophétie d'Isaïe est décisive, aussi a-t-elle été soutenue par tous les Pères et les docteurs.

2° Néanmoins, comme elle était la condamnation des Juifs qui refusaient de reconnaître le Messie en N.-S., et comme elle est inconciliable avec le système des rationalistes contemporains qui rejettent le miracle, Juifs et incrédules s'efforcent de combattre l'interprétation chrétienne et supposent que celle dont Isaïe annonce l'enfantement est la femme de ce prophète ou bien celle du roi Achaz.

3o La mère d'Emmanuel n'est pas la femme d'Isaïe, comme le prétendent les rationalistes, parce qu'il donne toujours à son épouse le nom de prophétesse, non celui de ‘almâh. S'il l'avait appelée en cette circonstance ‘almâh, il aurait induit en erreur ceux à qui il parlait, parce que ce nom ne s'applique jamais à une femme mariée. Une femme nouvellement mariée s'appelle kallah, non ‘almâh. Or, non seulement la prophétesse était déjà mariée, mais elle avait un enfant, Is., vii, 3. Il est donc impossible d'entendre le mot 'almáh de l'épouse d'Isaïe. De plus, la suite du récit montre qu'Emmanuel n'est pas fils d'Isaïe, puisque le prophète ne raconte point qu'il ait eu un enfant à qui il ait donné ce nom. Il a un fils qui est un signe pour Juda, et il en mentionne la naissance, VIII, 3, mais il se nomme Mahér-schâlal-khasch-baz, c'est-à-dire Accelera-spoliadetrahere-festina-prædari, vIII, 3, et non pas Emmanuel.

4o La mère d'Emmanuel, c'est une vierge, la Vierge par excellence, la B. Vierge Marie. Le mot nohy, 'almáh, est employé sept fois dans la Bible, et il a toujours le sens de vierge (2). Le passage des Proverbes, xxx, 19, peut seul paraître

(1) Matth., 1, 22-23. Voir aussi S. Luc, 1, 31, qui contient une allnsion évidente à Is., VII, 14. Le texte grec de S. Luc reproduit à peu près littéralement, sauf les modifications nécessaires, le texte grec de la traduction de ce verset d'Isaïe dans les Septante.

(2) Gen., XXIV, 43, (Rébecca); Ex., II, 8 (Marie, sœur de Moïse); Ps.

[graphic][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

(Fresque de la catacombe de Sainte-Priscille.)

Dans cette belle représentation de la sainte Vierge, tenant l'Enfant Jésus dans ses bras, au cimetière de Sainte-Priscille, via Salaria, près de Rome, la partie inférieure de l'enduit s'est malheureusement détachée. Le bas du groupe de la mère et de l'enfant, ainsi qu'un fragment d'Isaïe, n'existent plus. La très sainte Vierge, assise, a un voile sur la tête; elle porte une tunique à manches courtes, et sur la tunique, un pallium. Elle tient dans ses bras l'Enfant Jésus, l'Emmanuel prédit par Isaïe. Le divin Enfant tourne la tête. A gauche, Isaïe est debout. Il est représenté jeune, la barbe naissante sous le menton. Il n'a pas d'autre vêtement que celui des philosophes, le pallium, jeté sur l'épaule gauche. De la main droite, il montre le groupe de la ViergeMère et d'Emmanuel, et l'étoile peinte en haut du tableau (Isaïe, Ix, 12; LX, 2, 3, 19); dans la main gauche, il tient le rouleau ou volume de ses prophéties

souffrir difficulté, mais, si on l'entend bien, il confirme plutôt qu'il ne contredit l'interprétation traditionnelle (1). — L'étymologie arabe du même mot, occulta, abscondita, est conforme au sens de l'hébreu. S. Jérôme nous assure qu'en punique, langue qui était, pour le fond, la même que l'hébreu, 'almáh désigne une vierge dans le sens propre (2). - Le contexte demande, d'ailleurs, qu'il s'agisse d'un fait extraordinaire, autrement Isaïe n'en pourrait pas parler sur un ton si solennel et le donner comme une preuve signalée de la puissance divine. C'est ce qu'ont observé les Pères. Signum a Deo, dit Tertullien, nisi novitas aliqua monstrosa fuisset, signum non videretur. Nihil signi videri possit res quotidiana, juvenculæ scilicet prægnatus et partus. In signum ergo nobis posita virgo mater merito creditur (3). S. Matthieu, 1, 22-23, et l'Église, à sa suite, ont donc raison d'entendre la prophétie d'Isaïe de l'enfantement de la Mère de Dieu.

[blocks in formation]

1° Emmanuel n'est pas non plus un fils d'Achaz, comme on l'a faussement soutenu. Plusieurs critiques, reconnaissant qu'il était impossible de voir dans Emmanuel un fils d'Isaïe, parce qu'il est dit de lui, vIII, 8, en le regardant comme un roi : Et erit extensio alarum ejus, implens latitudinem terræ tuæ, o Emmanuel, ont imagine que l'enfant annoncé par le prophète était Ézéchias (4). Mais alors sa mère aurait été appelée reine, non 'almáh. S. Jérôme a donné d'ailleurs une raison péremptoire contre cette explication des Juifs de son temps: Ézéchias avait déjà neuf ans, au

LXVIII, Vulgate, LXVII, 26 (juvencularum tympanistriarum); Cant., 1, 3, et vi, 8 (opposé aux reines et aux autres femmes du roi); Prov., xxx, 19. (1) Voir Le Hir, Les trois grands prophètes, p. 75-76. (2) S. Jérôme, In Is., vII, 14, t. XXIV, col. 108.

(3) Tertull., Adversus Judæos, Ix, t. 11, col. 618-619. S. Irénée parle de la même manière, Adv. Hær., 1. III, c. xxI, no 6, t. VII, col. 953; ainsi que S. Jérôme, loc. cit., col. 107-108; Théodoret, In Is., VII, 14, t. LXXXI, col. 275.

(4) Les Juifs donnaient déjà cette explication, du temps de S. Justin, pour échapper aux arguments que faisaient contre eux les chrétiens, Dialog. cum Tryph., no 43, t. vi, col. 567-570.

moins, à l'époque de cette prophétie, par conséquent Isaïe ne pouvait prédire sa naissance (1).

2o Le fils de la Vierge est appelé Emmanuel, c'est-à-dire <«< Dieu avec nous, » nom significatif, comme tous les noms hébreux, et qui nous fait connaître la nature du Messie: c'est Dieu lui-même, venant vivre au milieu de nous. Le premier chapitre de l'Évangile de S. Jean n'est que le commentaire inspiré de cette prophétie d'Isaïe: Verbum caro factum est et habitavit in nobis. Du reste, Isaïe lui-même, quand il voit en esprit comme déjà né, 1x, 6, l'enfant dont il a annoncé, vII, 14, la naissance miraculeuse, nous manifeste clairement et explicitement sa nature divine : « PARVULUS enim NATUS est nobis et filius datus est nobis, et factus est principatus super humerum ejus, et vocabitur nomen ejus (id est, erit) admirabilis, consiliarius, Deus fortis, pater futuri sæculi, princeps pacis. »

3o Le nom d'Emmanuel est plutôt un nom symbolique qu'un nom propre, comme les noms qui lui sont donnés, Ix, 5, admirabilis, consiliarius, etc. « Hanc appellationem ex rebus ipsis illi attribuit, » dit S. Jean Chrysostome. « Emmanuel nunquam vocitatus est, observe Lactance, sed Jesus, qui latine dicitur Salutaris sive Salvator, quia cunctis gentibus salutifer venit. Sed propheta declaravit hoc nomine quod Deus ad homines in carne venturus esset; Emmanuel enim significat, nobiscum Deus, scilicet quia, illo per virginem nato, confiteri homines oportebat Deum suum esse, id est, in terra et in carne mortali (2). » « In hoc quod dicitur Emmanuel, dit S. Thomas, 3, q. 37, a. 2, ad 1o, quod interpretatur nobiscum Deus, designatur causa salutis. quæ est unio divinæ et humanæ naturæ, in persona Filii Dei, per quam factum est ut Deus esset nobiscum, quasi particeps nostræ naturæ. >>

(1) S. Jérôme, In Is., VII, 14, t. XXIV, col. 109.

(2) S. Chrys., In Is., I, no 9, t. LVI, col. 25; Lactance, Divin. Institut., 1. IV, c. XII, t. VI, col. 479. Voir sur le nom d'Emmanuel les réflexions pieuses de Cornel. a Lapide, In Is., VII, 14, édit. Vivès, p. 197-202.

« PreviousContinue »