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930.

4° Quel est l'enfant dont parle Isaïe, VII, 16.

1o L'explication du . 16 offre des difficultés et on l'a très diversement interprété. Tout le monde convient que le 7. 15 s'applique à Emmanuel : Butyrum et mel comedet, il se nourrira de la même nourriture que ceux de son âge (1). Hoc infantia est, dit Tertullien (2). Mais le . 16 ajoute Antequam sciat puer reprobare malum et eligere bonum, derelinquetur terra, quam tu detestaris, a facie duorum regum suorum. Comment Emmanuel peut-il désigner le Messie, puisque, d'après ce verset, avant que celui qui est promis comme signe soit sorti de l'enfance, c'est-à-dire, avant deux ou trois ans, les royaumes de Syrie et d'Israël, ennemis de Juda, auront été dépeuplés par Téglathphalasar, roi d'Assyrie? Pour résoudre la question, plusieurs interprètes ont supposé qu'Isaïe ne parlait point ici d'Emmanuel, mais d'un autre enfant (3). Cette solution est inadmissible, parce que le prophète, dans le texte hébreu, fait précéder de l'article, le mot correspondant à puer, et lui donne ainsi le sens de puer ille, celui dont il vient d'être parlé. L'explication la plus simple consiste à supposer qu'Isaïe veut indiquer simplement une date et que le sens est : Avant que se soit écoulé le temps qu'il faudrait à Emmanuel, s'il naissait de nos jours, pour sortir de l'enfance, Israël et la Syrie seront desolés.

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2o Il est à remarquer que, contrairement aux usages des prophètes (4), après que la naissance d'Emmanuel, qui doit

(1) C'était, chez les anciens, la nourriture ordinaire des enfants, Bochart, Hierozoicon, part., I, 1. II, C. LI, éd. Rosenmüller, t. 1, p. 718. (2) Loc. cit., col. 619. Dans la suite du verset 15, ut, dans ut sciat reprobare malum et eligere bonum, ne peut signifier qu'il se nourrira de lait et de miel, afin de savoir choisir entre le mal et le bien, ce qui n'aurait aucun sens, mais jusqu'à ce que il ait atteint l'âge de discrétion, c'est-à-dire qu'il soit sorti de l'enfance. C'est ainsi que l'ont compris la Praphrase chaldaïque, les Septante et généralement les commentateurs. (3) Voir les diverses opinions dans M. Le Hir, Les trois grands prophètes, p. 62 sq.

(4) La naissance du fils d'Isaïe qui sert de signe est annoncée, Is., VIII, 1, et réalisée, ib. 3; celle des fils d'Osée est prédite, Osée, 1, 2, et

servir de signe, a été annoncée, Isaïe ne nous dit nulle part qu'Emmanuel soit né réellement de son temps. Pourquoi, si ce n'est parce qu'il ne devait naître réellement que plus de 700 ans après ?

3° On peut se demander, il est vrai, pourquoi Dieu choisit une marque si éloignée de sa protection, au milieu des dangers présents, mais, 1° nous voyons, par toutes les prophéties, qu'il console souvent son peuple par les espérances messianiques qu'il fait briller à leurs yeux; 2° c'est parce que l'accomplissement de ce prodige ne doit avoir lieu que plus tard qu'il donne un signe prochain dans la naissance du fils d'Isaïe, laquelle fait le sujet de la troisième prophétie. 931. IIIe prophétie : Signe prochain de la délivrance de Juda da la promesse du fils d'lsaïe, vIII, 1-4.

Dieu commande à Isaïe de donner un nom prophétique au fils qui va lui naître : Mahér-schalal-khasch-baz, c'est-à-dire, comme l'a traduit S. Jérôme, Accelera-spolia-detrahere-fetina-prædari, Is., VIII, 3. Avant qu'il sache parler, c'est-àdire dans un an, Damas sera vaincue et le royaume d'Israël pillé par le roi d'Assyrie, 4. En effet, dans l'intervalle de temps marqué par le prophète, le roi de Damas, Rasin, fut battu et tué par Téglathphalasar, IV Reg., xvi, 9, et le royaume de Phacée ravagé par le même prince, qui emmena captifs une partie des habitants de la Palestine du nord, IV Reg., xv, 29. Tous ces faits, racontés par la Bible, sont confirmés par les fragments des annales assyriennes du roi de Ninive, retrouvés dans ces dernières années (1).

932. IVe prophétie Le triomphe du peuple de Dieu sur ses ennemis du temps d'Achaz est le symbole de son triomphe au temps du Messie, VIII, 5-XII.

Le triomphe du peuple de Dieu annoncé par la troisième prophétie et accompli depuis, n'est que le symbole d'un triomphe plus grand encore au temps du Messie. Dieu parle réalisée, ib., 3, 6. Le passage d'Isaïe, IX, 6, ne signifie pas qu'Emmanuel est né de son temps.

(1) Voir La Bible et les découvertes modernes, t. IV, p. 109-115.

de nouveau à Isaïe, vil, 5. 1o Israël et Juda seront punis pour avoir placé leur confiance dans des secours étrangers, mais Emmanuel viendra les consoler un jour au milieu des ténèbres dans lesquelles ils seront plongés; un petit enfant naîtra, ce sera l'enfant-Dieu et il consolidera le trône de David, à jamais, VIII, 5-IX, 7. - 2o Il ne paraîtra cependant sur la terre que lorsque les enfants de Jacob et en particulier Ephraïm auront été châtiés, 1x, 8-x, 4. - 3. Alors Dieu brisera Assur, la verge dont il s'est servi (1) et la figure de tous les ennemis de son peuple; le reste d'Israël se convertira; la tige de Jessé changera la face du monde, et Sion chantera un cantique d'action de grâces en l'honneur de son Dieu, x, 5-xu. Le chapitre vii montre le Messie naissant, le chapitre Ix nous le fait voir déjà né, et le chapitre x1, régnant glorieusement.

933.

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Passages les plus importants de cette 4o prophétie.

Cette prophétie contient plusieurs passages spécialement dignes d'attention: -1° v, 14: In lapidem offensionis et in petram scandali. S. Paul et S. Pierre ont appliqué ces paroles à Notre-Seigneur, parce que les Juifs n'ayant pas cru en lui, il devint pour eux une cause de réprobation (2). — 2o ix, 1. Nous lisons dans S. Matthieu, parlant de Notre-Seigneur, IV, 13-16 Habitavit... in finibus Zabulon et Nephtalim : ut adimpleretur quod dictum est per Isaiam prophetam : Terra Zabulon et terra Nephtalim, via maris trans Jordanem, Galilæa Gentium, populus qui sedebat in tenebris, vidit lucem magnam, et sedentibus in regione umbræ mortis, lux orta est eis. Isaïe dans le passage rapporté par

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(1) Isaïe décrit prophétiquement en détail la marche de l'armée de Sennachérib, x, 28-32. Remarquer l'opposition entre : « Væ Assur, virga furoris mei, » Is., x, 5, et : « Egredietur virga de radice Jesse,» XI, 1.

(2) Rom., Ix, 33; I Petr., II, 8; cf. Luc, 11, 34. « Allegorice hæc de Christo qui Judæis fuit lapis offensionis et petra scandali, explicat S. Paulus. » Cornel. a Lapide, In Is., VIII, 14. Dans le sens propre, « convertit hic se propheta ad impios et incredulos, quales plerique erant in Juda et Samaria. » Id. ibid.

l'évangéliste, « prosequitur, dit Cornelius a Lapide, In Is., Ix, 1, id quod dixit... puerum nasciturum fore velocem prædatorem Samariæ, tum corporalem, tum spiritualem; perstringit enim duas Samaria vastationes corporales per Assyrios, atque per eas repræsentat ejusdem deprædationes duas spirituales factas per Christum. » 3o IX, 6-7. Cette prophétie nous fait connaître la nature du Messie: ce sera un Dieu, El, non un homme (1) :

Parvulus natus est nobis (2),

Et filius datus est nobis,

Et factus est principatus super humerum ejus;
Et vocabitur nomen ejus,

Admirabilis, Consiliarius, Deus fortis,

Pater futuri sæculi, Princeps pacis.

Multiplicabitur ejus imperium,

Et pacis non erit finis;

Super solium David et super regnum ejus sedebit :
Ut confirmet illud et corroboret in judicio et justitia,
Amodo et usque in sempiternum :

Zelus Domini exercituum faciet hoc..

S. Jérôme compte ici six noms particuliers et caractéristiques, donnés au Messie, en séparant Deus et fortis (3). Tous ces titres nous apprennent quels biens Jésus-Christ apportera aux hommes, en même temps qu'ils nous révèlent sa nature: « In hoc quod dicitur: Vocabitur nomen ejus

(1) On a voulu soutenir que le mot El, traduit avec raison dans la Vulgate par Deus, n'a pas ce sens dans ce passage, mais celui de fort, en donnant au mot gibbôr, rendu dans la traduction latine par fortis, le sens de héros; mais El signifie certainement Dieu, comme dans Emmanu El, dont ce passage d'isaïe nous explique la signification. Le passage parallèle d'Isaïe, x, 21, prouve invinciblement qu'El désigne ici véritablement Dieu.

(2) « Videns parvulum, cogita magnum... Magnificetur a nobis parvulis magnus Dominus, dit S. Bernard, quos ut faceret magnos, factus est parvulus, Parvulus, ait, natus est nobis... Nobis, inquam, non sibi..., non Angelis, qui cum magnum haberent, parvulum non requirebant... O parvulus, parvulis desideratus !... Studeamus effici sicut parvulus iste,... ne Magnus videlicet sine causa factus sit homo parvus. » Hom. III super Missus est, no 13-14, Migne, t. CLXXXIII, col. 77-78.

(3) S. Jérôme, In Is., IX, 6, loc. cit., col. 127-128. Les Septante ont traduit largement ce passage. Ils appellent ici l'enfant nouveau-né ; Ange du grand conseil,

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-ANAL. ET EXPL. DES PROPHÉTIES D'ISAIE. 517 admirabilis, etc., dit S. Thomas, 3, q. 37, a. 2, ad 1am, designatur via et terminus nostræ salutis, in quantum scilicet admirabili divinitatis consilio et virtute, ad hæreditatem futuri sæculi perducimur, in quo erit pax perfecta filiorum Dei, sub ipso principe Deo. » 4° XI. Tout le chapitre x est consacré à dépeindre le Messie et les biens qu'il apportera à la terre. Il sortira de la race de Jessé, ancêtre de David (1): «Virgam nominavit Christum de radice Jessæ juxta carnem et præterea etiam florem,» dit S. Cyrille d'Alexandrie (2). -5° Ce rejeton de la tige de Jessé sera rempli des dons du Saint Esprit, x1, 2-3 : « Dei Verbum humanam naturam assumpsisse declarat, cumulatum bonis omnibus... Itaque licet interdum dicatur Spiritum accipere, cum sit tamen ipse subministrator Sancti Spiritus, et non ex mensura det, sed veluti de propria plenitudine illud dignis impartiat, hoc pro mensura et modulo exinanitionis intelligatur accipere (3). » — 6° x1, 4 sq. Le Messie apportera avec lui dans le monde le règne de la justice: Judicabit in

(1) Is., XI, 1 et 10; Act., XIII, 23; II Thess., 11, 8.

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(2) S. Cyril. Alex., In Is, l. 11, t. I, t. LXX, col. 310. Voir tout le passage. « Virgam et florem de radice Jesse, ipsum Dominum Judæi interpretantur: quod scilicet in virga regnantis potentia, in flore pulchritudo monstretur. Nos autem, dit S. Jérôme, virgam de radice Jesse, Sanctam Mariam virginem intelligamus, quæ nullum habuit sibi fructicem cohærentem,... et florem, Dominum Salvatorem. » In Is., XI, 1, col. 144. Ce passage d'Isaïe a inspiré à un protestant converti, devenu prêtre, Scheffler (1624-1677), 'les vers suivants, d'un naïf et suave accent mystique :

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Ich weiss ein liebes Blümelein,

Mit Gottes Thau begossen,

In einem jungfraülichen Schrein
Zur Winterszeit entsprossen.

Das Blümelein heisst Jesulein

Ew'ger Jugend, grosser Tugend,

Schoen und lieblich, reich und herrlich;

Menschenkind,

Wie selig ist der dieses Blümelein findt.

tout arrosée de la rosée divine;

d'un bou

« Je connais une chère petite fleur, ton virginal, - en plein hiver éclose; - cette petite fleur s'appelle Jésus ; -sa jeunesse est éternelle, sa vertu sans bornes; - elle est belle et aimable, riche et splendide; fils de l'homme, heureux est celui qui trouve cette petite fleur!» Heilige Seelenlust.

(3) S. Cyrille, ib. col. 314.

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