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Bibles, le petit livre de Baruch, son secrétaire. Ce chapitre sera divisé en quatre articles: 1° Introduction aux prophéties de Jérémie; 2o analyse et explication de ses prophéties; 3° les Lamentations; 4° Baruch.

ARTICLE I.

Introduction aux prophéties de Jérémie.

Vie de Jérémie. Il est la figure et le prophète du Messie.

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Sa popularité après

Son style. Authenticité de ses prophéties.

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Jérémie est de tous les prophètes celui dont les écrits nous font le mieux connaître la vie, l'œuvre, les sentiments, les souffrances. Il était d'Anathoth, petite ville sacerdotale, à une heure et demie environ au nord de Jérusalem. Son père s'appelait Helcias. S. Jérôme et plusieurs autres commentateurs ont cru que cet Helcias était le grand-prêtre qui aida si efficacement Josias dans la réforme religieuse de Juda; mais cette identification est peu probable, parce que le pontife était de la famille d'Éléazar, tandis que les prêtres d'Anathoth étaient de la branche d'Ithamar. Quoi qu'il en soit, dans son pays natal, si proche de la capitale, Jérémie, pendant son enfance, dut entendre souvent parler avec horreur et indignation de l'idolâtrie et des cruautés de Manassé et de son fils Amos, rois de Juda. Il fut élevé dans l'amour de la loi et le respect des traditions mosaïques; il étudia avec soin les Saintes Écritures et les oracles des anciens prophètes, en particulier Isaïe et Michée, comme l'attestent ses écrits, qui sont tout remplis de réminiscences des auteurs antérieurs et quelquefois même citent ou reproduisent textuellement leurs paroles. En grandissant, il fut témoin des efforts de Josias pour rétablir la religion mosaïque dans sa pureté primitive, et cette entreprise ne put le laisser indifférent, elle produisit dans son âme une impression ineffaçable. C'est sans doute aussi dans sa jeunesse qu'il se lia d'amitié avec la famille de Nérias, fils de Maasias, gouverneur de Jérusalem à cette époque, II Par., XXXIV, 8, et coopérateur d'Helcias et de Sa

phan dans les réformes de Josias. Plus tard, les deux fils de Nérias, Baruch et Saraïas, devinrent les disciples de Jérémie, XXXVI, 4; LI, 59.

977.- Caractère de Jérémie.

1° Dès que Jérémie nous apparaît dans le recueil de ses prophéties, il se montre à nous plein de piété, pénétré d'un vif sentiment de sa faiblesse, sensible et même impressionnable, porté au découragement, mais brûlé du zèle de la loi de Dieu et animé du plus pur patriotisme. Piété et tendresse: ces deux mots résument tout son caractère. Ce n'est point, par tempérament, un homme de lutte et de combat, il est plus disposé à fuir le danger qu'à le braver; il est ennemi du bruit et ami de la solitude; il y a même en lui comme une teinte de mélancolie et de tristesse; il est plus aimant qu'énergique, il a plus de l'apôtre S. Jean que de S. Pierre. Dans les péchés de son peuple, il est moins frappé de leur opposition avec la loi de Dieu que des maux qui en seront le châtiment, et il se distingue par là d'Ézéchiel, son contemporain les crimes qui excitent l'indignation d'Ézéchiel émeuvent le cœur de Jérémie; il voit le pécheur plus encore que le péché.

2. Il semble, humainement parlant, qu'un cœur si tendre était peu propre à remplir une mission prophétique à une époque agitée, troublée, comme devait l'être celle de la prise répétée de Jérusalem et de la ruine définitive du temple de Salomon par le terrible Nabuchodonosor, roi de Babylone. Dieu en jugea autrement que la sagesse humaine. Il voulut montrer en la personne de Jérémie quelle est la puissance de la grâce et la force de l'inspiration céleste, qui transforment, à son gré, les âmes et les cœurs.

Ce prêtre timide, ami de la tranquillité, qui préférerait sa solitude d'Anathoth à la vie bruyante, tumultueuse et militante de la capitale; cette nature délicate, aimante, plus portée à céder qu'à résister, devient tout autre lorsqu'il s'agit de porter aux hommes les ordres de Dieu sa foi, sa piété, son obéissance et la grâce le changent complètement; quand

il est seul, il se désole de la mission qui lui a été confiée; c'est un homme faible, abattu; mais quand le Seigneur lui ordonne de porter sa parole à Juda, c'est un prophète : menaces, insultes, prisons, supplices, peuple, princes, rois, ne peuvent rien sur lui; il n'en répète que plus fort les ordres de Dieu; il est, comme Ézéchiel, un véritable mur d'airain, I, 18; xv, 20; cf. Éz., III, 8-9.

978.

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Ministère de Jérémie pendant le règne de Josias.

1o Tel nous verrons Jérémie pendant tout le cours de son ministère prophétique, c'est-à-dire pendant plus de quarante ans. Nous trouverons, dans l'explication de ses prophéties, les principaux épisodes de son histoire à partir de l'époque de sa vocation. Elle eut lieu la 13° année du règne de Josias, vers l'an 628 av. J.-C., 1, 2. Il avait alors sans doute de dixhuit à vingt ans, 1, 6; xvi, 2. Il paraît avoir quitté peu de temps après Anathoth et passé la plus grande partie de sa vie à Jérusalem, cf. 11, 2, mais il vécut propablement encore quelque temps dans l'obscurité, car son nom n'est pas prononcé dans l'œuvre mémorable de la réforme religieuse, entreprise cinq ans après, la dix-huitième année de Josias; il n'est question que de la prophétesse Holdah; c'est à elle que le roi et ses ministres demandent conseil. Nous ne connaissons de lui aucun incident particulier pendant les dix-huit années qui s'écoulèrent depuis sa vocation jusqu'à la mort de Josias, mais nous savons qu'il menait une vie mortifiée, pénitente, solitaire, gardant la continence, XVI, 2; s'abstenant d'entrer dans les maisons où l'on était en fête, comme dans les maisons où l'on était en deuil, xvi, 5, 8. Bientôt les persécutions commencèrent celle de ses compatriotes, x1, 21, et de ses proches, XII, 6, en attendant celle des habitants de la capitale et des principaux de la nation.

2o Vers la fin du règne de Josias, il doit avoir pris quelque part à la discussion des questions politiques contemporaines. Comme du temps d'Isaïe, il y avait toujours deux partis dans le royaume de Juda, celui de l'Égypte et celui de la Chaldée, qui avait remplacé maintenant le parti de l'Assyrie, ruinée

par les armes des Chaldéens et de leurs alliés. La chute de Ninive avait fourni au vieux parti égyptien l'occasion de pousser le roi de Juda à faire alliance avec le pharaon Néchao. De même qu'autrefois Isaïe, xxx, 1-7. Jérémie, par l'ordre de Dieu, combattit cette politique trop humaine, II, 18, 36. Josias se détermina, peut-être pour suivre les conseils du prophète, non seulement à ne point s'allier avec Néchao, mais aussi à s'opposer de vive force au passage de son armée, quand le monarque égyptien porta la guerre en Asie contre les Chaldéens. Dieu permit que le saint roi de Juda pérît sur le champ de bataille de Maggeddo. Ce fut une des premières grandes douleurs de la vie de Jérémie, comme nous l'apprennent ses lamentations sur la mort de ce prince, Il Par., xxxv, 25. Après ce malheur, il ne prévoit que trouble et confusion, succédant à ce règne de justice, xxII, 3, 16. ·

979.

Ministère de Jérémie pendant le règne de Joachaz.

Joachaz ou Sellum, quatrième fils de Josias (609), ne régna que trois mois, I Par., 111, 15; IV Reg., xxш, 30-35 ; II Par., XXXVI, 1-4: Éz., XIX, 3-4; il fut déposé par Néchao, ce qui montre qu'il n'était pas favorable au parti égyptien. Nous ne trouvons qu'un mot sur lui dans Jérémie, xxII, 11-12 : c'est la prédiction de la mort de ce prince en Égypte, où le vainqueur l'avait emmené.

980.

Ministère de Jérémie pendant le règne de Joakim.

C'est sous Joakim, second fils de Josias, 609-598, que le ministère de Jérémie prend plus d'importance. Avec ce roi, créature du pharaon, le parti égyptien était le maître en Juda, xxv, 18-19; xxvII; l'ère des persécutions allait commencer contre le prophète qui annonçait que l'Égypte serait impuissante à défendre Jérusalem contre Nabuchodonosor. Cf. XVIII; XIX; XXII. Jérémie nous a peint au vif quelques-unes des scènes dans lesquelles ses oracles soulevèrent contre lui les plus violents orages. La première année de ce prince, il faillit être la victime de la fureur populaire, pour avoir annoncé le sort réservé à Jérusalem; il n'échappa à la mort que

par l'intervention des princes de Juda, parmi lesquels il devait y avoir encore des conseillers de Josias, xxvi. Environ quatre ans plus tard, l'armée de Néchao, qui était allée combattre les Chaldéens en Mésopotamie, fut battue à Charcamis, XLVI, 2. La victoire de Nabuchodonosor sur le pharaon ruina les espérances du parti égyptien en Juda. Les prophéties de Jérémie commençaient à s'accomplir. Déjà les soldats babyloniens envahissaient de nouveau la Palestine, à la poursuite des Égyptiens vaincus, et ceux qui n'habitaient point dans des villes fortifiées étaient réduits à se réfugier dans les murs de Jérusalem, comme le firent les Réchabites, XXXV; cf. IV Reg., x, 15, pour échapper à la brutalité de l'ennemi. Le prophète choisit ce moment solennel, où la patrie courait un danger évident, pour faire promulguer par son disciple Baruch tous les oracles divins qu'il avait fait recueillir en volume. L'émotion fut grande; Jérémie et son secrétaire furent obligés de se cacher; Joakim brûla le rouleau qui contenait la prédiction des malheurs de sa capitale, xxxvI. Sans se laisser déconcerter, Jérémie s'empressa de dicter de nouveau ses prophéties à Baruch, XLV. Il apprit, sur ces entrefaites, que la captivité de Babylone durerait soixante-dix ans, xxv, 8-12. Les malheurs qu'il avait prédits à Joakim ne tardèrent pas se réaliser Nabuchodonosor assiégea el prit Jérusalem; il emmena captifs un certain nombre de Juifs parmi lesquels Daniel et ses compagnons (606) (1). C'est de cette première déportation que datent les soixante-dix ans de la captivité.

à

(1) Daniel, I, 1, porte la 3o année du règne de Joakim, au lieu de la 4 année que nous lisons dans les prophéties de Jérémie. Ce n'est pas une contradiction; c'est simplement une manière différente de compter: « Daniel parle de la 3o de Joakim achevée et Jérémie de la 4o commencée. » Calmet, In Jer., xxv, 1, p. 271. Nabuchodonosor chargea Joakim de liens et voulut l'emmener captif à Babylone, mais la mort imprévue de son père Nabopolassar l'ayant forcé de retourner précipitamment à Babylone, il laissa Joakim sur le trône de Jérusalem, ou bien, l'ayant emmené à Babylone, II Par., XXXVI, 6, il le renvoya bientôt après dans sa capitale, comme un roi d'Assyrie l'avait fait autrefois pour Manassé, II Par., XXXIII, 11-13, et c'est à Jérusalem que Joakim mourut et qu'il fut enseveli dans le tombeau de ses pères, IV Reg., XXIV, 5; Jer., XXII, 19; XXXVI, 30.

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