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Quelques années après, Joakim s'étant révolté contre Nabuchodonosor, celui-ci vint mettre de nouveau le siège devant la capitale de la Judée. Joakim mourut probablement au commencement des opérations, et ainsi furent réalisées les prophéties faites contre lui, Jér., XXII, 19; xxxvi, 30 (598).

981.

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Ministère de Jérémie pendant le règne de Jéchonias.

Le fils de Joakim, Jéchonias, n'eut qu'un règne de trois mois. Jérémie lui annonça, XXII, 24-30, les malheurs qui lui étaient réservés. Bientôt après, l'oracle s'accomplissait : le roi de Juda était emmené captif en Chaldée avec les principaux de la nation, parmi lesquels se trouvait le prophète Ézéchieì, IV Reg., xxiv, 10-16; Éz., 1, 2. Jérémie fut laissé à Jérusalem (598).

982. Ministère de Jérémie pendant le règne de Sédécias.

Sédécias, oncle de Jéchonias, fut mis sur le trône par Nabuchodonosor. Il respectait Jérémie et le consulta même quelquefois, XXXVII, 3; mais, dans cette période de trouble, son pouvoir était mal assis; il avait un caractère hésitant et ne sut pas toujours protéger efficacement le prophète. C'était la lie du peuple qui était demeurée en Palestine : Jérémie annonça qu'elle serait châtiée à son tour, xxiv. La prospérité renaissante de l'Égypte sous Apriès ou Hophra avait fait naître de nouvelles illusions à Jérusalem et inspiré à Sédécias lui-même des velléités de révolte. Jérémie les combattit, par ordre de Dieu, mais en vain, XXVII-XXVIII; bientôt l'approche d'une armée égyptienne et le départ des Chaldéens, qui en fut la conséquence, rendirent sa situation plus périlleuse que jamais. En prévision des persécutions qui le menaçaient, il résolut d'aller se cacher à Anathoth; mais son projet fut découvert, on l'accusa de trahison et on l'emprisonna, xxxvii. Il avait cherché, dans la bonté de son cœur, à consoler les captifs de Babylone, xxIx; voilà que de Babylone même, les faux prophètes le poursuivent de leur haine et pressent les prêtres de Jérusalem d'employer les moyens violents contre sa personne; ces derniers n'étaient que trop

disposés à suivre ces conseils. Non contents de l'avoir mis en prison, irrités par les prophéties qu'il continuait à faire, ils voulurent en finir avec lui et le jetèrent au fonds du puits de Melchias; il y serait mort, sans l'intervention d'Abdémélek, eunuque éthiopien, qui le sauva avec la connivence du roi, XXXVIII. Il resta cependant prisonnier. Sédécias le consulta en secret; Jérémie lui annonça qu'il n'échapperait pas aux Chaldéens, XXXVIII, 18. Ces derniers revinrent en effet au bout de peu de temps, et leur retour produisit la plus profonde consternation, XXXII, 2. La victime de la fureur populaire chercha alors à relever les courages abattus, par un acte propre à montrer la confiance qu'il avait dans l'avenir : il acheta un champ à Anathoth, xxxII, 6-9, parce que Dieu lui avait révélé « qu'on posséderait de nouveau des maisons et des champs et des vignes dans le pays, » xxxII, 15, sous le règne heureux et glorieux du Messie, XXXIII, 11, 16-18. Cependant ces belles prophéties ne devaient se réaliser que longtemps après.

983.

Ministère de Jérémie à l'époque de la ruine de Jérusalem.

L'heure fatale sonna enfin. Jérusalem fut prise, le temple brûlé, le roi et les princes emmenés en captivité (588). Jérémie eut l'amer privilège d'être bien traité par le vainqueur. Il fut délivré de prison; on lui laissa le choix d'aller à Babylone ou de demeurer en Judée. A Babylone, c'étaient les honneurs; à Jérusalem, c'était la désolation. Il n'hésita pas; il resta au milieu des ruines de la cité sainte et se retira ensuite à Masphat, XL, 6. Il avait consacré quarante ans de sa vie à prévenir ou à atténuer les malheurs qui venaient de fondre sur sa patrie; n'ayant pu les empêcher, il voulut du moins les partager. Sur les débris fumants de Jérusalem et du temple, il composa ses immortelles Lamentations, où son exquise sensibilité se manifeste d'une manière si touchante. Il les écrivit, d'après la tradition, au nord de Jérusalem, dans la grotte qu'on appelle aujourd'hui la grotte de Jérémie. Aucune langue ne possède d'élégie comparable à celle de ce prophète, qui avait tant aimé la ville et la maison de son Dieu, sans pouvoir les sauver. Jamais poète n'a su accu

muler comme lui les images de la désolation et rendre la douleur plus sympathique.

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Godolias, fils d'Ahicam, protecteur de Jérémie, avait été institué, par Nabuchodonosor, gouverneur de la Judée, après la ruine de Jérusalem. Les malheureux restes de Juda eurent alors quelques moments de répit, XL, 9-12, mais l'assassinat de Godolias par Ismaël et ses complices attira de nouveaux malheurs sur la Palestine. On ne sait comment Jérémie échappa aux conjurés, qui devaient lui en vouloir autant qu'à Godolias. Il est probable qu'il fut du nombre des prisonniers qu'Ismaël envoyait aux Ammonites, XLI, et qu'il fut délivré par l'arrivée de Johanan. Le peuple craignit que le meurtre du gouverneur ne fût puni sur toute la nation. On consulta Jérémie sur ce qu'il y avait à faire. II conseilla de rester en paix en Judée, XLII, mais il ne fut pas écouté. La foule était décidée à s'enfuir en Égypte; comme autrefois, elle accusa Jérémie et Baruch de trahison, XLIII, 3, et elle les emmena tous les deux de vive force dans la vallée du Nil. Il est facile d'imaginer combien l'exil en Égypte, ce pays dans lequel Jérémie avait toujours vu la source fatale de la ruine de sa patrie, dut lui être odieux. C'est là, à Taphnès (Daphné), près de Péluse, dans la Basse-Égypte, que cette lampe qui ne tardera pas à s'éteindre jette ses dernières lueurs, Ses paroles sont plus énergiques que jamais, il rappelle tout ce que Dieu lui a dit sur les Chaldéens, qu'il nomme serviteurs de Dieu, XLIII, 10; Nabuchodonosor élèvera son trône dans le lieu même où il leur parle, dans cette ville où ils sont allés chercher un refuge, ce qui s'accomplit en effet la 33° année du règne de Nabuchodonosor. Il reprend avec véhémence les Juifs qui s'abandonnent à l'idolâtrie, XLIV. — Après ce dernier acte de vigueur prophétique, tout est incertain. Selon une tradition chrétienne assez bien établie, il mourut martyr, lapidé à Taphnès par les Juifs irrités de ses remontrances (1). Ainsi vécut et mourut le prophète d'Israël « dont

(1) Tertull., Adv. Gn., VIII, t. II, col. 137; Ps.-Épiphane, De vitis

les douleurs n'ont été comparables à aucune douleur, » Lam., 1, 12; « l'homme qui a vu les afflictions,» III, 1.

985.

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- Jérémie figure du Messie et prophète de Jésus-Christ.

Sa vie tout entière fut une prophétie vivante des souffrances et de la passion de Notre-Seigneur, et de là vient que l'Église a appliqué au Sauveur un grand nombre des paroles du prophète qui se rapportent directement à lui-même, comme : Mittamus lignum in panem ejus et eradamus eum de terra viventium, x1, 19. Cf. 21-23, etc. Mais Jérémie n'a pas été seulement la figure de Jésus-Christ, il a aussi prophétisé explicitement sa venue. Au déclin de la nationalité juive, à la veille du grand cataclysme qui semblait devoir l'anéantir à jamais, Dieu lui a fait voir l'aurore déjà blanchissante d'une alliance nouvelle, à laquelle, le premier des prophètes de l'Ancien Testament, il a donné son véritable nom, fœdus novum, xxxi, 31, ou, comme nous le lisons dans S. Paul, qui reproduit cet oracle, testamentum novum, Heb., VIII, 8. Bien mieux, Jérémie ne s'est pas contenté de nommer le Nouveau Testament il en a décrit les caractères. Dieu a révélé à cette âme si tendre et si sensible les traits distinctifs de la loi de grâce le peuple de Dieu, pour être sauvé, doit recevoir une loi nouvelle; désormais les relations entre le peuple et le Dieu d'Israël, entre Dieu et l'humanité, ne reposent plus seulement sur une loi extérieure, mais sur la soumission intérieure du cœur à Dieu, xxx1, 33.

985. Popularité de Jérémie après sa mort.

Autant Jérémie fut impopulaire pendant sa vie, autant il devint populaire après sa mort. Le plus persécuté des prophètes dans l'accomplissement de sa mission a été le plus loué de tous après l'achèvement de son œuvre. Aux yeux des Juifs qui vécurent depuis la captivité jusqu'à JésusChrist, l'éclat d'Isaïe lui-même pâlit devant la gloire de Jérémie ce fut pour eux le plus grand des prophètes. A meProphetarum, t. XLIII, p. 239; S. Jérôme, Adv. Jovin., II, 37, t. XXIII, col. 335. Cf. Heb., XI, 37, où l'on voit une allusion à son genre de mort.

sure que la captivité de Babylone approchait de son terme, la prophétie des 70 ans, après avoir été d'abord un oracle terrible, se transformait peu à peu en un oracle de consolations (1); et celui qui l'avait prononcé devenait l'objet de la vénération et de l'amour de son peuple. Dans l'ordre de classement des prophètes, adopté par les Talmudistes de Babylone, ce n'est pas Isaïe, c'est Jérémie qui occupe le premier rang. Il n'apparut plus aux Juifs, avec raison, que comme leur défenseur et leur patron auprès de Dieu : Hic est fratrum amator et populi Israel, hic est qui multum orat pro populo et universa sancta civitate, Jeremias propheta Dei (2). C'est lui qui arme Judas Machabée, le héros vengeur de son peuple, II Mac., xv, 15-16. Jusque dans l'Évangile, nous voyons quelle haute idée les Juifs avaient de ce grand personnage, puisqu'ils ne peuvent trouver rien de mieux pour exprimer ce qu'ils pensent de Jésus que de dire qu'il est Jérémie ou quelque autre des anciens prophètes, Matt., xvi, 14.

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« Jeremias propheta, dit S. Jérôme, sermone quidem apud Hebræos Isaiæ et Oseæ et quibusdam aliis prophetis videtur esse rusticior, sed sensibus par est, quippe qui eodem Spiritu prophetaverit. Porro simplicitas eloquii, a loco ei in quo natus est, accidit; fuit enim Anathothites, qui est usque hodie viculus (3). » Il n'a pas, en effet, l'élévation et la grandeur d'Isaïe; dans ses prophéties, il s'exprime avec simplicité, sans aucune recherche (4), mais il a beaucoup de naturel et plu

(1) Dan., IX, 2; II Par., XXXVI, 21; I Esd., I, 1.

(2) II Mac., xv, 14. S. Thomas d'Aquin, dans le Proœmium de son In Hieremiam prophetam expositio, a pris ces paroles comme le texte le plus propre à caractériser le prophète, et il le developpe longuement, Opera, éd. d'Anvers, t. XIII, p. 1.

(3) S. Jérôme, Prolog. in Jer., t. XXVIII, col. 847.

(4) Il y a des répétitions de mots et de membres de phrases, vi, 12-15 et VIII, 10-12; v, 9, 29 et IX, 9; II, 28 et XI, 12-13; XI, 20 et xx, 12; XVII, 25 et XXII, 4; XVI, 14 et XXIII, 7; VII, 14 et XXVI, 6; XXIII, 19-20 et XXX, 23-24; XXXI, 35-36 et XXXIII, 25-56; xv, 2 et XLIII, 11; XXX, 11 et XLVI, 28.- D'images, de pensées et d'expressions, 1, 18-19 et xv, 20; VIII, 14; IX, 15 et XXIII, 15; — VII, 34; XVI, 9 et XXV, 10; — II, 27; vII, 24 et XXXII,

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