Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

le texte, pour savoir s'il affirme ou s'il nie l'immolation de la fille de Jephté. Tout est là. 2o En dehors du passage du livre des Juges, aucun endroit de la Bible ne parle explicitement du fait en discussion. S. Paul loue Jephté de sa foi, dans l'Épître aux Hébreux, mais il se contente de le nommer, et cette mention ne peut être considérée comme une approbation de tous les actes de sa vie, car il nomme en même temps et de la même manière Samson et David, dont la conduite n'a pas toujours été irrépréhensible. Nul n'a prétendu que S. Paul justifiât dans ce passage le meurtre d'Urie et les autres fautes de David, non plus que celles de Samson. On ne saurait donc voir dans la même phrase, en faveur de Jephté, ce qui n'y est pas en faveur de Samson et de David (1). — 3° L'absence d'un blâme formel contre Jephté dans le livre des Juges n'est pas plus décisif en faveur de son innocence. Il est avéré que la Sainte Écriture mentionne sans commentaire les fautes de plusieurs illustres personnages, no 412. Dans le passage que nous examinons, notamment, elle ne désapprouve pas d'une manière expresse le vœu de Jephté qui, cependant, tous le reconnaissent, est condamnable. On ne peut donc rien conclure du silence de l'écrivain sacré, pour ou contre Jephté, et il n'y a qu'à rechercher quel est le sens grammatical du récit.

458. - Discussion du texte du vœu de Jephté.

[ocr errors]

Ceux qui soutiennent que Jephté n'immola point sa fille interprètent le texte de deux manières différentes: 1° Selor les uns, il faut rendre les mots que S. Jérôme a traduits : eum holocaustum offeram Domino, Jud., XI, 31, par sit Jehova AUT offeram in holocaustum, c'est-à-dire, si ce qui viendra le

(1) Jephté n'est pas justifié davantage par Jud., XI, 29 : « In illo : Et factus est Domini Spiritus super Jephte, considerabis quod jam modo in magistratum transierat, ac contra hostes paulo ante victores insurrexerit, ac proinde Spiritus confirmatione indigebat. Nec vero ob leve ipsius votum indicit, nec ob generis nobilitatem, nec ob vitæ ante actæ splendorem, imo nec ipsum Deus in hoc excitasse dicitur, semel vero excitatum ad justam victoriam est comitatus. » Procop. Gaz., In Jud., t. LXXXVII, pars I, col. 1071.

premier de ma maison, au devant de moi, quand je retour-nerai à Maspha, est une personne, je la consacrerai au service du tabernacle (1); si c'est un animal qui puisse être offert en sacrifice, je l'immolerai au Seigneur comme holocauste. 2o Selon d'autres, Jephté a l'intention d'offrir à Dieu une personne, non une chose, mais en la consacrant à son service, non en l'égorgeant sur l'autel. Examinons successivement ces deux interprétations.

[ocr errors]
[ocr errors]

1° Pour que la première interprétation fût admissible, il faudrait A) qu'on pût traduire par une particule disjonctive la particale hébraïque 1, ve, qu'on rend ici par aut, « ou», et B) que Jephté n'eût pas eu exclusivement l'intention de vouer une personne. Or, A) on ne peut pas traduire par une particule disjonctive la particule hébraïque 1, ve, car la disjonction s'exprime en hébreu par 18, 6, non par 1, ve. Si on pouvait parfois employer le 1, ve, dans un sens exclusif, ce qui est très contestable (2), c'était seulement a) quand l'équivoque n'était pas possible, et b) quand le contexte Jui-même indiquait le sens exclusif. Mais, a) l'équivoque était assurément possible, elle était même certaine, puisque toutes les anciennes versions ont traduit ici le 1, ve, par et, au lieu de le traduire par ou. Et b) le contexte, loin d'indiquer ici le sens exclusif de ou, s'y oppose formellement; car, pour qu'on eût le droit de traduire : « sera à Jéhovah ou en holocauste», il faudrait qu'il y eût opposition ou exclusion entre les deux membres, ce qui n'est pas, puisque l'holocauste était pour Jéhovah. De plus, B) Jephté a eu exclusivement l'in

(1) Ex., XXXVIII, 8; I Reg., 11, 22; II Mac., III, 19; cf. Protevangelium Jacobi, c. VII et VIII, Tischendorf, Evangelia apocrypha, 1876, p. 14 sq. (2) Quelques hébraïsants prétendent, mais à tort, que la conjonction 1, ve, peut avoir en certains cas le sens disjonctif, par exemple, dans une énumération. « etiam disjunctive poni, pro aut, id magnopere coercendum et vix uno probabili exemplo nititur (quoique cette particule soit répétée des milliers de fois dans la Bible)... Ex., xxi, 15, 17, verba percutiens patrem suum et matrem suam morietur, et maledicens patri suo et matri sux morietur, ita intelligenda sunt, ut verbum sin gulatim unicuique legis membro applicetur, qui percutit patrem et qui percutit matrem. » Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ et chaldaicæ, p.395. Nous n'avons même pas d'ailleurs dans Jud., XI, 31, une énumération.

tention de vouer une personne. L'explication que nous discutons attribue à Jephté l'intention de vouer soit une personne, soit une chose. Elle applique le premier membre, (« à Jéhovah, ») aux personnes, et le second (« en holocauste, ») à un animal susceptible d'être immolé. Cette distinction n'est pas fondée, parce que le chef galaadite promet exclusivement à Dieu une personne. S. Jérôme a traduit avec raison, Jud., XI, 31, par quicumque primus fuerit egressus de foribus domus meæ, et non par quidquid. Tous les termes du texte hébreu ne peuvent s'appliquer qu'à des êtres raisonnables, non à des animaux. « Egredi alicui redeunti e pugna victori obviam, nonnisi de hominibus dici potest, » observe Rosenmüller (1). « Non utique his verbis pecus aliquod vovit, avait déjà dit S. Augustin, quod secundum legem holocaustorum posset offerre. Neque enim est aut fuit consuetudinis, ut redeuntibus cum victoria de bello ducibus pecora occurrerent... Procul dubio nihil aliud quam hominem cogitavit (2). »

2o D'autres interprètes reconnaissent que le sens généralement attaché au vœu de Jephté : j'offrirai en holocauste la première personne qui viendra au devant de moi, est le seul qui puisse être alopté, mais ils entendent ces paroles dans un sens figuré. L'holocauste, disent-ils, n'est pas ici un holocauste sanglant, c'est l'immolation de soi-même par la virginité. Renoncer au mariage, en Orient, à cette époque, était un grand sacrifice, surtout pour la fille du vainqueur des Ammonites; son père, en la vouant au célibat, se privait de tout espoir de postérité, car elle était son unique enfant. Ainsi, sans faire au texte aucune violence grammaticale, les défenseurs de cette explication arrivent au même résultat que ceux de la précédente : Jephté ne fit pas périr sa fille, il la consacra à Dieu.

Celle interprétation est ingénieuse. Elle a cependant contre (1) Scholia in Judices, x1, 31; 1835, p. 278. Remarquons que les chiens n'étaient pas du nombre des animaux qu'on pouvait offrir en sacrifice. (2) S. Aug., Quæst. XLIX in Jud., t. xxxiv, col. 812. S. Augustin a traité longuement la question de la fille de Jephté, col. 810-821; il a répondu en particulier aux objections qu'on pourrait en tirer contre Dieu et la Sainte Écriture, et tout ce passage mérite d'être lu.

elle l'usage de la langue et les mœurs du pays. 1o On ne rencontre nulle part dans l'Ancien Testament le mot holocauste employé dans un sens métaphorique. 2o Le vœu de virginité était inconnu à cette époque chez les Juifs, et nous n'en trouvons aucun exemple certain avant la Sainte Vierge. Les Nazaréens, qui appartenaient à Dieu d'une manière spéciale, se mariaient, Jud., XIII, 5 et XIV, 2 sq.; I Reg., 1, 25 et VIII, 4; les vierges mêmes qui avaient été présentées au tabernacle ou au temple recevaient un époux, comme Marie reçut Joseph. Comment Jephté aurait-il donc pu entendre, par le mot holocauste, la virginité?

Concluons. L'Écriture nous dit qu'il accomplit son vœu, Jud., x1, 39. Ce que nous savons de son caractère, Jud., XI, 3; XII, 4-6, donne trop lieu de penser que l'exécution de sa promesse fut l'immolation de sa fille, après qu'elle eût pleuré deux mois sa virginité, c'est-à-dire sa mort sans enfants. Dura promissio, acerbior solutio, quam necesse habuit lugere etiam ipse qui fecit, dit S. Ambroise. In vovendo fuit stultus, quia discretionem non habuit, et in reddendo impius, dit S. Thomas (1).

[blocks in formation]

1° Samson ne fut point juge d'Israël de la même manière que ceux qui avaient porté ce titre avant lui. Ses prédécesseurs avaient affranchi le peuple de la servitude en se plaçant à la tête d'une armée; lui n'eut contre les Philistins, ennemis de Dan et de Juda, que la force miraculeuse dont Dieu l'avait doué (2); il leur fit beaucoup de mal

(1) S. Ambroise, De officiis, 1. III, c. xii, no 78, t. XVI, col. 167-168; S. Th., 2a 2æ, q. 88, a. 2, ad. 2um. Les auteurs principaux qui admettent l'immolation sanglante de la fille de Jephté sont, outre S. Ambroise et S. Thomas, le Targum, Josèphe, Origène, S. Épiphane, Tertullien, S. Éphrem, S. Grégoire de Nazianze, S. Jean Chrysostome, S. Jérôme, Théodoret, S. Augustin, l'auteur des Quæstiones ad orthodoxos, qu'on lit dans les œuvres de S. Justin, Cédrénus, Barhébræus, Cornélius a Lapide, Calmet, Welte, Winer, etc. Les partisans les plus connus de la seconde opinion sont Nicolas de Lyra, Louis de Dieu, Le Clerc, Kimchi, Hengstenberg, etc.

(2) Samson, Jud., XVI, 17-20, perd sa force en perdant sa cheve

par ses exploits personnels et surtout par sa mort, mais il n'abattit pas leur puissance comme Gédéon avait abattu celle des Madianites ou Jephté celle des Ammonites. Il était probablement contemporain de ce dernier, ainsi que d'Héli.

2o Sa conduite morale ne fut pas sans tache. « An peccarit Samson, dit Bonfrère, au sujet des faits racontés dans le chapitre XVI, dubitare non licet... Nihilominus asserendum est eum hæc peccata pœnitentia delevisse, cum inter Sanctos ab Apostolo reponatur, ad Heb., XI, neque vero vel otium ei ad agendam pœnitentiam in illo pistrino Gazæo, vel incitamenta deesse potuerunt (1). »

Objet, auteur, date.

460.

ARTICLE III.

Le livre de Ruth.

Caractère des personnages, enseignements

Objet, auteur, date du livre de Ruth.

Le petit livre qui porte le nom de Ruth a pour objet principal de nous faire connaître la généalogie de David, le fondateur de la race royale, et celle de Jésus-Christ (2). Cette

lure. « La chevelure de Samson, demande Calmet, était-elle la cause réelle, physique et véritable de la force de Samson, ou en étaitelle simplement la cause morale et comme un gage de la protection de Dieu et de la présence de son esprit, tandis qu'il porterait lui-même cette marque de son dévouement et de son nazaréat? Le sentiment commun des Pères et des commentateurs est que sa chevelure n'était que la cause morale de ses forces, Dieu ayant bien voulu s'engager à lui donner cette force prodigieuse comme une qualité permanente et qu'il ne perdrait pas même pendant le sommeil, sous cette condition, et non autrement, qu'il conserverait sa chevelure et qu'il la porterait toute sa vie comme un signe de sa consécration au Seigneur. » Comment. litt. sur les Juges, XVI, 17, p. 249. Les incrédules ont fait de nombreuses objections contre l'histoire de Samson, mais elles proviennent presque toutes de ce qu'ils n'admettent point les miracles. Voir là-dessus La Bible et les découvertes modernes, t. III, p. 381 sq. (1) Comm. in lib. Judicum, XVI, 1; Migne, Cursus completus Scripturæ Sacræ, t. XIII, col. 993. Cf. Procop. Gaz., In Jud., t. LXXXVII pars 1, col. 1078.

[ocr errors]

(2) « Cur scripta est de Ruth historia? demande Théodoret. Primum propter Christum Dominum, » répond-il. In Ruth, t. LXXX, col. 518,

« PreviousContinue »