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466. - L'auteur des deux premiers livres des Rois n'est pas le même que l'auteur des deux derniers.

Les deux premiers livres des Rois n'ont pas été écrits par l'auteur du troisième et du quatrième, quoique plusieurs critiques l'aient soutenu. -1° Ces deux livres forment un tout complet; les derniers chapitres du second forment même une sorte d'appendice qui montre que l'auteur était arrivé au terme de son œuvre. 2o Le plan des deux écrivains n'est pas le même. Le plus ancien écrit plutôt des biographies que des annales; il entre dans une foule de détails circonstanciés et peu importants en apparence; le plus récent raconte brièvement; il ne développe pas, il omet beaucoup de faits. 3o Les deux derniers livres des Rois renvoient souvent aux sources auxquelles ils ont puisé, savoir les annales de Salomon, et celles des autres rois dont ils racontent l'histoire (1). Rien de pareil dans les livres de Samuel, qui mentionnent seulement le Livre des Justes, II Reg., 1, 18. -4° L'historien de Salomon et de ses successeurs fait aussi des allusions directes aux livres de Moïse, et les cite; allusions et citations qu'on ne rencontre pas dans l'historien de Saül et de David (2).

5o Le style des troisième et quatrième livres des Rois se distingue enfin de celui du premier et du second par des néologismes et des aramaïsmes particuliers. L'historien de Saül el de David est au contraire un des meilleurs écrivains en prose de l'âge d'or de la littérature hébraïque. Il tient parmi les prosateurs le même rang qu'Isaïe et Joel parmi les prophètes. Il n'a point les archaïsmes du Pentateuque, mais il y a cependant moins de différence entre Moïse et lui qu'entre

(1) III Reg., XI, 41; XIV, 19, 29; xv, 7, 23, 31; XVI, 5, 14, 20, 27; XXII, 39, 46; IV Reg., 1, 18; VIII, 23; x, 34; XII, 19; XIII, 8, 12; XIV, 15, 18, 28; xv, 6, 11, 15, 21, 26, 31, 36; XVI, 19; xx, 20; xxI, 17, 25; XXIII, 28; XXIV, 5.

(2) Ce dernier connaît certainement le Pentateuque, no 241; il nomme Moïse, I Reg. XII, 6, 8, comme III Reg., VIII, 9, 53, 56; IV Reg., XVIII, 4, 6, 12; mais tandis que l'auteur de III et IV Reg., aime à mentionner expressément la loi, III Reg., 11, 3; IV Reg., XIV, 6; xx1, 8; XXIII, 25, de même que les Annales des Rois de Juda et d'Israël, celui de I et II Reg. ne fait point de citations

le poète Lucain et Virgile; il n'a pas non plus ce qu'on a appelé les provincialismes de l'auteur des Juges, qu'on a supposé avoir vécu dans le nord de la Palestine; il est supérieur à l'auteur des Paralipomènes, qui appartient à l'âge de fer, et aussi à l'auteur des troisième et quatrième livres des Rois, chez qui l'on trouve un certain nombre de chaldaïsmes, tandis qu'on n'a pas pu en découvrir plus de six dans les deux livres de Samuel. Il y a quelques expressions qui lui sont propres; il est le premier qui appelle Dieu Dominus exercituum ou Jéhovah Sabaoth; mais cette dénomination devient très fréquente à partir de cette époque, et on la retrouve dans les deux derniers livres des Rois, comme dans les autres écrivains de la même époque (1).

467.

Quel est l'auteur des deux premiers livres des Rois?

L'auteur des livres de Samuel n'est pas nommé dans la Sainte Écriture, non plus que dans Josèphe et la Mischna. La Ghemara de Babylone, la première, et par suite, plusieurs Pères, les attribuent à Samuel, quoiqu'on y lise le récit d'événements postérieurs à la mort de ce prophète, I Reg., xxv, XXVIII, etc. Parmi les Juifs et les modernes, quelques-uns ont cru que Samuel était l'auteur des vingt-quatre premiers chapitres du premier livre et que le reste avait été composé par les prophètes Gad et Nathan; ils s'appuient sur ce passage de I Par., XXIX, 29: Gesta autem David regis priora et novissima scripta sunt in libro Samuelis Videntis, et in libro Nathan prophetæ atque in volumine Gad Videntis. Mais rien ne prouve que ce texte s'applique à nos deux premiers livres

(1) Le nom de Dieu des armées ou Sabaoth, ne se lit pas une seule fois dans tout le Pentateuque, Josué, les Juges et Ruth; il est employé dix fois dans I et II Reg., (1 Reg. 1, 3, 11; IV, 4; XV, 2; XVII, 45; 11 Reg., V, 10; VI, 18; vII, 8, 26, 27); sept dans III et IV Reg., trois dans les Paralipomènes (I Par., XI, 9 et XVII, 7, 24), mais ces passages de 1 Par. sont des reproductions littérales de Il Reg., V, 10, et vII, 8, 26; Ezechiel n'en a jamais fait usage; on le rencontre dans les Psaumes; Isaïe (soixante-deux fois en tout, six fois dans les chapitres XL-LXVI), Jérémie et tous les petits prophètes, semblent avoir préféré cette dénomination à toute autre.

des Rois (1); au contraire plusieurs passages indiquent qu'ils ont été écrits après les événements qu'ils racontent et non par des contemporains, I Reg., vii, 15; ix, 9; xxvii, 6, etc. Aussi d'autres critiques en ont-ils attribué la composition, les uns à David, les autres à Isaïe, Jérémie, Ézéchias ou Esdras. Cependant toutes ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement solide: nous ignorons quel en est l'auteur, et tout ce qu'il est permis d'affirmer, c'est qu'ils ont été très probablement rédigés peu de temps après la mort de Salomon, comme nous allons le voir.

468.

Date de la composition des deux premiers livres des Rois. La plus ancienne mention des livres des Rois se lit seulement, II Mach., II, 13, où nous apprenons que Néhémie, ayant fondé une bibliothèque, y plaça les Actes des rois, tà nepí t☎v Basikéwv, avec les prophètes, etc. Mais les deux livres de Samuel étaient de beaucoup antérieurs à Néhémie; ils datent probablement de l'époque de Roboam. -1° La distinction. qui est faite entre Juda et Israël (2) montre, d'une part, que même la première partie du récit n'est pas antérieure à David, pendant la vie duquel cette distinction commença pour la première fois à s'introduire (3). -2° D'autre part, l'époque à laquelle s'arrête l'auteur sacré, qui ne raconte pas le règne de Salomon, porte à penser qu'il écrivait sous ce roi ou son successeur. On ne saurait pourtant le placer avant le temps de Roboam, parce qu'il est dit, I Reg., xxvii, 6, que Siceleg appartenait encore de son temps aux rois de Juda (4), expres

(1) Il est d'ailleurs possible que l'auteur des Paralipomènes désigne par livre de Samuel nos deux premiers livres des Rois, selon la dénomination reçue chez les Juifs; mais alors il lui donne ce nom à cause du sujet qu'il traite, et non parce que le dernier juge d'Israël l'avait composé.

(2) I Reg., XI, 8; XVII, 52; XVIII, 16; Il Reg., III, 10; xxiv, 1. (3) II Reg., II, 9-10; v, 1-5; XIX, 41; XX, 2. Comme la mort de David n'est pas racontée à la fin du second livre, quelques critiques ont pensé que l'auteur écrivait tout de suite après, mais nous allons voir que ce fut un peu plus tard. La mort de David est supposée par II Reg., V, 5. (4) Quelques additions des Septante à II Reg., VIII, 7, et xiv, 27, dans lesquelles Roboam est nommé, sembleraient indiquer clairement,

sion qui prouve que le schisme des dix tribus avait déjà eu lieu.

469.

Des sources des deux premiers livres des Rois.

1° L'auteur n'en indique qu'une, le Livre des Justes, d'où il a tiré l'élégie de David sur la mort de Saül et de Jonathas (1), mais on peut croire qu'il a eu entre les mains des documents historiques, émanant des prophètes, et auxquels l'auteur des Paralipomènes a puisé comme lui, car les sections, II Reg., VIII-XXIV et I Par., xiXXI, quoique différant à certains égards dans l'exposition, à cause de la diversité du hut poursuivi, concordent parfois mot pour mot, ce qui paraît indiquer une source commune, peut-être celle que mentionne I Par., xxIx, 29, c'est-à-dire les écrits de Samuel et de Gad. 2o Les livres de Samuel forment d'ailleurs un tout suivi et bien fondu et ne sont pas une compilation indigeste d'anciens matériaux, quelquefois contradictoires, comme l'ont prétendu les rationalistes de nos jours. Nous avons vu que l'auteur a suivi un plan déterminé, n° 465; les contradictions qu'on a voulu relever sont imaginaires, comme nous allons le montrer.

470.

Des contradictions prétendues des deux premiers livres des Rois.

1o Ce qui est dit I Reg., x, 1, que Saül a été sacré par Samuel, sur l'ordre de Dieu, n'est pas en opposition, ainsi qu'on

si leur authenticité était constatée, que les deux premiers livres des Rois ont été écrits sous Roboam, après l'invasion de Sésac, roi d'Égypte. Les autres indications chronologiques qu'on lit dans le texte, I Reg., VIII, 8; XII, 2; xxix, 3, 6, 8; II Reg., VII, 6, ne jettent aucun jour sur la question.

(1) II Reg., I, 18. Le livre des Justes ou du Juste, comme l'appelle le texte hébreu, n'est cité que dans ce passage et Jos., X, 13, à l'occasion du miracle du soleil arrêté. C'était probablement le nom donné à une collection de poèmes nationaux et populaires, qui existait déjà du temps de Josué, et auxquels on ajoutait, au fur et à mesure de leur composition, les chants les plus remarquables. Les Septante ne mentionnent pas ce livre dans Josué, x, 13, ils le nomment seulement dans II Reg., I, 18.

l'a prétendu, avec I Reg., x, 20-25, où Saül est choisi par le sort. David fut aussi sacré d'abord par le même prophète et reconnu plus tard par le peuple. Saül est secrètement désigné par Dieu avant de l'être publiquement dans l'assemblée du peuple. 2o Les deux causes pour lesquelles les Hébreux désirent un roi, savoir la cupidité des enfants de Samuel, I Reg., VIII, 35, et les menaces d'invasion des Ammonites, I Reg., xii, 12, 13, ne s'excluent point, comme on l'a affirmé : elles concordent parfaitement ensemble; seulement l'historien ne s'est pas cru obligé de les faire connaître en même temps, mais quand il en a trouvé l'occasion.

3o Une origine différente est-elle attribuée, I Reg., x, 11 et XIX, 24, au proverbe : Num et Saul inter prophetas ? - Nullement; le premier passage indique la véritable origine de ce proverbe; le second, à quel moment il fut remis en circulation et devint plus connu.

4o David, I Reg., XVI, 18-22, demeure auprès de Saül pour lui jouer de la cithare; plus tard, quand il a vaincu Goliath, le roi lui demande quelle est sa famille, xvII, 55-58. La conciliation de ces deux passages est jugée difficile; elle a paru impossible, dit-on, aux Septante, puisqu'ils ont supprimé, dans leur traduction, vingt-neuf versets, c'est-à-dire xvii, 12-31 et XVII, 55-XVIII, 5. Le P. Houbigant et beaucoup d'autres ont rejeté ces passages comme interpolés. — Leur omission par les Septante ne prouve rien, parce que leur version offre beaucoup d'autres exemples d'additions, de retranchements et de changements, d'où l'on ne peut rien conclure contre la vérité des Livres Saints (1). Quant à la

(1) Le Codex Vaticanus, qui est reproduit dans les éditions ordinaires des Septante, ne renferme pas, il est vrai, les passages en question, mais d'autres manuscrits de cette version les contiennent, et on les lisait dans les exemplaires dont se servait l'Église grecque, puisque les commentateurs grecs les ont cités et ont essayé de les expliquer. « Quomodo Saul ignoravit Davidem? demande Théodoret, Interr., XLIII in I Reg., t. XLXXX, col. 567-568. - Duorum alterum est intelligendum, répond-il. Vel quod furore percitus non sentiebat eum pulsantem citharam, vel quod invidia eum in furorem verterit, ita ut exacte scire vellet undenam esset. » Ce dernier membre de phrase donne, croyons-nous, la véritable explication. Procope de Gaza

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