Page images
PDF
EPUB

479.

ARTICLE II.

Histoire des Rois.

Division de cet article; utilité de l'étude de l'histoire
des Rois.

1° Nous diviserons cet article, selon la division même des quatre livres des Rois, n° 464 et 471, en six paragraphes : 1° enfance et judicature de Samuël, I Reg., I-XII; 2° règne de Saül, I Reg., XIII-XXXI; 3° règne de David, II Reg., I-XXIV; 4° règne de Salomon, III Reg., I-XI; 5o histoire des royaumes séparés de Juda et d'Israël, III Reg., XII-IV Reg., XVII; 6° histoire du royaume de Juda depuis la ruine de royaume d'Israël jusqu'à la captivité de Babylone, IV Reg., xviii-xxv.

2o Les Pères ont fait ressortir l'utilité de l'étude de l'histoire des Rois Suavis est [historia Regum] in superficie litteræ, altior in typis allegoriæ, moribus instruendis utilis, lucida in exemplis adhibendis, dit S. Grégoire le Grand (1).

[ocr errors]

§ I. ENFANCE ET JUDICATURE DE SAMUEL, I Reg., I-XII,

Place de la vie de Samuel dans l'histoire des Rois.

480.

[merged small][ocr errors]

Héli. Origine de Samuel. Mission du dernier juge d'Israël.

Place de la vie de Samuel dans l'histoire des Rois; Héli.

1° L'histoire de Samuel est placée au commencement de celle des Rois, 1° parce qu'il ménagea la transition du régime patriarcal au régime monarchique en exerçant une sorte de pouvoir central et en rendant la justice à toutes les tribus, I Reg., VII, 15-17, ce qui habitua Israël au gouvernement d'un seul, et 2° parce qu'il donna à son peuple Saül, son premier roi, IX-XI.

2o Ce que nous savons de la vie d'Héli, auprès de qui s'écoula son enfance, est mêlé à sa propre biographie. Héli fut juge pendant quarante ans, I Reg., IV, 18; nous ignorons du reste en quoi consista positivement sa judicature. Il nous

(1) S. Greg. Mag., In. primum Regum proœmium, no 4, t. LXXIX, col. 20. Voir tout le Promium. Cf. S. Aug., De Civit. Dei, XVII, 1, t. XLI, col. 523-524; Contra Faustum, XII, 33-35, t. XLII, col. 271-272,

apparaît pour la première fois dans un âge avancé, sous l'aspect d'un vieillard plein de bonté, qui s'acquitte avec piété de ses fonctions pontificales, I Reg., I, 12, 17; II, 20; III, 18, mais ternit ses vertus par une faiblesse excessive à l'égard de ses enfants, 11, 22-25. ll en fut puni par la mort de ses fils coupables, et surtout par la perte de l'arche qui fut prise dans une guerre par les Philistins. Ce dernier malheur lui fut plus sensible que la perte même d'Ophni et de Phinée; la douleur qu'il ressentit le fit tomber à la renverse, et il se tua dans sa chute, Iv, 13-18.

481. Origine de Samuel; cantique d'Anne, sa mère.

[ocr errors]

Samuel était de la tribu de Lévi, I Par., vi, 22-23; son père Elcana habitait les montagnes d'Éphraïm, I Reg., I, 1. Sa naissance fut le fruit des prières d'Anne, sa mère. Elle menait presque, ce semble, la vie d'un Nazaréen, I Reg., 1, 15, et fut douée du don de prophétie, 11, 1-10. Elle remercia Dieu de lui avoir donné un fils, par un cantique, le premier de ce genre que nous rencontrons dans les Livres Saints. On en a contesté l'authenticité à cause de l'allusion finale à la royauté, laquelle n'existait pas encore de son temps, y. 10. Il serait à la rigueur possible que, comme on l'a fait pour plusieurs psaumes, par exemple, pour le psaume L, 20-21, on y eût ajouté plus tard quelques mots pour s'en servir comme d'un chant et d'une prière dans quelque circonstance particulière, mais la plupart des interprètes catholiques voient dans ce verset une prophétie messianique :

Dominum formidabunt adversarii ejus,
Et super ipsos in cœlis tonabit;
Dominus judicabit fines terræ,
Et dabit imperium regi suo,

Et sublimabit cornu Christi sui. I Reg., II, 10.

C'est pour la première fois que le nom de Messie ou Christ apparaît dans la Sainte Écriture. « Le paraphraste chaldéen et les meilleurs interprètes, dit Calmet, hoc loco, entendent ceci du Messie et de son royaume sur l'Église. Il donnera la force à son roi, dit Jonathan, et il multipliera le royaume de

son Messie. On l'explique aussi de David, qui a été une des plus expressives images de Jésus-Christ. Anne, ou plutôt le Saint-Esprit, pouvait avoir en vue en même temps ces deux grands objets : le changement de l'état présent des Hébreux de patriarcal en monarchique, et le règne glorieux du Messie. Il semble que Zacharie, père de S. Jean-Baptiste, faisait allusion à cet endroit, lorsqu'il disait: Erexit cornu salutis nobis in domo David pueri sui, sicut locutus est per os sanctorum qui a sæculo sunt prophetarum ejus. »

Les sentiments exprimés par Anne dans son cantique sont si beaux que la Sainte Vierge se les est appropriés en partie dans son Magnificat (1).

[blocks in formation]

Samuel, consacré à Dieu par sa mère, était appelé à jouer un rôle très important dans l'histoire d'Israël, beaucoup moins par les victoires qu'il remporta sur les Philistins et par les jugements qu'il rendit dans les cas litigieux, que par les changements qui datent de son époque et dont il fut l'agent principal.

1o Il est le premier des prophètes, I Reg., III, 20, dans la succession régulière de ces hommes extraordinaires, que Dieu fit apparaître dès lors sans interruption, pendant plusieurs siècles, pour servir de contrepoids à la royauté et pour être, parmi les enfants de Jacob, ses représentants, ses interprètes, ses ministres, les gardiens et les défenseurs de la religion. Ex quo sanctus Samuel propheta cœpit, dit S. Augustin, et deinceps donec populus Israel in Babyloniam captivus veheretur,... totum est tempus prophetarum (2). Moïse et Débora

(1) Cf. I Reg., II, 1 et Luc, 1, 46; I Reg., II, 4-5 et Luc, I, 51-53; I Reg., II, 7-8 et Luc, 1, 52, 48. Pour tout ce qui regarde le cantique d'Anne, voir Mgr Meignan, Les prophéties contenues dans les deux premiers livres des Rois, 1878, p. 71-102. S. Augustin a commenté ce cantique, De Civ. Dei, 1. XVII, c. IV, t. XLI, col. 526-532. Sur la piété d'Anne, on peut voir S. J. Chrys., De Anna sermones quinque. t. LIV, col. 631-676.

(2) S. Aug., De Civ. Dei, 1. XVII, c. 1, t. XLI, col. 523. On peut voir tout ce chapitre, intitulé : De temporibus Prophetarum. Cf. Act., III, 24; XIII, 20; I Reg., IX, 9, 11, 18, 19; I Par., IX, 22; XXVI, 28; XXIX, 29.

avaient été prophètes, mais c'est seulement à Samuel que s'ouvre cette série continue de personnages merveilleux devant lesquels vont souvent s'éclipser les rois eux-mêmes. Cette qualité de prophète, d'inspiré de Dieu, lui acquit, beaucoup plus encore que son titre de juge, l'influence si considérable qu'il exerça sur Israël.

2o Non seulement il fut prophète; mais il créa les écoles de prophètes; du moins c'est de son temps qu'elles apparaissent pour la première fois, I Reg., x, 5, 10. Ceux qui en faisaient partie formaient une sorte de réunion ou communauté que les Septante appellent église, et la Vulgate, grex, cuneus, I Reg., x, 5, 10. Ils avaient un supérieur (Samuel stantem super eos, I Reg., XIX, 20), auquel on donnait le nom de Père, I Reg., x, 12, ou de Maître, IV Reg., 11, 3, et ils étaient appelés fils des prophètes, IV Reg., vi, 1. Ils s'appliquaient à louer Dieu, I Reg., x, 5, 10; xix, 20-24; I Par., xxv, 1, 6; leur principale étude était sans doute celle de la loi. Leur nombre variait, selon les circonstances. Cf. III Reg., xviii, 4; XXII, 6; IV Reg., II, 16. Leur chef était vraisemblablement consacré par l'onction sainte, comme le fut Élisée, III Reg., XIX, 16; cf. ls., LXI, 1; Ps. GIV, 15. Ils ne prédisaient pas tous l'avenir (1), mais c'est là que furent élevés plusieurs de ceux dont Dieu fit, dans la Terre Promise, les organes de ses volontés. Samuel est ainsi le premier fondateur des institutions régulières d'instruction religieuse. Il les établit dans sa propre résidence, à Rama, dans des habitations rustiques que le texte sacré appelle Nayoth, I Reg., XIX, 19; xx, 1, analogues peutêtre aux cabanes de feuillage qu'avaient plus tard les disciples d'Élisée près du Jourdain, IV Reg., VI, 4. Le texte sacré ne nous a pas conservé l'histoire suivie des écoles de prophètes, mais nous savons qu'elles se perpétuèrent et nous en trouvons

[ocr errors]

(1) Nous lisons dans l'histoire de Saül : Num et Saul inter prophetas? I Reg., x, 11, 12; xix, 24. Cf. no 470, 3o. Le mot prophète ne s'entend pas ici de celui qui prédit l'avenir ou reçoit l'inspiration prophétique; il signifie simplement celui qui se livre aux exercices religieux des disciples des prophètes. Cf. I Reg., x, 5; xvIII, 10; I Par., IV, 27; XXV, 1.

longtemps après à Béthel, IV Reg., 11, 3; à Jéricho, IV Reg., 11,5; à Galgala, IV Reg., IV, 38, et ailleurs, IV Reg., vi, 1. Cf. III Reg., XVIII, 4, etc.

3o Le fondateur des écoles de prophètes fut aussi le fondateur de la royauté en Israël: il sacra Saül, au nom de Dieu, et le réprouva, montrant en lui ce que ne devait pas être le monarque hébreu ; il sacra aussi David, le chef de la dynastie. de Juda, le père du Messie et le modèle du roi selon le cœur de Dieu, malgré quelques écarts. Il ne vit pas régner David; d'autres prophètes devaient continuer auprès de ce prince l'œuvre qu'il avait inaugurée; mais en face de Saül, dont un homme d'un grand caractère et d'une puissante autorité déjà acquise pouvait seul dominer le caractère violent, impétueux et mobile, il représenta l'indépendance de la loi morale et la volonté divine, supérieure à tous les caprices des souverains. Lorsqu'il adresse à Saül cette parole si profonde: Melior est obedientia quam victimæ et auscultare magis quam offerre adipem arietum, I Reg., xv, 22, il nous montre quel rôle vont jouer les prophètes à la cour des rois, en même temps que, par ce mot, le fondateur des écoles prophétiques nous prépare de loin aux révélations de l'Évangile.

§ II. REGNE DE SAUL (1095-1055), I Reg., XIII-XXXI.

Caractère général. Débuts et actions glorieuses.

[ocr errors]

Déclin et chute.

[merged small][ocr errors]

1o Le règne de Saül se compose de deux parties complètement différentes: la première nous le montre tout à la fois l'élu de Dieu et l'élu du peuple, parvenant au trône non par usurpation ni par voie de conquête, mais par la volonté libre et le consentement de tous les intéressés, et répondant aux vues de Dieu sur sa personne : c'est la période glorieuse du début, I Reg., IX-XI; XIII, 1-5, 15-23; XIV. La seconde partie nous le fait voir infidèle à sa mission, désobéissant aux ordres de Dieu, rejeté par lui et se précipitant à sa ruine,

XV-XXXI.

2° Ces deux moitiés de l'histoire du premier roi des Hébreux

« PreviousContinue »