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avec elles afin d'être en état que Dieu vous QUATRIÈME EXHORTATION

FAITE AUX

RELIGIEUSES URSULINES DE MEAUX

LE 4 MAI 1685.

parle. Observez de ne point parler pour vousmêmes; voilà une bonne règle du silence. Il ne faut point parler pour soi-même; mais seulement pour la gloire de Dieu, pour le bien du prochain, pour la charité et comme Jésus-Christ est votre modèle, voyez l'exemple qu'il vous en donne pendant sa vie; chose admirable! que l'on ne nous ait pu dire qu'une seule parole qu'il ait dite du- profession. Combien il est nécessaire qu'elles soient en garde rant trente ans, qui fut lorsque sa mère le cherchait.

En sa passion il a fait usage d'un perpétuel silence. Voyez-le chez Caïphe: il répond pour rendre témoignage à la vérité; devant Pilate, il parle pour l'instruire: hors de là, quel silence! Il n'a jamais parlé pour soi lorsqu'il était accusé et calomnié, il ne répondait rien; et quand la vérité l'a obligé de parler, il l'a fait en peu de paroles. Apprenez donc de lui le silence; aimez à être seules, après l'acquit de vos emplois. Occupezvous à aimer Jésus-Christ, à penser à lui: méditez sa passion, lisez ses paroles, goûtez ses maximes, aimez d'être abandonnées des créatures, pesez les états d'abandon de Jésus-Christ; voyezle seul, délaissé. Ce divin Sauveur nous est d'un grand exemple dans tous ses mystères; c'est sur lui, mes filles, qu'il faut vous imprimer bien avant cette vérité : Il n'y a que Dieu dont je doive attendre ma perfection; et partout trouver moyen de pratiquer l'éloignement et la solitude des créatures. Quand on y a mis son affection, on la trouve en tout temps, en tous lieux.

C'est donc là, mes filles, ce qui m'a fait vous parler en particulier, vous assembler toutes ici en ma présence pour vous donner cette instruction, qui n'est pas simplement un avis et un conseil : ce n'est pas seulement une exhortation; mais c'est un précepte que je vous donne, et que Dieu m'a inspiré de vous enjoindre. Recevez-le de la part du Saint-Esprit, qui m'a porté à vous le donner ressouvenez-vous bien de ce jour, et ne l'oubliez jamais. Je vous ai trouvées toutes, ce me semble, dans de bons désirs : ce sont vos bonnes dispositions qui me font espérer que vous ferez profit de cette ordonnance; gardez-la donc soigneusement, et priez Dieu pour moi : je le prie de tout mon cœur qu'il vous bénisse.

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Avec quelle vigilance, quelle religion il faut qu'elles travaillent à l'éducation des enfants qui leur sont confiés. Soin qu'elles doivent avoir de se renouveler dans l'esprit de leur

contre l'ennemi de leur salut. Obligations renfermées dans le vœu de pauvreté. Importance et utilité de l'obéissance. Devoir des religieuses de tendre sans cesse à la perfection. Charité, zèle et tendresse du prélat pour elles.

J'étais fâché, mes filles, de n'être pas venu hier solenniser les saints mystères de la croix avec vous mais j'ai l'expérience que tous les jours sont bons et saints, et que toutes les solennités de l'Église ont leurs lumières propres et particulières pour la sanctification des âmes. Ce sont autant d'astres lumineux et d'étoiles brillantes, qui ornent l'Église et qui nous illuminent par les influences de leurs lumières. Je trouve heureusement qu'aujourd'hui se rencontre la fête de sainte Monique, qui est votre modèle, mes filles, en l'exercice de votre institut, dans son zèle, dans sa charité, dans le soin et la sollicitude qu'elle a eus, et par les travaux qu'elle a soutenus, n'épargnant rien pour obtenir et pour procurer la conversion de son fils. Hé! ne savezvous pas que ce sont ses soupirs et ses gémissements, ses larmes et ses continuelles prières qui ont enfanté saint Augustin à la grâce? Que voilà une belle idée, pour vous conduire dans vos emplois et dans tout ce que vous avez à faire dans

l'instruction des enfants!

Il est vrai que vous ne trouvez pas dans cette jeunesse qui vous est confiée, les grands crimes qu'avait sainte Monique à combattre et à détruire dans son fils : quoique cela ne soit pas, elles ont néanmoins le principe de tous les vices par cet héritage funeste que nous tenons d'origine. Notre mère Ève est la première qui a péché : le mal a commencé par une femme, le péché s'est introduit par votre sexe; il s'y achève, il s'y perpétue et se dilate dans tous les âges. Cette source maligne se trouve en ces jeunes filles, et se répand dans tout le cours de leur vie. Quand donc vous en voyez d'épanchées, sujettes à discourir, opiniâtres, rebelles, qui se portent à l'oisiveté, et surtout indociles, vous ne sauriez trop gêner celles que vous voyez enclines à ces mauvaises dispositions; et ce doit être là le sujet de vos larmes et de vos gémissements. Vous devez prier et soupirer pour elles devant Notre-Seigneur, sur le préjugé des grands maux qui en peuvent arriver

dans la suite: car l'indocilité est le commence- | chassé et contraint de s'éloigner de ce lieu par Inent de tous les vices; et cette charité, qui fait profiter dans le salut [des autres,] doit non-seulement vous affliger et vous causer des gémissements en la présence de Dieu : mais il faut encore qu'elle vous anime à travailler fortement, pour déraciner jusqu'aux moindres semences du mal; parce que l'efficacité malheureuse du péché se développe avec l'âge.

Vous devez donc, mes filles, veiller beaucoup sur elles et sur vous-mêmes dans l'exercice de votre institut, lorsque vous y êtes employées, pour faire en sorte qu'elles ne voient rien en vous qui ne les porte au bien, et qui ne leur persuade la vertu et surtout ne soyez point oisives devant elles; parce que vous leur devez l'exemple. Je vous recommande très-expressément de ne les point porter à avoir cet air de distinction des modes et des vanités du monde : car de la vanité, qui les porte à l'immodestie, on tombe malheureusement dans l'impureté. Je sais bien qu'il y a des parents qui les aiment de la sorte, et qui les veulent voir ce qu'on appelle enjouées, agréables et jolies mais je vous prie, n'ayez point de condescendance pour eux, ne les écoutez point, tenez ferme; et faites-leur entendre que le plus bel ornement d'une fille chrétienne est la modestie, la pudeur et l'humilité. Voilà les dispositions qu'elles doivent avoir sortant de chez vous; voilà ce qu'elles doivent apprendre auprès des épouses de Jésus-Christ et entre leurs mains : c'est de conformer leurs mœurs à la piété et aux maximes du christianisme, pour animer de cet esprit tous les états et toutes les actions de leur vie.

Pour vous, mes filles, renouvelez-vous dans tous vos bons propos; je vous y exhorte par les entrailles de la miséricorde de Dieu : renouvelezvous et souvenez-vous de la sainteté de votre vocation, et pourquoi vous avez quitté le monde : ç'a été pour vivre dans la retraite, dans la solitude, et de la vie de Jésus-Christ, séparées du tumulte et des embarras du siècle, et pour vous unir à Dieu dans cet heureux état de séparation de toutes les choses d'ici-bas. Mais souvenezvous aussi que le démon travaille incessamment pour vous perdre, et pour détruire en vous l'œuvre de Dieu; et s'apercevant des bons effets qu'a déjà produits la visite, il fera comme il est dit dans l'Évangile étant sorti d'une demeure qu'il avait occupée; la trouvant nette et purifiée, il se propose d'y revenir : il lui donne de nouvelles attaques, et appelle ses semblables pour user même de violence. Ainsi, après avoir été

1

* Matth. XII, 43 et seqq.

les grâces que Dieu vous a conférées par notre ministère en cette visite : voulant s'approcher encore de cette maison, qu'il avait tâché de troubler et d'inquiéter ci-devant par ses ruses; la trouvant, dis-je, maintenant dans le repos et dans le calme, ornée et parée, cet ennemi de la paix viendra, n'en doutez point, mes filles, pour attaquer derechef la place. Cet ennemi de votre salut redoublera ses suggestions, et fera tous ses efforts pour y rentrer par de nouvelles batteries.

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Veillez donc et priez, de peur de la tentation; car la chair est infirme: craignez, mes sœurs, ce serpent qui entre et qui s'insinue par les sens, en glissant son venin malicieusement et imperceptiblement; défiez-vous de cet esprit rusé : ce n'est qu'un trompeur. Il vous dira, comme à nos premiers parents : « Vous serez comme des dieux ; » mais ne l'écoutez pas, ne vous laissez pas séduire : car que prétend ce malin, par ce langage, sinon de vous faire raisonner, de vous faire présumer et de vous élever, en vous persuadant ce qui serait contraire à la soumission et à la docilité? Il vous portera à vous imaginer que vous pouvez bien vous dispenser de cette humble obéissance, et de tant de renoncements à vous-mêmes. Vous serez comme des dieux; je veux dire qu'il vous fera croire que vous êtes audessus de tout, que vous avez des lumières, de bonnes raisons; tout cela tendra à vous jeter dans l'indépendance. Ne croyez point ce tentateur; ne vous laissez point séduire par les suggestions de ce serpent. Non, mes filles, ce n'est point comme des dieux que vous devez être; c'est comme Jésus-Christ humilié et obéissant; c'est comme Jésus-Christ souffrant et crucifié qu'il faut que vous soyez ce doivent être là toutes vos prétentions: tous vos désirs ne doivent vous élever qu'à tendre sans cesse à vous rendre en tout semblables à lui par les humiliations de la croix. L'ennemi de votre bien pourra même vous dire, pour vous décevoir et pour vous tromper: Vous ne mourrez pas1; non, non, vous ne mourrez pas ce n'est pas là grande chose; ce ne sera pas là un péché mortel : quand je me dispenserais de cette soumission parfaite, de cette humble et paisible disposition; ce n'est point là si grande chose. Toutefois sachez, mes filles, que tout péché volontaire dispose au péché mortel qui tue l'âme, et qu'il ne faut pas qu'une épouse de Jésus-Christ se livre à aucune infidélité : quand même ce ne serait pas un péché, vous devez appréhender et fuir tout ce qui

1 Genes. III, 5. 2 Ibid. 4.

est capable d'offenser les yeux de votre divin | moindre déchet leur est de conséquence. Dans Epoux.

Renouvelez-vous donc aussi, mes filles, dans l'esprit de votre vocation : souvenez-vous de votre consécration, de l'oblation et du sacrifice de vos vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéis

sance.

Et premièrement la chasteté : la perfection de cette noble vertu est un retranchement général de tous plaisirs des sens. Je n'entends pas parler ici de ces vices grossiers, qui ne se doivent pas seulement nommer parmi nous, ni de la privation des plaisirs légitimes du monde : mais vous devez surtout la faire consister dans cette pureté intérieure de l'âme, dans cette mortification parfaite des sentiments de la nature; ne souffrir nulle attache ni aucun désir de satisfaire les sens, pas le plus petit plaisir hors de Dieu; et de plus, ne souffrir aucun amour étranger, qui puisse partager vos cœurs : car des épouses de JésusChrist ne le doivent jamais partagerni diviser pour la créature. Ce cœur est à lui: vous le lui avez donné tout entier lorsque vous vous êtes consacrées à son service. Fuyez donc, mes filles, et ayez en horreur ces amitiés qui le divisent. Évitez, comme un très-grand mal, ces liaisous particulières; fuyez, comme la peste, les partialités, ees liens particuliers qui vous désunissent du général : c'est à quoi vous devez penser sérieusement. Qu'il n'y en ait donc point entre vous, mes filles, à l'avenir, si vous voulez être parfaitement à Jésus-Christ votre époux.

Le vœu de pauvreté vous oblige premièrement à être pauvres en commum; c'est-à-dire, mes filles, qu'il faut que vous ménagiez toutes le bien de la communauté, prenant garde à ne le point consommer sans véritable besoin que toutes aient le nécessaire; mais rien de superflu | et d'inutile: non point par épargne, ni par une avarice sordide; mais par un esprit de pauvreté et de vrai dénûment intérieur, qui vous fasse passer légèrement sur les choses de la vie humaine, et qui vous rende fidèles à ne vous y pas répandre et attacher, mais plutôt à vous en dégager pour l'amour de Jésus-Christ, en qui vous avez toutes choses. Que l'esprit de cette humble pauvreté soit donc parmi vous : ayez soin de ne rien perdre, de ne rien dissiper, et de ne rien laisser gåter. Épargnez le bien de la maison; parce que vous êtes des pauvres, et parce que c'est le bien de Dieu, dont il vous donne l'usage seulement pour votre besoin, et non pour vous permettre aucunes superfluités ni satisfactions inutiles. Les gens pauvres ne portent leurs pensées qu'aux choses expressément nécessaires dans leur état d'indigence, où nous voyons que le

un triste ménage, un pot cassé est une perte considérable. Souvenez-vous donc, mes filles, que vous êtes des pauvres, et que vous devez par conséquent ménager le bien de la religion, qui appartient à Dieu; et qu'étant les épouses de Jésus-Christ pauvre, vous devez chérir sa pauvreté. Il y a des occasions qui sont de légitimes objets de libéralité, et où la piété l'inspire comme la charité envers les pauvres, le soulament des misérables et des affligés, et encore le zèle pour la décoration des saints autels, selon les moyens que Dieu en donne.

Mais il y une seule chose, mes filles, où vous devez toujours être libérales; c'est envers vos pauvres sœurs infirmes et malades. Il ne faut point craindre ici de l'être trop à leur égard; puisque vous devez même prévenir jusqu'à leurs petits besoins, pour éviter les sujets de plaintes et de murmures, quoiqu'il faille toujours mortifier la nature mais quand elle est surchargée et accablée par la maladie, c'est alors qu'il faut la soulager avec douceur et charité, sans rien négliger ni épargner pour son soulagement. Toutefois, il ne faut pas avoir égard aux petites délicatesses: il ne faut rien accorder à la nature, mais tout au besoin. Estimez donc, mes filles, les malades; aimez-les, respectez-les et les honorez, comme étant consacrées par l'onction de la croix, et marquées du caractère de Jésus-Christ souffrant. Comme il faut représenter les vrais besoins à la mère supérieure, c'est à elle aussi à y pourvoir charitablement : mais il se faut abandonner, et se dégager des trop grands empresde sements de la nature. Faites état, mes filles, la pauvreté que vous avez vouée et que vous professez; aimez-la, même dans le temps de la maladie, et, partout, accoutumez-vous à faire tous les jours une circoncision spirituelle, qui vous fasse éviter l'inutilité et retrancher le superflu. C'est à quoi vous devez tendre, et ce que votre saint état vous demande et vous prescrit.

Pour ce qui est de l'obéissance, c'est le fondement solide de la vie religieuse. C'est en cette vertu, mes filles, que l'on trouve la joie, la paix véritable du cœur, et la sûreté entière dans l'état que vous avez embrassé: ainsi vous devez mettre en cette vertu toute votre perfection. De plus vous devez y trouver le repos de vos âmes, et chercher en elle un véritable contentement; car hors de là vous ne rencontrerez qu'incertitude, qu'égarement et que trouble. Reposez-vous donc, mes filles, entièrement sur l'obéissance, et regardez-la toujours comme le principe de votre avancement et de votre salut. Obéissez à vos supérieurs avec un esprit de douceur, d'humilité

et de soumission parfaite, sans murmure ni cha- | et de vos règles, que vous devez faire consister grin. En toutes choses soumettez votre jugement à celui de l'obéissance, avec une entière docilité, ne donnant point lieu à votre esprit propre de raisonner et de réfléchir sur ce que les supérieurs vous ordonnent, et sur les dispositions qu'ils font de vous. Obéissez-leur comme à Jésus-Christ: cherchez, mes filles, la paix et le repos dans l'obéissance; vous ne la trouverez pas ailleurs.

toute votre perfection. Ce n'est pas dans ces entretiens, ni dans ces belles paroles, ni même dans ces sublimes contemplations, vaines et apparentes, qu'elle consiste non, ce n'est point dans toutes ces élévations de l'esprit; mais elle est uniquement et très-assurément dans la pratique d'une profonde humilité et parfaite obéis

sance.

Croyez-moi, mes filles, et ne pensez donc plus qu'à votre perfection. Laissez-vous conduire sans résistance je vous en conjure par les entrailles de la miséricorde de Dieu. Jusqu'à présent je ne vous ai parlé qu'avec douceur, cha

à personne; j'ai tout ménagé, tout épargné : j'ai même tout pardonné et tout oublié. Je n'ai point voulu faire confusion à personne; il n'y en a pas une qui puisse se plaindre d'avoir été traduite devant les autres personne ne peut dire qu'on ait diminué sa réputation, ni qu'on l'ait déshonorée en la présence de ses sœurs. Mais que disje, déshonorée? serait-ce un déshonneur pour une religieuse, de lui faire trouver et pratiquer l'humilité? Bien loin donc de reprendre et corriger personne, je vous ai toutes mises à couvert jusqu'à présent; j'ai usé de toutes sortes de douceur mais si, à l'avenir, il y en avait, à Dieu ne plaise! quelques-unes indociles, désobéissantes à nos ordres, rebelles à nos lois, et qui ne fussent pas disposées à profiter de notre douceur et bénignité; qu'elles prennent garde d'irriter la colère de Dieu, et de nous contraindre de changer notre première douceur en sévérité et en rigueur qu'elles ne nous obligent pas à exercer sur elles la puissance ecclésiastique. Nous savons le pouvoir que l'Église nous donne par notre autorité épiscopale : nous n'ignorons pas que Dieu nous met en main cette puissance de l'Église pour châtier les esprits rebelles, et pour leur faire sentir toute sa sévérité.

Je vous l'ai dit au commencement, et je vous le dis encore: Soyez soumises, soyez dociles et parfaitement résolues de travailler à votre perfection, vous y devez tendre et aspirer incessamment par la fidélité en la pratique de ces vertus. C'est votre état qui vous y oblige ex-rité, bénignité et miséricorde je n'ai fait peine pressément, pour remplir dignement les devoirs de votre vocation et vous acquitter de vos promesses et de vos vœux. Voilà l'unique désir que vous devez avoir; votre salut en dépend car rarement, faites attention à ceci, fait-on son salut en religion, si on ne tend à la perfection. Non, je ne crois point, et ce n'est point mon opinion, qu'une religieuse se sauve quand elle n'est point dans la résolution de tendre à cette perfection, quand elle n'y aspire point, et qu'elle n'y veut point travailler. Portez-y done, mes filles, tous vos désirs; aspirez-y de tout votre cœur; travaillez-y sans relâche jusqu'à la mort : envisagez toujours le plus parfait; ayez à cœur de garder les plus petites règles, sans toutefois trop de scrupule. Attachez-vous aux pratiques solides qui conduisent à la perfection, et non pas à ces craintes scrupuleuses qui ne sont point la véritable vertu. Ne craignez point de vous sou. mettre à certains petits soulagements, aux jours de jeûne, que l'obéissance ordonne de prendre à celles qui sont dans l'emploi de l'institut. Ce n'est pas pour satisfaire la nature, que l'on désire cela et qu'on vous l'ordonne; mais pour soulager et subvenir à la faiblesse, et pour mieux supporter la fatigue et le travail de l'instruction. Vos règles sont bien faites; elles ont été examinées et approuvées : celles qui vous ont précédées en ont usé de même. Allez en esprit de confiance; marchez avec sûreté en obéissant, et quittez ces appréhensions frivoles je vous décharge de toutes ces vaines craintes; je lève tous les scrupules: ce n'est point sur ces sujets que vous devez tant craindre; mais vous devez toujours appréhender la négligence en l'acquit de vos devoirs. Estimez et embrassez toutes les pratiques de la vie religieuse avec ferveur et amour; car toutes ces choses vous conduiront infailliblement à la plus haute perfection : ce sont des degrés qui vous y doivent acheminer tous les jours. C'est dans l'exacte observance de vos vœux

Voulez-vous, disait saint Paul à des gens opiniâtres', que je vienne à vous avec la verge en main et en esprit de rigueur, ou bien avec douceur et suavité? J'en dis de même, si vous m'obligez de prendre cette verge de correction; cette verge, dis-je, qui est capable de confondre, d'abattre et d'écraser en vous anéantissant jusqu'au centre de la terre. Lorsque nous sommes contraints d'en frapper les désobéissants et contumaces, et d'exercer ce pouvoir redoutable, cela est capable de faire trembler, et je fremis moi-même quand j'y pense; car c'est le commencement du jugement de Dieu, et même c'est

1 Cor. IV, 21.

sus-Christ. Ne dégénérez pas de ces nobles et su-
blimes dignités; ne démentez pas aussi cette qua-
lité si auguste d'être les épouses de Jésus-Christ:
ne déshonorez pas votre mère la sainte Église;
et ne blessez pas le cœur de son Époux, qui serait
percé de douleur s'il ne vous voyait pas tendre
la pratique des vertus solides.

Après vous avoir exhortées à la perfection de votre état, comme j'y suis obligé par mon ministère; quoiqu'en perfectionnant les autres nous nous laissions tomber malheureusement tous les

l'exécution de la sentence qu'il prononcera inte- | partie; vous êtes la portion et le troupeau de Jérieurement contre une âme rebelle et indocile. Au nom de Dieu, mes filles, ne me contraignez pas de vous traiter de la sorte; soyez dociles et parfaitement soumises à toutes nos ordonnances: ne méprisez pas la grâce; ne l'outragez point indignement: prenez-y garde, mes sœurs. Quoi! serait-il possible qu'il y en eût quelqu'une de vous qui voulut nous percer le cœur et en même temps le sein, et me navrer de douleur par sa perte et sa rébellion? Ne me donnez pas ce déplaisir, et celui de me voir obligé d'accuser et citer au jugement de Dieu celles qui n'au-jours dans des fautes, et qu'en veillant sur autrui raient point fait profit de nos paroles et de nos nous ne prenions pas assez garde à nous-mêmes : instructions. Pour éviter ce malheur, gravez- je vous dirai comme saint Paul', que je crains les, je vous conjure, au milieu de vos cœurs et qu'après avoir enseigné et prêché les autres je ne de votre esprit; imprimez-les dans votre âme, sois moi-même condamné de Dieu. Demandez et généralement dans toute votre conduite inté- donc pour moi sa miséricorde, dont j'ai tant de rieure et extérieure, et ne les oubliez jamais. besoin pour opérer mon salut; afin que je ne sois Croyez, mes filles, que tous nos soins, nos pei- pas jugé au dernier jour à la rigueur. Je m'en vais, nes, nos veilles, nos sollicitudes, nos regards, mais ce ne sera pas pour longtemps; et si les afnos paroles, et enfin toutes nos actions sont for-faires de l'Église m'obligent à m'éloigner un peu mées et animées par l'esprit et la charité de Jésus-Christ, qui réside en nous par la dignité de notre caractère; et sortent même des entrailles de la miséricorde de Dieu, pour vous conférer la grâce à laquelle il faut que vous soyez fidèles: en sorte que vous ne pensiez plus qu'à servir Dieu avec tranquillité et perfection.

de vous, c'est par nécessité; et je puis dire avec saint Paul': que si je m'absente de corps, je demeure en esprit avec vous. Je ne vous oublierai point; vous serez toutes aussi présentes à mon esprit, et encore plus particulièrement depuis cette visite, que devant.

Mais faites en sorte que j'aie la consolation Ainsi, mes filles, à présent que vous m'avez d'entendre dire à mon retour, qu'il n'y a plus toutes déchargé vos cœurs, soyez en paix; et dans cette maison qu'un même cœur en esprit de comme je vous disais au commencement de cette Jésus-Christ par le lien d'une très-étroite charité : visite: que tout ce que vous me diriez, ma con- que je ne trouve ici rien de bas, rien de rampant, science en demeurerait chargée; au contraire, point d'amusements; en un mot faites que j'apce que vous me tairiez, vous en demeureriez char- prenne que l'on a profité de nos avis, de nos insgées vous-mêmes : vous y avez tout déposé, vous tructions et de nos ordonnances. Ah! que je soum'avez parlé toutes avec simplicité et ouverture haiterais, mes filles, que vous puissiez toutes de cœur. Demeurez à présent paisibles, soumises parvenir à cette parfaite conformité que vous et dans la douceur, comme de véritables servandevez avoir avec votre Époux ! ce serait pour lors tes de Dieu. Je vous puis rendre ce témoignage, que vous seriez remplies d'une abondance de gråpour votre consolation, qu'il y a dans cette mai- ces que l'on ne peut pas exprimer. Quelle gloire son de bonnes âmes qui ont de la vertu, qui veu- pour vous, d'être ainsi pénétrées de Dieu! quel lent la perfection, et désirent beaucoup de se re-bonheur, quelle félicité, quel excès, quelle joie nouveler encore. Vivez donc en repos et dans le et consolation! quelle exultation et quel triomsilence: ayez un soin et une vigilance toute spé-phe au jour du Seigneur, auquel vous parvienciale de vous avancer de jour en jour dans les plus hautes vertus : marchez à grands pas à la perfection de votre état. Si vous continuez, mes filles, dans les bonnes dispositions où je vous vois toutes, vous serez vraiment ma joie, ma consolation et ma couronne au jour du Seigneur. Voilà, mes chères filles, ce que j'attends et espère de vous: donnez-moi cette consolation; respectez-vous les unes les autres : je vous le dis et vous le recommande derechef. Car enfin, mes filles, vous êtes l'ornement de l'Église, vous en faites la plus belle

drez toutes, comme j'espère et désire, par la miséricorde de Jésus-Christ, lequel je prie de vous remplir de grâces en ce monde et de gloire en l'autre; et en son nom, je vous bénis toutes.

Monseigneur ayant fini son exhortation, étant debout, et près de monter au parloir pour revoir en particulier une seconde fois la communauté, dit encore, avant que de nous quitter, ce peu de mots dignes d'être remarqués :

1 I. Cor. IX, 27.
2 Ibid. v, 3.

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