Page images
PDF
EPUB

la patience édifie, l'impatience le détruit. C'est pourquoi, conservons avec grand soin la patience qui nous fait demeurer en Jésus-Christ, afin que nous puissions arriver avec lui à Dieu. Cette divine vertu n'est pas resserrée dans des bornes étroites, elle s'étend bien loin; elle est comme un grand fleuve qui arrose beaucoup de pays et se répand en plusieurs canaux. Aussi peut-on dire très-véritablement que toutes nos bonnes œuvres sont comme défectueuses sans elle, et que c'est elle qui les achève et les consomme. C'est la patience qui nous rend dignes de jouir de Dieu, qui calme la colère, qui arrête la langue, qui gouverne l'esprit, qui conserve la paix, qui entretient la discipline, qui rompt l'impétuosité des passions déshonnêtes, réprime les emportements de l'orgueil, éteint le feu des divisions, retient la puissance des riches dans les bornes légitimes, et console l'indigence des pauvres. Elle conserve la bienheureuse intégrité des vierges, la chasteté laborieuse des veuves, l'union sainte et indissoluble des personnes mariées. Elle fait qu'on est humble dans la prospérité, constant dans l'adversité, peu sensible aux injures et aux affronts. Elle nous apprend à pardonner promptement à ceux qui nous offensent, et à demander longtemps pardon à ceux que nous offensons. Elle surmonte les tentations, souffre les persécutions, consomme les souffrances. C'est elle qui établit solidement les fondements de notre foi, qui élève bien haut l'édifice de notre espérance, qui nous fait marcher sur les traces de Jésus-Christ et garder inviolablement la qualité d'enfants de Dieu. Mais parce que je sais qu'il y en a plusieurs qui, irrités de l'atrocité des injures qu'ils ont reçues, seraient bien aises d'en être immédiatement vengés sans attendre jusqu'au jour du jugement, nous les exhortons à embrasser avec nous la patience, et parmi les tempêtes de ce monde où nous sommes exposés aux insultes des Juifs, des païens et des hérétiques, à attendre en repos le jour de la ven

[ocr errors]

geance et à ne se point håter mal à propos de la prendre eux-mêmes. En effet il est écrit : « Attendez-moi, dit le Seigneur, jusqu'au jour de ma résurrection glorieuse. Car j'ai résolu d'assembler les peuples et les rois, et de décharger ma colère sur eux. » Et dans l'Apocalypse : Ne scellez point les paroles de prophétie que contient ce livre; car le temps approche que ceux qui font du mal aux autres leur en feront encore davantage, que ceux qui sont souillés d'impureté le seront encore plus, que celui qui est juste deviendra plus juste, et que le saint acquerra une plus grande sainteté. Je m'en vais venir bientôt, et j'ai ma récompense avec moi pour rendre à chacun selon ses œuvres. » C'est pour cela qu'on ordonne aux martyrs qui crient et demandent qu'on les venge promptement, d'attendre encore, et d'avoir patience jusqu'à ce que le temps soit venu et le nombre des martyrs accompli. « Comme l'Ange, dit le Prophète, eut ouvert le cinquième sceau, je vis sous l'autel de Dieu les âmes de ceux qui avaient été tués pour sa parole et pour la confession de son nom. Et ils se mirent à crier à haute voix : Seigneur, qui êtes « saint et véritable, jusques à quand différerez-vous à nous « faire justice et à venger notre sang sur ceux qui habitent « sur la terre?» Alors on leur donna à chacun une robe blanche, et on leur dit de se tenir en repos encore un peu de temps, jusqu'à ce que le nombre des serviteurs de Dieu leurs frères, qui devaient souffrir la mort comme eux, fût accompli.» Or, que Dieu doive venger le sang innocent, c'est ce que le Saint-Esprit déclare par le prophète Malachie, lorsqu'il dit : « Voici le jour du Seigneur qui vient allumé comme une fournaise ardente, et tous les étrangers et les méchants seront comme de la paille qu'il consumera, dit le Seigneur. Nous lisons la même chose dans les Psaumes, où Dieu nous est représenté venant juger le monde avec éclat et majesté : « Dieu, dit le Prophète, viendra visiblement; notre Dieu ne demeurera plus dans le silence. Le feu brûlera tout devant sa face, et l'on

[ocr errors]

"

[ocr errors]

entendra autour de lui une effroyable tempête. Il appellera devant lui le ciel et la terre pour faire la séparation de son peuple. Assemblez-lui tous ses saints, tous ceux qui gardent son alliance et ses sacrifices: et les cieux publieront sa justice, et que c'est lui qui est le véritable juge. Et le prophète Isaïe: « Le Seigneur viendra comme un feu, et son char sera comme un tourbillon de vent, afin d'exercer ses vengeances. Car ils seront jugés par le feu, et frappés de l'épée. » Et encore: « Le Seigneur et le Dieu des batailles s'avancera et terminera la guerre. Il commencera le choc et criera d'une voix puissante à ses ennemis : « Je me suis tu jusqu'ici, mais me tairai-je toujours ? » Qui est celui qui dit qu'il s'est tu, et qu'il ne se taira pas toujours! C'est celui qui a été mené comme une brebis à la boucherie, et qui n'a point ouvert la bouche non plus qu'un agneau qui demeure muet devant celui qui le tond; c'est celui qui n'a point crié, et dont la voix n'a point été entendue dans les places publiques; qui n'a point résisté lorsqu'on le flagellait et le souffletait, ni tourné la tête lorsqu'on lui crachait au visage. Enfin c'est celui qui ne répondit rien aux accusations des prêtres et des anciens, jusqu'à étonner Pilate par son silence. C'est lui qui, s'étant tu au temps de sa Passion, ne se taira pas au temps de la vengeance. C'est lui qui est notre Dieu, c'est-à-dire le Dieu de ceux qui croient et non le Dieu de tous, qui lorsqu'il paraîtra publiquement ne gardera plus le silence, mais se fera autant connaître par sa puissance qu'il était auparavant demeuré inconnu par son humilité. Attendons-le, lui qui doit être notre juge, et qui vengera avec lui son peuple et tous les justes depuis le commencement du monde. Que celui qui court à la vengeance considère que celui qui vengera les autres n'est pas encore vengé luimême. Dieu le Père a commandé qu'on adorât son Fils; et l'Apôtre, en vue de ce commandement : « Dieu, dit-il, l'a élevé et lui a donné un nom qui est au-dessus de tous

les noms, afin qu'au nom de Jésus tous fléchissent le genou au ciel, sur la terre et dans les enfers. » Et dans l'Apocalypse l'ange empêche saint Jean qui le voulait adorer, et lui dit : « Gardez-vous-en bien, car je suis serviteur aussi bien que vous, et l'un de vos frères; adorez le Seigneur Jésus. » Quelle est donc la patience du Seigneur Jésus, que lui qu'on adore dans le ciel ne soit pas encore vengé sur la terre! Pensons à sa patience, mes frères, lorsque nous sommes dans les persécutions et dans les souffrances. Rendons un hommage entier à son avénement; et que des serviteurs ne soient pas si hardis que de se vouloir venger avant leur maître. Travaillons plutôt à conserver une patience invincible, afin que lorsque le jour de la colère et de la vengeance viendra, nous ne soyons pas punis avec les pécheurs, mais glorifiés avec ceux qui craignent Dieu.

(Saint Cyprien. Traité IX®.)

[ocr errors]

XXI. DE LA PRIÈRE.

Les préceptes de l'Evangile ne sont autre chose que des enseignements divins, les fondements de notre espérance, les appuis de la foi, la nourriture du cœur, des guides pour nous conduire, des secours pour nous sauver. Car tandis qu'ils instruisent sur la terre les esprits dociles des fidèles, ils les mènent au royaume des cieux. Dieu a voulu que les prophètes ses serviteurs dissent plusieurs choses de sa part, et qu'on les écoutât mais combien plus grandes sont celles que son fils même dit, et que la parole de Dieu qui a parlé dans les prophètes nous fait entendre de sa propre bouche, ne commandant plus qu'on prépare la voie pour le recevoir quand il viendra, mais venant lui-même et nous la montrant, afin qu'après avoir langui si longtemps dans les ténèbres de la mort, éclairés de la lumière de la grâce, nous marchions sous sa conduite dans le chemin de la vie? Or, entre les divins enseignements qu'il a donnés à son peuple pour son salut, il lui a aussi donné une forme de prière, et lui-même nous a instruits de ce que nous lui devons demander. Celui qui nous a donné la vie nous a aussi appris à prier, par cette même bonté avec laquelle il nous a comblés de tant d'autres biens; afin que nous servant de la prière du Fils pour parler au Père, le Père nous accorde plus aisément ce que nous lui demanderons. Il avait prédit que le temps approchait, où les vrais adorateurs adoreraient le Père en esprit et en vérité, et il a accompli sa promesse. Car après avoir reçu l'esprit et la vérité par la sanctification de sa grâce, nous l'adorons aussi, vraiment et spirituellement, par la prière qu'il nous a laissée. En effet, peut-il y avoir une prière plus spirituelle que celle qui nous vient de celui-là même

« PreviousContinue »