Survint la mort du Seigneur de Forli, An. 1424. dont nous avons déja fait mention. FOSCARI, Philippe autorisé par le teftament de LXV. Doge ce Seigneur à prendre sa veuve & fon pupille sous sa protection, mit garnifon dans Forli. Cette entreprise fut regardée à Florence comme une infraction manifeste au traité. Philippe proposa d'accommoder l'affaire, & nomma le Pape & les Vénitiens pour médiateurs. Les Florentins qui connoissoient les dispositions du Pape, & qui n'étoient pas trop afsurés des sentimens des Vénitiens, anciens alliés des Viscomtis, envoyerent un Ambassadeur à Milan*, lequel, n'ayant pu FRANÇOIS de Venife. * C'est sur la foi de Marin Saruto, l'un des plus célebres Hiftoriens de Venise, que nous avons dit dans le tome précédent que cet Ambassadeur, Barthelemi Valori, étoit Juif. On nous a observé qu'il étoit fort extraordinaire qu'un Juif portât le nom de Barthelemi. Cette observation judicieuse nous a fait naître des doutes. Nous avons confulté Poggi, célebre Hiftorien de Florence. Il parle de Barthelemi Valori, envoyé en Ambassade vers le Duc de Milan, comme d'un des principaux du Conseil de Florence. Le témoignage de ce dernier Historien est fans replique; & nous devons reconnoître, ou que Marin Saruto a été mal informé, ou qu'en disant que Barthelemi Valori étoit un Juif, il a voulu simplement peindre le caractere du personnage par la force de cette épithete. On fait d'ailleurs qu'il y avoit alors à Florence une famille de Valoris qui occupoit un rang diftingué parmi les nobles de cette République, Bar FOSCARI, avoir audience du Prince, retourna plein de ressentiment à Florence, & AN. 1424. dans le compte qu'il rendit de sa mif-FRANÇOIS fion, il parla avec tant de feu de l'in-LXV. Doge fidélité & des mépris de Philippe, que la guerre fut résolue sur le champ. Cependant il y eut encore bien des négociations de la part de Martin V & de Nicolas d'Est, Marquis de Ferrare, pour prévenir l'embrasement dont la Lombardie étoit menacée; mais Philippe usa des artifices ordinaires aux Princes qui, enflés de leurs succès, ne montrent un defir apparent de la paix, que pour colorer l'injustice de leurs entreprises de guerre. Les Florentins assemblerent une armée de fix mille chevaux & de trois mille hommes d'infanterie aux ordres de Charles Malatesta, Seigneur de Rimini, qui marcha droit à Forli. Ils se liguerent avec Thomas Frégose, ancien Doge de Gênes. Ils attirerent dans leur parti Henri d'Arragon, frere d'Alphonse, qui mena une flotte contre les Génois. thelemi Valori s'attacha dans la suite à la maison d'Anjou, & passa en Provence où il posséda la terre de Marignane. Sa postérité est restée en France. de Venife. FRANÇOIS Ces deux entreprises réussirent l'une An. 1424 & l'autre très-mal. Les Génois qu'on FOSCARI, croyoit mécontens de la domination LXV. Doge de Philippe, ne se laisserent, ni corIls font bat rompre par les infinuations, ni intiZagona- mider par les menaces de Frégofe & de Venife. CLIS lis implo de Henri. Malatesta rencontra les troupes Milanoises près de Zagonara. Il livra bataille, fut entierement défait, & resta prisonnier chez l'ennemi. Les Florentins se hâterent de réparer le défordre de cette défaite. Ils rassemblerent une nouvelle armée, & choisirent pour la commander Nicolas Pichinin, l'un de ces chefs dont nous avons parlé. Pichinin qui devint si célebre dans la suite, n'arrêta point les progrès des troupes de Philippe, qui foumirent plusieurs villes dépendantes ou alliées des Florentins. Ceux-ci désespérés de leur mauvaise fortune, eurent recours à Martin V; mais la partialité de ce Pontife pour le Duc de Milan rendit cette négociation infructueuse, Il ne leur restoit d'espérance que rent le fecours dans la jaloufie des Vénitiens, que les des Vénitiens. prospérités de Philippe devoient natu FOSCARI, de Venife. rellement exciter. Ils leur députerent Pallas Strozzi & Jean de Médicis, An. 1424. lesquels peignirent vivement atau Doge FRAN & au Sénat le danger qui menaçoit LXV. Doge l'Italie & l'Etat de Venise en particulier, si les vues de ce Prince ambitieux & perfide n'étoient pas arrêtées par les forces réunies de tous ceux qui étoient intéressés à son abaiffement. Cette députation fut reçue froidement. Le Sénat ne voyoit point encore de nécessité pressante de s'oppofer à Philippe. Il étoit arrêté par les traités qui l'engageoient à ce Prince: il craignoit les embarras & les suites d'une guerre en terre ferme, tandis que les poffeffions de la République dans le Levant étoient continuellement menacées par les Turcs. Il envoya deux nobles à Florence, pour s'excuser d'entrer dans l'alliance qu'on lui proposoit. de nouveaux lan. Les Généraux du Duc de Milan Ils effuient pressoient leurs ennemis sans relâche. che Ils leur livrerent une seconde bataille, qui ne fut pas moins fatale aux Florentins que la précédente. Ceux-ci ne yoyant plus de ressource à leur mal An. 1424. de Venife. heur, firent de nouveaux efforts auprès des Vénitiens; en forte que le SéFRANSIS nat, fatigué de leurs remontrances & LXV. Doge inquiet de leur mauvais fort, promit d'envoyer un Ambassadeur à Philippe pour l'exhorter à la paix. Cet Ambaffadeur fut André Mocenigo. Il se rendit à Milan; mais foit qu'il fût porté dans ses instructions d'infifter foiblement, foit que Philippe, par ses artifices, eût donné une couleur avantageuse à sa conduite, il revint sans avoir changé les dispositions de ce Prince. An. 1425. Dans ce temps-là, le Duc de MiDifgrace de lan fit une de ces fautes que les PrinCarmagnole, ces commettent quelquefois hardile sentiment François de Général du dont la flatterie & ment, de leur pouvoir voilent à leurs yeux les conféquences, quoique les plus fameux évenemens doivent les convaincre, qu'il est de leur intérêt de les éviter toujours. Philippe avoit parmi ses Généraux un Officier de grande réputa tion nommé François de Carmagnole. De la condition de simple soldat il s'étoit élevé par sa bravoure & par sa bonne conduite, aux premiers grades de la |