LXV. Doge fenté au Collége, expofa que le Roi An. 1443. fon maître, ayant toujours vécu, ainsi FRANÇOIS que fes prédéceffeurs, en bonne in- FOSCARI, telligence avec les Vénitiens, défiroit de Venite. d'affermir cette union par un Traité d'alliance, aux conditions qui feroient les plus agréables à la Seigneurie. Le piége étoit trop à découvert pour qu'il fût poffible de s'y laiffer prendre. Le Doge répondit à l'Ambassadeur d'Alfonfe, que, comme la République n'étoit point en guerre avec formaître, on ne voyoit pas qu'il fût néceffaire d'entamer aucun nouveau Traité avec lui, & qu'il fuffifoit que les deux Etats fuffent conftans à entretenir leur mutuelle intelligence, comme ils l'avoient toujours fait. Cavalieri ne put obtenir rien de plus, & fe retira. Il fut fuivi immédiatement d'un Ambassadeur du Pape Eugene, qui, ayant eu audience au Collége, déclara que le Pape, comme bon Vénitien, vouloit faire la paix entre le Roi d'Arragon, Nicolas Pichinin & le Comte Sforce. Le Doge répondit avec moins de ménagement au Miniftre du Pape : il lui dit, que la Ré An. 1443. publique remercioit Sa Sainteté de ses FRANÇOIS foins; que, pour le préfent, elle ne FOSCARI, jugeoit pas à propos d'en faire ufage, & que le peu d'égard que Sa Sainteté LXV. Doge de Venife. avoit eu pour elle dans ces derniers temps, n'étoit pas propre à lui infpirer de la confiance. Le Traité d'alliance avec le Duc de Milan fut figné à Venife le 24 Septembre. Philippe s'obligea d'envoyer au Comte Sforce au plus tard dans un mois, un fecours de trois mille chevaux & de mille hommes d'infanterie, & de tenir prêt un corps de cinq mille chevaux, pour être employé felon le bon plaifir des Florentins & des Vénitiens, qui promirent, de leur côté, d'entretenir un pareil nombre de troupes pour la confervation de l'Etat de Milan. Cette alliance deyoit avoir lieu pour dix ans. Les Gé nois & le peuple de Bologne y furent compris avec tous leurs adhérens. 11 fomme. Dès que Philippe eut reçu la fignale Roi Alfon- ture de ce Traité, il envoya au camp ner dans fes d'Alfonfe trois des principaux de fa fe de retour Etats. Cour, Jean Baldizoni, Pierre Corta, & Jean Balbi, pour fommerice Prince FRANÇOIs dé Venife. de ceffer les hoftilités, & de retourner dans fon Royaume. Le Chef de l'am- An. 1443. baffade lui dit, que Philippe ne fouf- FOSCARI, friroit point qu'on opprimât le Comte LXV. Doge Sforce, fon gendre, & que les conquêtes qu'on avoit faites fur lui étoient plus que fuffifantes pour donner au Pape Eugene toutes les fatisfactions qu'il avoit droit d'exiger. Alfonfe répondit, qu'il n'avoit entrepris la guerre contre le Comte Sforce, qu'à l'inftigation du Duc de Milan; qu'il n'étoit pas de fa gloire de s'arrêter en fi beau chemin, qu'il avoit promis, avec ferment, au Pape Eugene, de ne point mettre bas les armes, que Sforce ne fût chaffé de toute la Marche d'Ancone; & qu'il ne pouvoit en aucune maniere s'en défifter. Il fit partir en même-temps pour Milan deux de fes Officiers, qui felon la coutume de cette Cour, ne purent avoir audience que des Miniftres de Philippe. Ils leur expoferent, que le Roi leur maître n'avoit pu apprendre, fans le plus grand étonnement, que le Duc de Milan, qui l'avoit excité à la guerre contre le An. 1443. Comte Sforce, exigeoit qu'on ceffâr FRANÇOIS à fon égard lès hoftilités; qu'Alfonfe FOSCARI, y confentitoit volontiers LXV. Doge de Venife. s'il étoit affuré que la réconciliation du beau- ordre Les Miniftres de Philippe lui rendirent compte de l'expofé des Ambaffadeurs d'Alfonfe. Il les fit venir à fon audience, & leur dit, qu'il étoit fort étonné que leur maître ne voulût pas en croire à fon témoignage au fujer d'un homme dont il avoit fait fon gendre, & qu'il avoit adopté pour fon fils; qu'il étoit für des fentimens du An. 1443. Comte Sforce; qu'il lui avoit rendu fes bonnes graces; qu'il vouloit qu'on FRANÇOIS ceffât de le perfécuter; & qu'il juge- FOSCARI, roit par-là du fond qu'il pouvoit faire de Venife. fur l'amitié d'Alfonfe. : LXV. Doge Philippe fe propofoit moins les vrais politique de intérêts de fon gendre, qu'un jufte ce Prince. équilibré à maintenir entre les États dont la puiffance pouvoit nuire à la fienne il vouloit bien fomenter & entretenir leurs guerres mutuelles ; mais il ne vouloit pas qu'aucun d'eux fît de trop grands progrès au préjudice des autres. Cette politique, qu'il n'eft pas aifé de condamner, occafionna toutes fes variations. Il s'étoit ligué avec Eugene & Alfonfe, contre fon gendre, lorfqu'il craignoit que fon union avec les Florentins & les Vénitiens ne rendît ceux-ci trop puisfans. Il fe ligua avec les Florentins & les Vénitiens, en faveur de fon gendre, dès qu'il vit que les progrès d'Eugene & d'Alfonfe étoient au point de faire pencher la balance tout-à-fait de leur côté. Cette politique fut toujours la regle de la conduite de Philippe, & elle feule peut expliquer fes fréquentes variations. Niv |