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AN.1566

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fevît contre les accusateurs, fi leur accusation étoit fausse. La gouvernante eronnee d'une deputation fi nombreuse, & apprehendant quelque chose de plus, crut toutefois devoir user, de dissimulation. Elle reçut allez bien en appatence leur requête , & leur repondit ; qu'elle examineroit leurs demandes , & que fans doute on les satisferoit, puisqu'ils n'avoient point

d'autre but que la gloire du roi, & le bien de la patrie. Qu'au reste, les plaintes qu'ils faifoient touchant les lettres qu'elle avoit écrites aux provinces, n'étoient pas justes : qu'elle avoit fait en cela ce que son devoir. exigeoit d'elle ; que la charge demandoit , qu'ayant été aliurée de divers endroits, de je ne sçai quels traitez avec les étrangers , elle en donnât avis aux gouverneurs & aux magistrats ,

de peur qu'il n'arrivât quelques troubles

non pas tant de la part des Flamands, qu'elle avoit toû, jours trouvez très-fideles , que de la part des peuples voisins de la Flandre, qu'ils avoient attirez à leur parti. Elle congedia ainfi ces seigneurs, fans leur en dire davantage , & mêm me fans leur parler des délateurs, quoiqu'ils l'eussent demandé avec instance, soit qu'elle feignît de ne s'en pas souvenir, pour n'en pas venir à des éclaircissemens dangereux ;. foit qu'elle fût offenfée de cette demande, par la quelle on sembloit vouloir l'obliger à découvrir les secrets de l'état. Dès qu'ils se furent retirez, elle écrivit au roi tout ce qui venoit

Dans le tems que les nobles se retiroient, le comte de Barlemont, qui leur étoit tout à fait

contraire, dit à la gouvernante, pour rassurer Proceftans' lon esprit, qu'il n'y avoit aucun sujet de crainLes Païs- dre ces sortes de gens ; qu'ils n'étoient que des

gueux, ou par leurs habits, ou en effet, De-là vint qu'on appella Gueux dans les Païs-bas, ceux qu'on nommoit Huguenots & Proteftans

ep

xcix. de fe pafier.

. Origine du

nom de

Gueux donné aux

bas.

Grosins in

C.

édits;

en France. Brederode qui avoit entendu cette

AN.1566 parole de Barlemont', en rit le lendemain dans

Strada Lugo un répas qu'il donna à près de trois cens per- De Trong sonnes ; & comme on y parla de donner un 1.10. nom à leur confederation, il fut le premier à dire qu'il falloit l'appeller la Confederation des Gueux ; ce qui fut approuvé des autres. Le 'lendemain ils retournerent au palais, pour Igavoir la réponse à leur requête. La gouvernante les reçut en apparence avec politeffe, & leur La gore rendit cette requête avec une réponse en mar- rend aux ge, affuroit qu'on feroit dans laquelle elle les

conjurez cefser l'inquisition , & qu'on modereroit les leur requee mais qu'il en falloit auparavant écrire le avec la

réponse eu au roi. Elle avoit demandé la veille dans son

marge. conseil , s'il n'étoit pas à

propos d'obliger les

Stradu da conjurez de declarer leurs noms, parce qu'ils bello Belgica n'avoient figné que par ces paroles : Ne très- lose bumbles @ très-fidéles sujets de fa Majesté rožale, si Mais, on lui fit sentir qu'il étoit dangereux de vouloir trop approfondir dans ces fortes d'affaires. Les conjurez , peu contens de la réponse qui accompagnoit leur requête, demanderent a la gouvernante qu'elle declarât, que tout ce qui avoit été fait par les nobles, n'étoit que pour le service du roi ; mais elle le refusa, en leur disant, que le tems & leur conduite le feroient connoître ; alors ils fe retirerent.

Les médailles que ces confederez portoient à CI. leur col, donnerent occasion à l'établissement Etabliton

ment d'une d'une devotion à la fainte Vierge parmi les

devotion Catholiques de Flandres. Philippe de Croy duc de la sainte d'Arschot, étant allé à Notre-Dame de Hall, à Vierge en trois lieues de Bruxelles, pour y honorer lima Flandres.

Strada $. ge de la sainte Vierge, qui y est en grande ve

Spond les peration, fit faire quelques médailles d'urgent , sne.n.25. où il fit representer la Vierge , tenant son fils en- Gsbutinsie

vita Pür. tre les bras; & comme il étoit fort oppofé à la

1.6.4.2. confederation , dite des Gueux ; 'il porta cette

Hit Ecol. Tom. XXXIV

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CII.

a la gou

médaille à son retour , & la fit porter à tous AN.1566

ceux de la suite comme une marque qui les distinguoit des partisans de la confederation. Dès qu'il eut paru à Bruxelles , on voulut l'imiter, & le nombre de ces porteurs de mé. dailles s'accrut considerablement en peu de tems. La gouvernante ,

charmée de cette devotion: en écrivit au pape Pie V. qui l'approuva, loua la pieté des Catholiques , benit beaucoup de ces médailles , & accorda des indulgences à ceux qui les porteroient , & qui réciteroient certaines prieres.

Cependant Brederode, avant que de quitter Nouvelle Bruxelles, revint trouver la gouvernante, pour Sequece la faire ressouvenir des demandes qu'il lui avoit prelentée

faites. Il étoit accompagné de Louis de Nassau, vernance.

& des comtes de Bergh & de Culembourg; Le Thon, principaux chefs de la faction; & demanda les 1.4). mêmes choses par une nouvelle requête. Il Stradalis. ajoûta qu'il n'étoit pas à propos de differer &

d'attendre d'Espagne la resolution du roi, les peuples étant devenus furieux, & prêts à se soulever; que pour eux ils avoient été obligez par l'amour de la patrie, de lui declarer que les Flamands étoient disposez à une sedition qu'ils feroient bien-tôt éclater : Que si néanmoins elle avoit résolu contre eux un malli pressant d'user de lenteur, & d'attendre le remede d'un pais fi éloigné, il prenoit le ciel à témoin , que la noblete de Flandres ne feroit pas coupable des évenemens malheureux qui menaçoient le pais. Mais la gouvernante , sans s'émouvoir , lui répondit, qu'elle se chargeroit du soin nonseulement de faire venir promptement les ordres d'Espagne, mais encore d'ôter les occasions du tumulto , en avertissant les inquisiteurs & les magistrats des villes d'exercer leurs charges avec plus de moderation. Elle leur demanda seulement une chose, que puisqu'ils croyoient byoir satisfait à leur devoir, ils ne fassent plus

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AN.1566

les con jurez pus

rien de nouveau sur ce sujet ; qu'ils ne sollici-
tassent personne pour entrer dans leur union &
qu'ils ne fillent plus d'assemblées fecretes, qu'au-
trement elle feroit ce qui dépendoit de fa char.
ge & de l'autorité que le roi lui avoit donnée
pour maintenir dans les Païs-bas l'ancienne re-
ligion de ces ancêtres, & l'autorité roïale.
Les confederez , après ces paroles, se retire-

CINL. rent , & sortirent de la ville, à l'exception de quelques-uns qui y referent pour observer bien en toutes choses. Brederode , & les comtes de écrit pour Culembourg & de Bergh partirent avec plus de appuger cent cinquante cavaliers; le premier pour An- leur confes

deration. vers, & les deux autres pour la Gueldre. La

Strada loo gouvernante, inftruite par les espions, que Bre- Impre sites the derode y roulevoit les peuples, quoique le magiftrat lui eût écrit qu'il le contenoit dans les bornes de la moderation ; en écrivit au roi. Cependant les autres conjurez répandirent le bruit dans les provinces, qu'ils avoient obtenu tout ce qu'ils prétendoient ; & pour le faire croire, ils publierent un écrit supposé sous le nom des chevaliers de la Toison d'Or; ou pour rendre la foi de ces chevaliers suspecte , ou pour faire accroire au peuple, que cet ordre les fävorisoit. Dans cet écrit les chevaliers juroient & promettoient aux deputez du corps de la noblelle, que les inquisiteurs de la foi, & les magistrats ne puniroient personne à l'avenir ni de la prison, ni de l'exil, ni de la confiscation des biens pour la religion, à inoins qu'on ne fût coupable d'avoir soulevé les peuples; qu'ils entendoient, qu'il n'y eût point d'autres juges de ce crime que les conféderez, tant que la roi n'en auroit pas autrement ordonné du conlentement des états de tot de grandes

La gouver.

CIV. cet écrit

La

gouver

nanie 6 ric in quiétudes; & pour empêcher qu'il ne sedui- mix goufit les peuples, elle assemble les chevaliers, à verneurs qui elle le presenta. Lecture faite, les comtes dos Provins

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aux

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Ce, tou

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I 316 Histoire Ecclefiaftique. AN.1566 Chevaliers n'avaient rien fait de semblable,

d'Egmond & de Mansfeld l'affurerent que les schant cet ni rien dit de tout ce que l'état contenoit, &

elle en donna aulli-tôt avis aux gouverneurs des provinces, afin qu'ils détrompatient le peuple; elle leur envoya en même tems une copie de la fequête des 'nobles avec fa réponse en marge, & leur marqua, que tout ce qu'on pourroit publier au contraire, étoit une invention des sedi

tieux. Mais pour plus grande fureté, elle deputa 397 en Espague Florent de Montmorency baron de

Montigni, qui arriva à Madrid le dix-septiéme de Juin. Le roi le reçut assez bien, & lui donina des lettres , par lesquelles il promettoit de se rendre incelsamment en Flandres , & d'y mo

derer les edics de l'empereur Charles V. son pere, s'ils étoient trop feveres. Il le promit, & n'en fit rien. Le peuple s'en apperçut

& voyant qu'il n'y avoit rien de favorable à attendre d'Espagne; fçachant d'ailleurs que la cour de Romne, & le pape en particulier pressoient

le roi d'Espagne & la gouvernante d'agir avec toute severite, tint des afjemblées , & alla publiquement aux prêches, pour donner du courage par cette liberté à ceux de son parti, & intimider ses ennemis par le nombre qui s'au.

gmentoit tous les jours. La ville d'Ypres fut la Les here- premiere où on commença à prêcher publique

,
ament
des prêches

à parler mal du pape du concile de publics, ou Trente, des inquisiteurs , & de toute la reliJe peuple" gion. On continua dans le Brabant dans la accourt. Gueldre, & dans la Frise, dans les villes,

Die Thous dans les campagnes; où le peuple accourut de
Strada

tous côtez, d'abord sans armes , ensuite avec

des épées pour se défendre, & enfin Alpiko arquebuses; & vers le commencement du mois

de Juin l'op,fit des prêches en Allemand & en François dans une campagne auprès d'Anvers: ce qui fut cause que le conseil de cette ville écrivit à la gouvernante pour la prier de venir

Bigues font

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40.

avec des

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