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An.1969

lui, n'ont pour auteur que l'ancien ennemidu nom chrétien , dont le propre eft de diviser ceux qui sont unis, & de femer la discorde pour empêcher le bien. C'est ainsi, ajoûte-t'il, qu'il anima les Juifs contre JESU 8-CHR 16T; c'est ainsi qu'il a traité tant de genereux défenfeurs de la religion : mais comme tous ces efforts impies font tournez au désavantage de celui qui les a suggerez; aussi continuë le pape ; en par. lant au gouverneur, vous devez prendre garde que le zele que vous faites paroître pour maintenir la jurisdiction royale , ne tourne à vôtre ruine par une conduite secrete de la providence. Le faint pere répond ensuite à la demande du gouverneur, que la cause des chapoines fut jugée à Milan ; que ce n'est point l'ufage du faint fiege, qui est en droit d'évoquer à soi les causes graves & importantes; & fur la menace que faisoit le gouverneur de ban. nir le cardinal de l'état de Milan, la Sainteté l'avertit de prendre bien garde de ne rien faire par violence contre un fi faint archevêque, puisque dès lors, il encoureroit les censures ecclefiaftiques. Qu'au refte il seroit glorieux à un G faint prélat de souffrir pour la défense de son église; mais que l'auteur de cette peine honorable devoit craindre, que son nom ne fût regardé comme infâme, & qu'il ne pourroit éviter les effets de la justice divine, qui ne soufe fre pas qu'on offense impunement les oints du Seigneur. Le pape finit en disant au gouverneur ; qu'il lui écrit en ces termes autant pour

l'amour qu'il lui porte , que par le devoir de CXITI la charge que Dieu lui a imposée. Ordre da Pendant que cette affaire le poursuivoit à Ro soi d'Espa- me, le roi d'Espagne écrivit au gouverneur de gne pour le rétablis- Milan, qu'il eût à fupprimer l'édit qu'il avoit fement de publié sur le fait de la jurifdiion, qui avoit

jurisdiction la jurifdi- cause tant de defordres, & qu'il procedât avec Aion

vigueur contre les rebelles, qui avoient été

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affez insolens pour faire violence à la person

An.1669 ne du cardinal dans la visite du chapitre de la

Gingrano Scala ; & que bien loin qu'il voulût que cet- vie de faina te collegiale fût exempte de la jurisdiction de Charles de l'archevêque, il prioit le cardinal d'en pren- 6 24. dre soin , de la visiter, pour en corriger les abus, & y établir tout ce qui seroit necessaire au bon ordre. Il le chargea pareillement de faire une exacte recherche des coupables, & 'd'en tirer une punition exemplaire, principalement de ceux qui avoient tiré des coups d'arquebuses contre la croix.

Le pape outre les ordres donnez à son nonce, avoit envoyé en Espagne le pere Vincent Justiniani general de l'ordre de saint Domipique qui fut depuis cardinal, pour engager Philippe à rendre justice à l'archevêque ; & La Sainteté eut sujet d'être satisfaite de la négociation ; puisque conformement à la volonté du roi Catholique , le gouverneur supprima fon édit ; & comme il croyoit avoir encouru des censures ecclefiaftiques, il obtint du pape un bref pour se faire absoudre par son confesseur, afin de pouvoir participer aux faints myiteres à la fête de Noël. Les officiers de l'archevêque furent aulli folemnellement retablis dans l'exercice de leur jurisdiction.

Le prevôt des chanoines de la Scala , 'qui CXIV. avoit eu moins de part que les autres à la vio. Le prévêt lence faite au faint cardinal, fut des premiers

demande

l'absolution à se reconaoître & à demander l'absolution , & que faint Charles lui donna en public; après reconnois

que ce prévôt eût promis de se soumettre à la foient leur jurisdiction archiepiscopale. Les chanoines qui 'a Gingframe avoient le Calabrois pour chef furent plus long- ibidem.

Ginjano i tems liez par les censures, parce qu'ils n'en faifoient aucun cas, & ils celebroient toûjours t'office divin à l'ordinaire dans leur église, quoi. qu'elle fût interdite. Ils affederent même de

aurres

.

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le faire avec plus de solemnité qu'auparavant, pour insulter, ce semble, à l'autorité du saint prélat. Mais quand ils sçurent que Barbesta étoit mort miserablement, & que le pape avoit résolu de les châtier avec rigueur ils demanderént grace. Pie y, en voulut faire une punition, qui servît d'exemple aux autres; mais le cardinal interceda pour eux avec de Gi fortes instances, que le pape lui renvoya toute l'affaire & l'en rendit absolument le maître. Ainsi comme il ne vouloit point la mort du pecheur, mais sa correction & la confervation de ses droits, quand il vit ces deux choses au termes où il désiroit de les voir, il accorda avec joie aux coupables le pardon qu'ils demandoient, & leva l'excommunication, qu'il avoit

lancée contr'eux. Cây. L'archeyê. La ceremonie s'en fit à la porte du dôme i que les ab- les coupables étant entrez après avoir été relefout. Peni- vez des censures, reconnurent à genoux l'arrence qu'il shevêque de Milan pour leur fuperieur. Il leva leur impofe.

ensuite l'interdit de leur église; & bénit de nouGiußano veau lui-même le cimetiere, où l'excès s'étoit vis de faint commis contre la personne , & contre ses ecCharles le 2. clefiaftiques ; il n'imposa aux rebelles d'autre

satisfaction, que celle de venir en corps, pen; dant dix années de suite au jour de la nativité de la fainte Vierge, qui eft la grande fête de l'église métropolitaine, au milieu de la grande melle, se profterner devant l'archevêque officiant, lui demander pardon de nouveau , & reconnoître par une protestation publique, qu'il avoir toute jurisdiction sur eux, & sur leur église ; à quoi ils se soumirent. La fin de cette facheufe affaire fut très-glorieuse pour le faint prélat , & causa beaucoup de joie à toute la ville, qui s'interefioit avec raison dans la défen. se d'un fi bon & fi vigilant pasteur. Elle fervit à faire paroitre la moderation de son esprit, & l'humilité de son cæur ; car on ne l'entendit

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võis des

jamais prononcer aucune parole, qui pût faire connoître le moindre ressentiment contre ceux

AN.1569 qui le déchiroient soit de vive voix dans les compagnies, soit par des libelles répandus dans le public, ou par les lettres qu'on écrivoit au pape & au roi d'Espagne. Dans celle qu'il fut obligé d'écrire pour la défense, content d'exposer le fait, il ne dit jamais rien, qui pût blesser les accusa teurs. Pie V. vouloit qu'on refusât l'absolution à ceux qui avoient assemblé les soldats, & fait vio. lence au cardinal, & il défiroit qu'ils fullent severement châtiez, mais le Saint importuna tant encore la Sainteté, que la caule lui fut remise, & il les condamna seulement à quelques ameddes pecuniaires pour les reparations de l'église,

Mais le demon suscita d'autres ennemis contre CXVI. je saint archevêque; & il auroit succombé sous les preleurs coups, fi Dieu ne l'eût protegé d'une ma- Humiliez niere visible. Il avoit réformé comme on l'a dit, atorniene l'ordre des Humiliez ; & cette réforme fut reçãë la vie du fans peine de la plû part des religieux; mais elle faint cardi

n.l. paroissoit insupportable aux fuperieurs, qu'on nomme prevôts, qui se voyoient réduits à me vie de soins ner une vie reguliere, & qui par-là perdoient Charles 1. 2. la disposition de leurs benefices. Ils employe- 1.23. rent le crédit des princes & des plus grands feigneurs pour tâcher de fléchir le pape fur ce fancl. Carol. sujet; les parens interessez firent beaucoup de Ciacominis bruit; enfin l'on n'oublia rien pour s'opposer aux in vit. pont. desseins pieux du cardinal; mais tout ce qu'on ". 3. p. 893. fit fut inutile; & le Saint apporta une grande attention pour empêcher qu'on ne surprît la religion du pape. Cette fermeté irrita les prevôts, & ils prirent la résolution de se venger, en attendant à la vie même de leur réformateur. Trois d'entr'eux superieurs des maisons de Verceil, de Verone & de Caravage', concerterent ensemble ce malheureux derlein, ne doutant point que par la mort leur réforme, qui étoit toute récente, ne se détruisît d'elle-même pendant la vacance du liege. Ils communiquerent

Gingana

Ripamoyo tins in vita

une entreprise fi détestable à quelques partiAN.1569 culiers, qu'ils engagorent dans leur complot,

& choisirent pour l'executeur un de leurs reli

gieux, Jerôme Donat, fur-nommé Farina. CXVII. Ce scelerat, homme perdu de débauches Un de ces promit la tête de l'archevêque de Milan pour religieux d'arquebu- cette sommo en argent comptant, on l'alla enttre un coup quarante écus d'or. Comme on n'avoit point se sur le lever par une violence facrilege, dans le tréfint. for d'une église voisine, d'où Farina, qui étoit

Giuffano à la tête des voleurs, enleva encore des vases fad. Ni fup. live ox. ibid. crez & des meubles précieux, qu'il vendit à Baillet vie son profit; cette église étoit celle de Briera. des saints Après ce vol, il sortit de son monaftere vêtu am f. de

en laïque, & parcourut quelques villes du voi. Novembre 1.3. in fol Ginage de Milan, où il dépensa en differentes 2°54.

débauches tout ce qu'il avoit retiré de ses larsins. Se voyant dans la pauvreté, il fit un autre vol, par le moïen duquel il acheta deux arquebuses à rouet, pour s'en servir à executer fon perpicieux asalinat. Comme c'étoit dans le tems que le cardinal étoit en conteitation avec les magistrats pour la jurisdiction, il s'imagina qu'on se persuaderoit aisément que le coup qu'il méditoit, ne feroit attribué qu'à quelqu'un du parti de ceux contre qui il disputoit. Son premier dessein étoit de tuer l'archevêque dans l'église de S. Barnabé, pendant qu'il diroit la mese; mais n'y ayant pû réullir, il choisit le palais méme du prélat. Comme il sçavoit que Ś, Charles avoit coûtume de faire la priere tous. des soirs avec ses domestiques dans la chapelle de l'archevêché, il fe mit à la porte, & de quatre pas tira sur le faint qui étoit à genoux de vant l'autel. C'étoit un mercredi vingt-six d'O. dobre 1569. à une demi-heure de nuit , & comme on avoit coûtume de chanter quelque motet en musique dans la chapelle, le coup fut tiré dans le tems qu'on chentoit les paroles de JesusChriit: Que vôtre coeur ne se trouble point.

Le bruit du coup fit cesier la mulique, cha

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