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fia à un moine de Reichenau, son parent, nommé Erlebald, homme pieux et instruit, qui eut bientôt occasion de se féliciter de la docilité, du zèle et de la bonne conduite du jeune enfant. Les progrès qu'il fit dans la piété et dans les sciences le rendirent bientôt digne de recevoir les saints ordres. Peu de temps après l'abbé Hotto désirant se livrer à la vie contemplative, se démit de sa dignité en faveur d'Erlebald, qui jouissait de l'estime générale. Ce fut alors que le nouvel abbé engagea le jeune prêtre d'entrer au couvent et de faire à Dieu le sacrifice de ses vœux, après quoi il l'envoya dans un petit couvent nommé Oberbollingen, appartenant à l'abbaye de Richenau, et situé sur le lac de Constance, afin d'y diriger une école de jeunes garçons. Après avoir exercé ces fonctions pendant long-temps il traversa le lac avec quelques-uns de ses frères, se livra à la pêche, parcourut la solitude en se dirigeant vers les Appenins, et retourna dans sa cellule où il passa sept ans dans le jeûne, dans la prière et dans la recherche de la volonté de Dieu. Pendant cet espace de temps il fut continuellement visité par une foule extraordinaire de peuple, ce qui l'engagea enfin à se retirer plus en avant dans les montagnes, jusqu'à ce qu'il parvînt dans cette plaine étroite, enfermée par des hauteurs prodigieuses, à l'endroit où se trouve aujourd'hui l'Hermitage (Einsideln).

C'est là que, secondé par quelques religieux et par l'abbesse Hildegarde de Frauenmunster, il bâtit une cabane et une chapelle. Il redoubla dès-lors d'austérités, et vécut vingt-six ans dans la pénitence, jusqu'à ce que, en 863, il fût tué dans sa demeure par deux assassins. Son corps fut transporté et enterré à Rechenau. En 1039 ses restes furent de nouveau transférés à l'Hermitage. C'est vers la même époque que le Pape Benoît IX l'a mis au nombre des Saints.

Voyez Hermanus Contractus, Tritheim, Baronius, Canisius, Lect. ant.

22 Janvier.

S. VINCENT, MARTYR.

Tiré de Prudence, hymn. 5, et des sermons 274, 275, 276, 277 de saint Augustin, qui furent tous prêchés le jour de la fête du Saint. On ne peut douter de la vérité des actes de saint Vincent, publiés par Bollandus; mais pour ceux que l'on trouve dans Métaphraste et dans Surius, ils sont supposés. Voyez Tillemont, t. V, p. 215.

L'AN 304.

SAINT VINCENT, l'un des plus illustres martyrs de JésusChrist, naquit à Saragosse, en Espagne (a). Valère, évêque de cette ville, après l'avoir fait élever dans la connaissance des saintes lettres, et dans les maximes de la plus sublime piété, l'ordonna diacre, et le chargea, sans avoir égard à sa grande jeunesse, du soin de distribuer aux fidèles le pain de la parole divine. L'Espagne avait alors pour gouverneur Dacien, l'un des plus cruels persécuteurs qu'ait jamais eu l'Église.

L'an 303 de Jésus-Christ, les Empereurs Dioclétien et Maximien publièrent un second, puis un troisième édit, lesquels ne regardaient proprement que les ecclésiastiques, mais qui, l'année suivante, furent exécutés contre tous les fidèles indistinctement. Il parait que ce fut avant ces édits que le gouverneur fit arrêter Valère et Vincent: on les tourmenta d'abord à Saragosse; on les transféra ensuite à Valence, où ils furent renfermés dans une horrible prison. Ils y restèrent long-temps exposés à tout ce que les chaînes et la faim ont de plus rigoureux. Le proconsul, qui se flattait que cette torture lente aurait ébranlé leur constance,

(a) D'autres le font naître à Valence ou à Osca, présentement Huesca dans la Grenade.

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se les fit amener. Il fut très-surpris de leur voir un corps vigoureux, et de trouver toujours en eux une intrépidité supérieure à toutes les épreuves. Après avoir réprimandé les gardes, sous prétexte qu'ils n'avaient pas traité les prisonniers conformément à ses ordres, il se tourna vers les deux confesseurs, qu'il essaya de gagner à force de promesses et de menaces. Comme Valère, qui avait de la difficulté à parler, ne répondait point, Vincent lui dit : « Je parlerai, mon père, si vous me l'ordonnez. Mon fils, reprit Valère, je vous ai déjà confié le soin d'annoncer la parole de Dieu; ainsi je vous charge présentement de répondre pour faire l'apologie de la foi que nous défen» dons ici. » Le saint diacre ayant donc pris la parole, déclara qu'ils étaient tous deux chrétiens; qu'ils n'adoraient qu'un seul et vrai Dieu avec Jésus-Christ, notre Seigneur son Fils unique, qui n'est qu'un Dieu avec le Père et le SaintEsprit, et qu'ils étaient prêts à tout souffrir pour son nom. Valère fut condamné à l'exil (b). Quant à Vincent, il passa par tous les genres de tortures que put imaginer la cruauté la plus raffinée. Ces tortures furent telles, selon saint Augustin, que, sans une force surnaturelle, la nature humaine n'aurait pas été capable de les supporter. Le même Père ajoute que le Saint conserva toujours une paix profonde et une tranquillité inaltérable, qui éclataient sur son visage, dans ses discours et dans tous ses mouvemens; paix et tranquillité qui étonnèrent les persécuteurs, et qui annonçaient visiblement quelque chose de divin. D'un autre côté, Dacien manifestait sa rage et les déchiremens de son ame, par les agitations violentes de son corps, par des yeux étincelans, par une voix entrecoupée.

(b) Le martyrologe romain en fait mémoire le 28 Janvier. La ville de Saragosse conserve précieusement ses reliques, dont la vertu a opéré plusieurs miracles, même dans le dernier siècle. Voyez Bollandus, sous le 28 Janvier, p. 838.

Le gouverneur fit lier d'abord le martyr sur le chevalet, et commanda aux bourreaux de lui tirer les pieds et les mains avec des cordes; ce qu'ils exécutèrent avec tant de violence, que ses os en furent disloqués. A cette torture, on ajouta encore celle des ongles de fer. Pendant ce tempslà, Vincent raillait les bourreaux, et leur reprochait de manquer de force et de cœur : il eut quelques momens de relâche, tandis qu'on les battit par l'ordre de Dacien, qui les soupçonnait de l'épargner; mais ceux-ci revinrent bientôt, dans la résolution de satisfaire pleinement la barbarie de leur maitre, qui les excitait par tous les moyens imaginables. Deux fois ils interrompirent les tortures, afin de se reposer et de rendre plus vives les douleurs du martyr, en laissant refroidir ses plaies; ensuite, animés d'une nouvelle fureur, ils le reprirent, déchirèrent toutes les parties de son corps avec tant d'inhumanité, qu'en plusieurs endroits on lui voyait les os et les entrailles : mais la grâce agissait dans son ame à proportion de ce que souffrait son corps. Les consolations intérieures dont il jouissait se manifestaient par la joie peinte sur son visage; le juge, voyant le sang couler de toutes parts, et l'état affreux ou l'on avait réduit le saint martyr, sans qu'il eût été possible de l'ébranler, ne pouvait revenir de sa surprise. Il s'avoua vaincu, et sa rage parut un peu ralentie. Il fit cesser les tourmens, dans l'espérance que les voies de douceur réussiraient peutêtre à la fin. «Ayez pitié de vous-même, dit-il à Vincent ; » sacrifiez aux dieux, ou au moins livrez-moi les écritures » des chrétiens, conformément aux derniers édits qui or» donnent de les brûler.» Toute la réponse du Saint fut qu'il craignait beaucoup moins les tourmens qu'une fausse compassion.

Dacien, plus furieux que jamais, le condamna à la question du feu, la plus cruelle de toutes. Vincent, insatiable de souffrances, monta sans effroi sur l'instrument préparé

pour cette question; c'était un lit de fer, dont les barres, faites en forme de scie, et garnies de pointes très-aiguës, étaient posées sur un brasier ardent. On étendit et on lia le Saint sur cette horrible machine. Toutes les parties de son corps qui n'étaient pas tournées du côté du feu, furent déchirées à coups de fouet, et brûlées avec des lames toutes rouges. On jetait du sel sur ses plaies, et les pointes de ce sel aidées par l'activité du feu, entraient fort avant dans sa chair. On tourmenta successivement de la sorte les différentes parties de son corps, et cela à diverses reprises. Sa graisse qui fondait de tous côtés, servait d'aliment aux flammes, et en augmentait la violence. Ce supplice, dont la seule pensée saisit d'horreur, semblait ranimer sans cesse le courage du serviteur de Jésus-Christ; car plus il souffrait, plus il paraissait gai et content. Cependant le juge, couvert de confusion et outré de rage, n'était plus maître de lui-même; il demandait continuellement aux ministres de sa cruauté, ce que faisait, ce que disait Vincent. Il est toujours le même, répondaient-ils; il persiste toujours dans sa première résolution: on dirait que les tourmens ne font qu'accroître et affermir sa constance. Effectivement, le martyr invincible ne perdait rien de sa tranquillité; il se contentait de lever les yeux au ciel, et de s'entretenir intérieurement avec Dieu par une prière continuelle,

Le gouverneur au désespoir le renvoya en prison, avec ordre de le coucher sur des morceaux de pots cassés, et de lui mettre les pieds dans des ceps de bois qui lui tinssent les jambes fort écartées, et de ne laisser entrer personne, soit pour le voir, soit pour lui parler, ce qui fut ponctuellement exécuté. Mais Dieu n'abandonna pas son scrviteur; des anges, descendus du ciel, vinrent le consoler, et chanter avec lui les louanges de son protecteur. Le geolier ayant regardé par les fentes de la porte, vit le cachot éclairé d'une vive lumière, et le Saint qui se pro

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