maximes, qui aiment ce qu'il aime, & qui jugent comme lui de toutes choses, ceux-la font bien éloignez de trouver dans la parole de Dieu cette lumiere de vie qu'ils n'y veulent point rencontrer.*L'home animal ne conçoit point les choses qui font de l'Esprit de Dien. Elles lui paroiffent une folie, & il ne peut les comprendre;parce que c'est par une lumiere spirituelle qu'on en doit juger. Or cette forte d'obscurité que les ténébres de notre cœur répandent sur la parole de Dieu à nôtre égard,a ses degrez differens, selon les differens degrez de ténébres que nous portons en nous-mêmes.Car quoi qu'on n'aporte pas à cette lecture un cœur tout couvert de ténébres; comme une terre d'Egypte, je veux dire un cœur mort & corrompu par le peché & par l'amour du peché, on y peut aporter un cœur qui ne soit pas affez purifié de l'esprit du monde; qui en conserve encore quel que amour qui soit plein de petites cupiditez auxquelles il obéit, sans s'apliquer à les vaincre; qui n'ait pas une intention assez pure & dans tout le corps de ses actions & dans la recherche qu'il fait de la verité dans les Ecritures. Dieu la cache souvent à ces fortes de personnes, & ees défauts, ou d'autres semblables, leur font un voile qui leur derobe une partie de la lumiete de ces Livres divins. Enfin il y a,pour certains esprits, des ténébres dans la parole de Dieu, & fur tout dans S.Paul, qui viennent de l'abus de la lumiere même de cette parole. Car il arrive à des Chrétiens, à qui le Livre des Ecritures avoit été ouvert, (& Là même v. 14. plût à Dieu que ce malheur fût plus rare) il leur arrive, dis-je, à l'égard de l'Evangile & des Epitres de S. Paul, ce que S.Paul nous aprend être arrivé aux Savans d'entre les Païens à l'égard des ouvrages du Createur & de la beauté du Ciel & de la terre, qui sont comme l'Evangile naturel de Dieu, & une écriture formée de sa main pour rendre visibles aux hommes ses grandeurs invisibles, & leur faire connoître sa toute-puissance & fa divinité. Ces Chrêtiens aiant connu J. C. Homme-Dieu dans l'Evangile & dans les écrits des Apôtres, *Ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, & comme Sauveur, & ne lui ont point rendu graces;mais ils se sont égarez dans leurs vains raisonnemens, & leur cœur insensé a été rempli de ténébres. Ils sont devenus ignorans & aveugles dans les Ecritures & par les Ecritures mêmes, en s'atribuant le nom de Sages & de Savans. Ils n'y ont plus vu ce qu'ils y voioient autrefois : ils n'y ont plus trouvé que les visions de leur cœur: & pour avoir ainsi retenu la verité de Dieu dans l'injustice, & l'avoir fait servir à leurs passions, à leur repos, à leur fortune, ils ont été privez de la verité, livrez à l'erreur, & abandonnez à l'illusion de leur propre esprit. Puisque c'est l'orgueil qui produit ces dernieres ténébres, il faut, pour s'en défendre & pour les prévenir, lire la parole de Dieu avec une profonde humilité, & ne s'en aprocher qu'en esprit d'adoration & de priere, comme un pauvre qui y vient chercher le pain de fon ame, dont il s'est rendu indigne. Il faut se fou * Rops.1.12. venir, que ce Livre est aussi inaccessible à l'orgueil des Sages du fiécle, qu'il est au-dessus de la portée des enfans, comme parle S. Augustin ; * qu'il eft fimple en aparence, mais en effet infiniment relevé; plein demysteres, mais de mysteres voilez, & qui ne se découvrent qu'aux humbles & aux petits, à mefure qu'ils avancent. C'est encore par l'humilité & la priere que l'on conserve ce que l'on a aquis de connoissance à la faveur de ces deux vertus. Mais comme il y a un veritable orgueil à la raporter à nous-mêmes & à s'en vouloir faire honneur devant les hommes;ily a aussi une faufse humilité à la laisser inutile, quand ou nôtre état, ou des engagemens qui viennent de la Providence, ou la necessité de la charité nous apellent à la communiquer au prochain.* Car vous nous menacez, Seigneur, de nous priver de la verité, si nous prétendons de ne l'avoir que pour nous. Et quiconque veut referver pour lui seul ce que vous offrez à tout le monde, & faire fon propre de ce qui apartient aux autres comme à lui, est exclus de ce bien commun, qui n'est autre que la verité, & reduit à ce qu'il peut trouver dans Son propre fonds, c'est-à-dire à l'erreur & au menfonge. L'obscurité que nos défauts ordinaires nous peuvent faire trouver dans S. Paul & dans le reste de l'Ecriture, nous oblige de travailler à meriter la lumiere de Dieu par la pureté des mœurs. C'est la vie Chrêtienne & evangelique qui est la clef de l'Evangile de J. C. C'est par la pieté que l'on entre dans l'intelligence des Confeff. Liv. 3. c. 5. †S, Aug. Conf. lib. 12. 6. 15. 4 T Ecritures: & la science de J. C. &'de ses maximes, qui en font la substance & le fonds, est plus l'affaire du cœur que de l'esprit. Enfin l'obscurité qui vient du langage & du stile se peut vaincre par une lecture frequente & affidue. Quelque inconnue que foit une langue,on l'aprend à la fin en frequentant ceux qui la parlent,& en vivant avec eux familierement. Ainsi en se rendant S. Paul familier, on aprendra la langue de S. Paul. Ses manieres de parler ne nous feront plus inconnues. Nous les aurons toûjours presentes à nôtre esprit, & gravées dans nôtre memoire: & aidez par les instructions de l'Eglise, qui éclaircit en differentes rencontres ce que S. Pierre avoit remarqué de difficile dans ces Epîtres, nous pourrons trouver dans S.Paul en suivant ces principes, un fidele interpréte de ses paroles & de fes penfées: C'est sans doute le meilleur moien de prendre bien le sens de ce grand Docteur, & d'aprendre cette fublime Theologie qu'il enseigne aux parfaits, non par des discours d'une science humaine, mais par ceux qu'il avoit apris dans l'Ecole du S. Esprit. En effet, pour peu qu'on s'aplique à la lecture des Epîtres de S. Paul, quels trésors! quelles richesses! quelles merveilles n'y découvre-t-on point! On se fent pénétré jusques au fond du cœur de la grandeur & de la majesté de Dieu, dont il parle d'une maniere si digne & fi magnifique. La charité excessive de J. C. pour les pecheurs, s'y trouve comme peinte avec les traits & le pinceau de la charité même; & tous ses états & ses mysteres differens, les trésors de sa sagesse & de sa science, la vertu de sa croix & la vertu de sa grace y font expliquées d'une maniere fi noble & fi élevée, si vive & fi pénétrante, que l'esprit d'un homme mortel est trop borné pour recevoir tant de lumieres, & qu'un cœur ne suffit pas pour porter tous les sentimens qu'elles y excitent & les impressions qu'elles y font. Mais quelle estime & quel respect n'inspirentelles point pour la Religion Chrétienne? Quel amour pour l'Eglife; quel zele pour la verité; quel mepris pour les choses de la terre; quelle paffion pour les biens du Ciel; quel attachement pour J. C. crucifié; quel empressement de se reunir à lui; quelle haine du peché; quelle vénération pour la vertu; quelle idée de la grace du Baptême; quelle foi pour le sacrifice & pour les Sacremens de l'Eglife;qu'elle reconnoissance pour la mifericorde de Dieu; quelle confiance aux merites & à la grace de J. C. quelle defiance de nous-mêmes & de nos cœu vres; quel goût pour la parole Dieu; quelle joie dans la participation des souffrances du Sauveur? En un mot, quelle estime & quel amour pour tout ce qui est de la foi & de l'ef prit du Chriftianisme, & pour toutes les choses de Dieu? Il ne faut donc pas s'étonner si les Epîtres de ce grand Apôtre ont toûjours fait l'ocupation & les delices des plus grands Docteurs. Saint Chrisostome ne pouvoit ni les quiter, ni s'en rafsafier. * S. Augustin commença par S. Paul * Conf. liv. 7.6. 21. |