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que ce qu'il prêche, il le prêche aux parfaits & qu'il leur annonce ce qu'il y a de plus grand & de plus élevé dans le fecret de la Sageffe Divine. C'eft dans ce fens que faint Jean Chrifoftome faifant allufion à ce que Jesus-Chrift avoit prédit à fes Apôtres:*Que celui qui croiroit en lui, feroit les œuvres qu'il faifoit, & en feroit encore de plus grandes; n'a pas craint de dire que le Fils de Dieu avoit en quelque maniere découvert de plus grandes chofes par la bouche de S. Paul, qu'il n'en avoit enfeigné par lui-même.

Mais autant que S. Paul eft fublime dans la doctrine des Myfteres & dans les hautes veritez de la Religion, autant eft-il fimple dans les inftructions de pieté & dans les maximes de la Morale Evangelique. Tout y eft grand, tout y eft faint, tout y eft vif & énergique ; & neanmoins tout y eft clair, tout y eft intelligible, tout y eft à la portée des efprits les plus mediocres. S'il s'élevé fouvent jufques au Ciel comme un aigle, pour nous decouvrir les mysteres les plus cachez, & pour nous expliquer les plus hautes & les plus fublimes veritez de la Religion l'on voit bientôt aprés cet aigle fe rabaiffer vers la terre, comme pour y chercher fes petits & les remettre fous fes aîles ; c'est-àdire, pour donner aux plus foibles toutes les inftructions neceffaires avec les expreffions les plus familieres & les plus communes.

Le Livre des Actes des Apôtres qu'on peut dire être encore plus proportionné à la portée

Jean. 14. 12.

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de l'efprit de tous les fidelles, n'est pas moins utile, ni moins inftructif que les autres Livres de l'Ecriture fainte. L'histoire de l'Eglife naiffante, les effets merveilleux du S. Efprit, la conftance des Apôtres, & la fainteté des premiers Chrêtiens font des objets fenfibles qui frapent l'efprit, qui touchent le cœur, & qui portent les hommes à la pratique des vertus chrêtiennes. Car qui ne fera faifi de crainte en lifant le châtimeut terrible d'Ananie & de Saphire? Qui ne fera animé d'un efprit de force en entendant parler du zele & de la confiance des Apôtres, qui fe rejouiffent d'avoir été trouvez dignes de fouffrir des oprobres pour JefusChrift? Qui ne concevra du mépris pour les biens du monde, en confiderant la generofité avec laquelle les premiers Chrêtiens vendoient tous leurs biens pour les mettre en commun? Qui n'aura de l'amour de la priere,en aprenant l'affiduité & la ferveur avec laquelle les Apôttes & les Difciples perfeveroient dans une oraifon continuelle? Qui ne fera rempli d'un efprit de charité, en voiant l'union parfaite qui étoit entr'eux? Enfin qui pourra confiderer le portrait fimple & naturel que S. Luc nous fait des mœurs & des vertus de ces premiers Chrêtiens fans fentir une paffion violente de les imiter ? C'est ce qui a fait dire à S. Jerôme que toutes les paroles de S. Luc dans les Actes, font autant de remedes d'une ame languiffante & malade.

En effet, une ame qui fe nourrit de la verité avec la fainte liberté de la charité, s'édifie de *Act.s. Ibid. † A8, 2, 48, 1. V. 14. A&.

le

tout,& ne fait aucune lecture dans les Livres facrez qui ne lui foit utile & profitable. Quand ce Sanctuaire lui eft ouvert,& qu'elle entre dans le fens naturel de la parole qu'elle lit, c'est pour elle une confolation ineffable, un fujet continuel d'actions-de-graces, & une fource inépuifable de lumieres pour fe conduire dans la voie de Dieu. Si cette Sageffe fouveraine juge à propos de laiffer fraper cette ame à la porte fans la lui ouvrir, c'eft pour elle une occafion de rentrer en elle-même, & de s'humilier de fon indignité, de redoubler fes prieres,de travailler à purifier fon cœur, en confiderant & en adorant la; pureté de la fainteté de Dieu dans fa parole Enfin s'il lui arrive de prendre quelquefois cette parole divine dans le fens qui ne lui est pas plus propre, felon l'intention de l'Ecrivain facré, elle a toujours cette confolation de n'être pas tout-à-fait éloignée du vrai fens,fi celui qu'elle y trouve n'a rien de contraire à la verité, & eft propre à édifier & à nourrir la charité. Car on peut croire, felon S.Auguftin, * que les Auteurs facrez ont tous eu dans l'efprit rous les fens veritables que leurs paroles font capables de recevoir; & que Dieu a conduit leur plume de telle forte que ces paroles exprimaffent toutes les differentes veritez que chacun y voit. Et quoiqu'il foit certain qu'il faut préferer à tous les autres celui que le S. Efprit à eu principalement en vue; il n'eft pas certain toutefois que le fens le plus litteral foit toujours le principal dans l'intention de cet Elprit adorable;comme S.Paul * Confess, liv, 1 2.6. 35.

même nous le fait entendre,lors qu'apliquant à l'obligation qu'a l'Eglife de nourrir fesMinistres, ces paroles de la Loi:* Vous ne tiendrez point la bouche liée au bouf qui foule les grains; il ajoûte: Dieu fe met-il en peine de ce qui regarde les bœufs? Et n'est ce pas plûtôt pour nous-mêmes qu'il a fait cette ordonnance? Oui fans doute, c'est pour nous que cela a été écrit.

Cette remarque doit fervir particulierement dans la lecture de l'Apocalypfe & des Mysteres qui ont été revelez à S. Jean.Comme ce Livre est le plus obfcur de tous ceux du Nouv. Teft. il n'eft pas affurement propre pour tout le monde, & il pourroit y avoir de la temerité à des perfonnes fimples,dont la lumiere & la vertu feroient fort mediocres, de s'engager dans cette lecture qui ne forviroit peut-être qu'à les embarraffer. Et quant aux perfonnes humbles & éclairées qui y chercheront à adorer Dieu & J. C. dans ces nuées obfcures dans lefquelles il lui a plu de fe cacher,quoiqu'il y foit auffi prefent que dans les Livres les plus intelligibles de fes Ecritures;leur foi & leur pieté les conduira dans ces facrées tenebres, & leur y fera peut-être trouver plus de lumiere & de confolation,que d'autres n'en trouvent dans les Livres les moins figurez & les moins énigmatiques.

Saint Paul a auffi en plufieurs endroits, fes obfcuritez & fes tenebres;mais elles ne viennent pas de la même caufe.Il n'a communement ni le ftile figuré des Prophetes, ni la maniere de fentences des Livres de Salomon, ni

ler

par

* 1. Cor. 9. 5.

par

l'obscurité des Paraboles de l'Evangile, ni les peintures énigmatiques de l'Apocalipfe.

1.Son obfcurité vient en partie de la fublimité des myfteres & des veritez qu'il traite,en partie de l'extréme difproportion des paroles dont il eft obligé de fefervir pour les expliquer. Il parle de chofes toutes céleftes & toutes divines; & il n'a que des paroles humaines à emploier. Il prêche une fageffe qui n'eft point de ce monde, & il n'a pour l'exprimer,que des mots determinez par l'ufage de ce monde au commerce ordinaire des hommes terreftres.

2.Son ftile eft un ftile tout de feu qui éblouit par l'abondance de fa lumiere, & qu'on fuit avec peine à caufe de fa rapidité & fon élevation. C'eft un homme qui parle fur la terre, mais qui eft plus du Ciel que de la terre: un homme dont la langue,s'il eft permis de le dire aprés S. Chryfoftome, étoit un Cherubin fur la terre, fur qui J. C. fe repofoit, comme Dieu,felon l'Ecriture,eft affis fur les Cherubins du Ciel; & qui s'élevoit comme un Seraphin jufques à ce qu'il y a de plus élevé & de plus fublime dans la fcience de Dieu.

3. Mais il y a une forte d'obfcurité dans S.Paul, auffi bien que dans toute l'Ecriture fainte, dont la fource n'eft que dans nous-mêmes, & qui ne vient que des ténébres de nôtre cœur: * Car nul ne conoît ce qui eft de Dieu que l'Esprit de Dieu;& c'eft cet Efprit qui nous a été donné pour connoître les dons que Dieu nous a faits, non pas l'efprit du monde. Ceux donc qui font poffedez de ce dérnier, qui fuivent fa lumiere,qui vivent felon fes

* 1. Cor. 2. ¡1 12.

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