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SUITE

DES SERMONS.

PREMIER SERMON

POUR

LE JOUR DE LA PENTECOTE.

Combien depuis le péché nous sommes naturellement portés au mal, et combien la vertu nous est difficile. Impuissance de la loi pour nous soulager dans nos infirmités; comment n'est-elle propre qu'à augmenter le crime et qu'à nous donner la mort. De quelle manière elle nous fait sentir notre impuissance et le besoin que nous avons de la grace. Chaste délectation, esprit vivifiant, caractère distinctif de la nouvelle alliance. Pourquoi la crainte ne peut-elle changer les curs. Amour que nous devons à Dieu; excès de notre ingratitude.

Littera occidit; Spiritus autem vivificat.

La lettre tue; mais l'Esprit vivifie. II. Cor. m, 6. A la vérité, le sang du Sauveur nous avait réconciliés à notre grand Dieu par une alliance perpétuelle; mais il ne suffisait pas pour notre salut que cette alliance eût été conclue, si ensuite elle n'eût été publiée. C'est pourquoi Dieu a choisi ce jour, où les Israélites étaient assemblés par une solennelle convocation, pour y faire publier hautement le traité de la nouvelle alliance qu'il lui plaît contracter avec nous; et c'est ce que nous montrent ces langues de feu qui tombent d'en haut sur les saints apôtres : car d'autant que la nouvelle alliance, selon les oracles des prophéties, devait être solennellement publiée par le ministère de la prédication; le Saint-Esprit descend en forme de langues, pour nous faire entendre par cette figure: qu'il donne de nouvelles langues aux saints apôtres; et qu'autant qu'il remplit de personnes, il établit autant de hérauts qui publieront les articles de l'alliance et les commandements de la loi nouvelle partout où il lui plaira de les envoyer.

C'est donc aujourd'hui, chrétiens, que la loi nouvelle a été publiée: aujourd'hui la prédication du saint Évangile a commencé d'éclairer le monde: aujourd'hui l'Eglise chrétienne a pris sa naissance: aujourd'hui la loi mosaïque, donnée autrefois

BOSSUET. T. III.

avec tant de pompe, est abolie par une loi plus auguste; les sacrifices des animaux étant rejetés, le Saint-Esprit envoyé du ciel se fait lui-même des hosties raisonnables et des sacrifices vivants des cœurs des disciples.

Il est très-certain, bienheureuse Marie, que vous fûtes la principale de ces victimes; impétrez-nous l'abondance du Saint-Esprit qui vous a aujourd'hui embrasée. Sainte mère de JésusChrist, vous étiez déjà tout accoutumée à le sentir présent en votre âme; puisque déjà sa vertu vous avait couverte lorsque l'ange vous salua de la part de Dieu, vous disant : Ave, Maria.

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Entrons d'abord en notre matière; elle est si haute et si importante, qu'elle ne me permet pas de perdre le temps à vous faire des avant-propos superflus. Je vous ai déjà dit, chrétiens, que la fête que nous célébrons en ce jour, c'est la publication de la loi nouvelle et de là vient que la prédication, par laquelle cette loi se doit publier, est commencée aujourd'hui dans Jérusalem, selon cette prédiction d'Isaïe : « La loi sortira de Sion, ‹et la parole de Dieu de Jérusalem'. » Mais bien qu'elle dût être commencée dans Jérusalem, elle ne devait pas y être arrêtée : de là elle devait se se répandre dans toutes les nations et dans tous les peuples, jusqu'aux extrémités de la terre. Comme donc la loi nouvelle de notre Sauveur n'était pas faite pour un seul peuple, certainement il n'était pas convenable qu'elle fût publiée en un seul langage. C'est pourquoi le texte sacré nous enseigne que les apôtres prêchant aujourd'hui, bien que leur auditoire fût ramassé d'une infinité de nations diverses, chacun y entendait son propre idiome et la langue de son pays. Par où le Saint-Esprit nous enseigne que si, à la tour de Babel, l'orgueil avait autrefois divisé les langues', l'humble doctrine de l'Evangile les allait aujourd'hui rassembler; qu'il n'y en aurait point de si rude ni de si barbare, dans laquelle la vérité de

1 Is. II, 3. 2 Genes. XI, 9.

I

Dieu ne fût enseignée; que l'Église de Jésus-Christ, lettre qui tue; et la lettre taillée dans la pierre : les parlerait toutes; et que si, dans le Vieux Tes- ne sont-ce pas les deux tables données à Moïse, tament, il n'y avait que la seule langue hébraïque où la loi était écrite du doigt de Dieu? C'est donc qui fût l'interprète des secrets de Dieu, mainte- cette loi donnée à Moïse, cette loi si sainte du nant, par la grâce de l'Évangile, toutes les langues Décalogue, que l'apôtre appelle ministère de mort, seraient consacrées, selon cet oracle de Daniel : et par conséquent la lettre qui tue. C'est pourquoi, « Toutes les langues serviront au Seigneur 1. » dans l'épître aux Romains, il l'appelle expresséPar où vous voyez, chrétiens, la merveilleuse ment a une loi de mort » et une loi de damnaconduite de Dieu, qui ordonne, par un très-sage tion: il dit que «< la force du péché est dans la loi2; conseil, que la loi qui devait être commune à « que le péché est mort sans la loi, et que la loi toutes les nations de la terre, soit publiée dès le « lui donne la vie; que le péché nous trompe par premier jour en toutes les langues. « le commandement de la loi 3, » et quantité d'autres choses de même force.

Imitons les saints apôtres, mes frères, et publions la loi de notre Sauveur avec une ferveur céleste et divine. Je vous dénonce donc, au nom de Jésus, que, par la descente du Saint-Esprit, vous n'êtes plus sous la loi mosaïque, et que Dieu vous a appelés à la loi de grâce: et afin que vous entendiez quelle est la loi dont on vous délivre, et quelle est la loi que l'on vous impose, je vous produis l'apôtre saint Paul, qui vous enseignera cette différence. « La lettre tue, dit-il, et l'Esprit « vivifie. » La lettre, c'est la loi ancienne; et l'Esprit, comme vous le verrez, c'est la loi de grâce : et ainsi, en suivant l'apôtre saint Paul', faisons voir, avec l'assistance divine, que la loi nous tue par la lettre, et que la grâce nous vivifie par l'Esprit.

"

PREMIER POINT.

Que dirons-nous ici, chrétiens? Quoi ! ces paroles si vénérables : « Israël, je suis le Seigneur a ton Dieu; tu n'auras point d'autres dieux devant « moi 4 : » sont-elles donc une lettre qui tue? et une loi si sainte méritait-elle un pareil éloge de la bouche d'un apôtre de Jésus-Christ? Tâchons de démêler ces obscurités, avec l'assistance de cet Esprit saint qui a rempli aujourd'hui les cœurs des apôtres. Cette question est haute, elle est difficile; mais comme elle est importante à la piété, Dieu nous fera la grâce d'en venir à bout. Pour moi, de crainte de m'égarer, je suivrai pas à pas le plus éminent de tous les docteurs, le plus profond interprète du grand apôtre, je veux dire, l'incomparable saint Augustin, qui explique divinement cette vérité dans le premier livre à Simplicien, et dans le livre de l'Esprit et de la lettre. Rendez-vous attentifs, chrétiens, à une instruction que j'ose appeler la base de la piété chrétienne.

Quand l'apôtre parle ainsi de la loi, quand il l'appelle une lettre qui tue et qui donne au péché de nouvelles forces, croyez qu'il ne songe pas à blâmer la loi; mais il déplore la faiblesse de la nature. Si donc vous voulez entendre l'apôtre; apprenez premièrement à connaître les langueurs mortelles qui nous accablent depuis la chute du premier père, dans lequel, comme dans la tige du genre humain, toute la race des hommes a été gâtée par une corruption générale.

Et, pour pénétrer le fond de notre passage, il faut examiner avant toutes choses quelle est cette lettre qui tue, dont parle l'apôtre. Et premièrement il est assuré qu'il parle très-évidemment de la loi mais d'autant qu'on pourrait entendre ce texte de la loi cérémonielle, comme de la circoncision, et des sacrifices dont l'observation tue les âmes, ou même de quelques façons de parler figurées qui sont dans la loi, et qui ont un sens très-pernicieux, quand on les veut prendre trop à la lettre; à raison de quoi on peut dire que la loi, en quelques-unes de ses parties, est une lettre qui tue pour ne vous point laisser en suspens je dis que l'apôtre parle du Décalogue, qui est la partie de la loi la plus sainte. Oui, ces dix commandements si augustes qui défendent le mal si ouvertement; c'est ce que l'apôtre appelle la lettre qui tue, et je le prouve clairement par ce texte : car après avoir dit que la lettre tue; immédiate-qui éclaire les créatures intelligentes, il est sans ment après parlant de la loi, il l'appelle « un mi«nistère de mort taillé en lettres dans la pierre : ministratio mortis, litteris deforma ta in lapidibus 3. Le ministère de mort, c'est sans doute la

1 Dan. VII, 14.

2 II. Cor. UI, 6.

3 Ibid. 7.

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Et, pour mieux comprendre nos infirmités, considérons, avant toutes choses, quelle était la fin à laquelle notre nature était destinée. Certes, puisqu'il avait plu à notre grand Dieu de laisser tomber sur nos âmes une étincelle de ce feu divin

doute que nos actions devaient être conduites par la raison. Or il n'y avait rien de plus raisonnable que de consacrer tout ce que nous sommes à celui

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