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qualitez d'un honnête-homme, le fit avec joie, An.1566. & d'une maniere fi généreufe, qu'il difpofa le roi à ufer d'indulgence en faveur du condamné, & à lui accorder fa grace. Ainfi toutes les accufations formées contre lui, les pourfuites de fes ennemis, fon arrêt de mort fi folemnellement prononcé n'eurent aucun effet. Un curé du pays en vertu de l'édit, voulut entreprendre quelques autres perfonnes accufées de même; mais ce fut fans fuccès, parce qu'auffi tôt qu'ils eurent déclaré, qu'ils n'étoient ni Ariens, ni Anabaptiftes & qu'ils s'en tenoient à l'écriture fainte, au fymbole des apôtres & à la foi des premiers fiécles, on les renvoya, & on les mit hors de procès.

XXVI.

Gregoire Pauli ce fameux Socinien, dont on Gregoire a déja parlé, craignant qu'à la faveur de cet édit, Pauli prend Mifcovius ne l'entreprit fur fes erreurs, prit la la fuite a- fuite avec quelques autres miniftres, qui pen

vec

d'au

tres. foient comme lui. Ce Pauli étoit du Palatinat
Florim de de Briefcie, & étudia fi bien les opinions de Lu-
Remond. ther, qu'en 1555. on le fit miniftre de la plus
naiffance confiderable églife des prétendus réformez en
de l'herefie
Spond. in Pologne. Elle étoit dans la maison que le fei-
annal. ad gneur Bonarus avoit dans un des fauxbourgs de
ann. 1561 Cracovie; & il y remplit tellement l'attente où

l'on étoit de fa doctrine & de fon zéle, qu'on
le jugea digne de la charge de fur-intendant des
églifes de la petite Pologne. Les auteurs Ca-
tholiques l'ont dépeint comme une homme am-
bitieux, méchant, impie, opiniâtre & odieux
aux plus moderez de fon parti. Ce fut lui qui
répandit en Pologne les erreurs de Servet, & qui
invectiva fortement contre la Trinité; de forte
que fe fentant coupable, il agit prudemment
de fe retirer. Il y en eut d'autres qui gagnerent
les bois; plufieurs fe retirerent chez Albinus ou
chez Philoppovius. Ils témoignerent en appa-
rence avoir du refpect pour l'édit de la diéte,

ap

appréhendant, que s'ils parloient ouvertement contre, on ne les traitât comme on avoit trai- An.1566. té Servet, & qu'on les punît du dernier fupplice.

niftes à Lu

Dans le même tems, les Evangeliftes & les xxv1I. Calvinistes autorifez par la diéte de Lublin, y Synodes tinrent un fynode, où ils s'y trouverent en des Calvigrand nombre, & fi puiffans, que leur parti y blin domina, & qu'ils contraignirent les Anti-Trini- Refc. de taires à fortir de la ville précipitamment, fans convent. avoir ofé y affifter. Les chofes auroient été hæreticor. pouffées plus loin, fi Nicolas Senieski internonce à la diéte, n'eût prié le roi de maintenir la liberté des diétes: & de ne point permettre qu'on vexât fes fujets: & ce prince fut fi complaifant, que non-feulement il défendit de faire aucune violence aux Anti-Trinitaires, qu'on nommoit auffi Pinczowiens; mais qu'il voulut encore les honorer de fa protection. Ils eurent néanmoins la prudence de ne fe plus trouver aux diétes, ou du moins de n'y venir que rarement, & en tit nombre, pour ne pas faire ombrage aux prétendus réformez, ou pour ne fe pas attirer de nouvelles infultes. Mais cette prudence ne leur réüffit pas, les prétendus réformez fe trouverent par-là les plus forts, & comme les maîtres dans ces affemblées: ils porterent leurs plaintes auffi loin qu'ils purent contre ces nouveaux Ariens, & firent tant d'inftances auprès des feigneurs qui leur avoient donné retraite, que plusieurs furent renvoyez & chaffez.

pe

XXVIII.

Hiftoire de

Lelie So

On place dans cette année 1566. l'époque de l'opinion favorite des Pinczowiens, & qui dans Sandius bila fuite fut éclaircie par Faufte Socin, qui de- bliot. Antivint le chef de la fecte qu'on appelle des Soci- trinitar. p. niens, par la nouvelle forme qu'il lui a don- 18, seq. née, & les fyftêmes qu'il lui a fait fuivre. Il in præfat. étoit neveu par fon pere du fameux Lelie So- libri de tricin, d'une des plus anciennes & des plus recom- bus Eloi n Tome XXXIV.

Q

man

Zanchius

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An.1566.

mandables familles de la ville de Sienne en Tof-
cane. Ce Lelie y étoit né en 1525. On l'appli-
qua d'abord à l'étude du droit, mais n'y ayant
rien trouvé qui pût le fatisfaire, il fe tourna du
côté de l'écriture fainte; il apprit les langues
Grecque, Hébraique & Arabe; & à la faveur de
fon bel efprit, & de fon grand travail, il y fit
en peu de tems un affez grand progrès: Il s'ap-
pliqua enfuite à la théologie, il voulut appro-
fondir les myfteres de la religion les plus impé-
nétrables, qui faifoient alors le fujet ordinaire
des entretiens des fçavans, & des ignorans; & le
profit que Lelie en tira, fut de. n'en plus parler
qu'en doutant, & d'en difputer fans ceffe, com-
me il faifoit dans ces conferences de Vicenze
dont nous avons parlé en 1546. L'inquifition
ayant voulu l'entreprendre, il quitta l'Italie
l'année fuivante, parcourut la Suiffe, la Fran-
ce, l'Angleterre, la Hollande, l'Allemagne,
& la Pologne, où il fe trouva en 1551. Il vint
à Geneve, il y pervertit Lififmanni qui avoit
été cordelier. Il fortit de cette ville pour éviter
les pourfuites de Calvin, qui commençoit à fai-
re la
guerre aux nouveaux Ariens; il se rendit
à Zurich, où il fe fit une grande réputation. Sur
une lettre que Calvin lui écrivit en 1552. il fut
plus refervé à debiter fes maximes antitrinitai-
res, jufqu'en 1558. qu'il lui prit envie d'aller en
Pologne.

Ce royaume n'étoit pas feulement exposé à la licence de ces citoyens, dont une bonne partie avoit embraffé la prétendue réforme; mais encore à celle des étrangers. Ceux qui cherchoient une retraite, où ils puffent vivre fans loi & fans religion, s'y retiroient comme dans un azile ouvert à tous les libertins, fous la protection que les grands leur accordoient. Ce ne fut donc pas fans deffein que Lelie Socin choifit ce pays pour fon lieu de retraite, n'ofant pas

re

retourner en Italie pour recueillir la fucceffion de fon pere mort en 1556. parce que fon nom & fa perfonne y étoient odieux & notez au tribunal de l'inquifition. Il en hazarda toutefois le voyage, muni de bonnes lettres de recommandation. Il paffa par la Moravie accompagné d'Alciat & de Gentilis; de là il gagna l'Ita lie; où il paroît qu'il ne trouva pas de grands biens, ni une abondante fucceffion. Mais le faint Office voulant le faire arrêter, il prit la route de la Suiffe, & fe fixa à Zurich, où il mourut le feize Mars 1562. âgé feulement d'environ trente-fept ans. Tel étoit l'oncle du célébre Faufte Socin, dont nous allons parler. Lelie compofa beaucoup d'ouvrages pour la défenfe de fes erreurs, & dont on peut voir le catalogue dans la bibliotheque des Anti-Trinitaires de Sandius.

An.1566.

cin neveu

Hernebok

Faufte né le cinquiéme Décembre 1539. étoit XXIX. fils d'Alexandre Socin frere de Lelie, & d'Agnès H ftoire de Petrucci, fille de Burgefio Petrucci & de Vl- Faufte Soctoria Picolomini, & par-là allié à tout ce qu'il de Lelie. y avoit de plus noble & de plus diftingué dans Sandius in fa patrie. Quoique Faufte eût de l'efprit & de bibl. Antila mémoire, on dit néanmoins qu'il ne fit pas trinit.pag. un grand progrès dans les humanitez, & dans 64. les belles lettres, & qu'après avoir entendu par- fumma con ler de fon oncle Lelie, & des lettres qu'il en- troverfiavoyoit à fa famille, il en fut fi touché, qu'il rum de Soréfolut de négliger tout pour s'appliquer uni- cinianifm. quement aux matieres de la religion. Il n'avoit que treize ans alors; & dès l'âge de vingt, il crut avoir fait tant de progrès dans cette fcience, qu'il voulut en 1558.s'ériger en maître & faire de nouveaux fyftémes de religion. Son zéle qui n'étoit pas reglé l'emporta fi loin que non content de dogmatifer devant fes parens & fes amis, il voulut encore le faire dans les afTemblées où fon rang & fon efprit lui donnoient

Q 2

quel

quelques accès. L'inquifition en fut bien-tôt An.1566. avertie, & conformément aux loix de fon tribunal, elle l'entreprit & toute fa famille qui étoit fort foupçonnée d'heterodoxie; elle en arrêta quelques-uns, & les autres fe fauverent où ils purent. Faufte fut du nombre de ces derniers. Agé d'environ vingt-trois ans, il vint en France, & en 1562. il arriva à Lyon, ou Rezozzius lui apprit que fon oncle Lelie étoit mort à Zurich, & qu'il l'avoit laiffé légataire de tous fes biens. Cette nouvelle le chagrina beaucoup, P'oncle aimoit le neveu, le neveu ne manquoit pas de retour pour fon oncle, puifqu'il n'avoit entrepris ce voyage que pour le mettre fous fa conduite & profiter de fes lumieres.

On dit qu'il y avoit un fi grande commerce de lettres entre eux, que l'oncle fe faifoit un devoir de tendreffe d'écrire à fon neveu les erreurs dont il étoit rempli; mais d'une maniere un peu embaraffée; non qu'il fe méfiât de lui, mais pour exciter fon efprit à chercher le dénouement de ces obscuritez & à y former des doutes; ce que Faufte Socin faifoit d'une maniere digne des attentes de Lelie; & ce qui porta celui-ci à dire fouvent à fes amis, qu'il avoit un neveu d'une grande efperance, & qui feroit un des premiers hommes de fon fiécle. La douleur que Faufte conçut de la mort de fon onele, ne l'empêcha pás de fe difpofer à faire le voyage de Zurich, pour s'emparer de tous les effets de la fucceffion, & fur-tout des écrits. Avec ce malheureux tréfor, il revint en Italie, où fon nom, fa nobleffe, & fon efprit lui donnerent bien-tôt entrée à la cour de François de Medicis, fils de Côme & grand duc de Florence. Il plut à ce prince, qui le chargea auprès de fa perfonne d'emplois digne de fa naiffance, & de fes talens. Pendant qu'il goûtoit les douceurs d'une cour affez voluptueufe, il ne

pen

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