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de la chute (Hébr., II, 14), et en même temps Il institua des sacrifices comme types ou figures de ce grand sacrifice que le Messie devait consommer au Calvaire pour les péchés du monde entier (1). (Hébr., Ix, 26; x, 11, 12.) Depuis le temps de ce proto-évangile du Messie, annoncé déjà dans le paradis, et de l'institution des sacrifices, qui indiquaient ses souffrances et sa mort, la foi salutaire au Seigneur Jésus a existé sans interruption dans le genre humain. C'est par cette foi qu'Adam « donna à sa femme le nom d'Ève, qui signifie la vie » (Gen., III, 20), quoiqu'il eût entendu cette sentence du juge : « Vous êtes poudre et vous retournerez en poudre. » (Ibid., 19.) C'est par cette foi qu'Ève « enfanta Caïn en disant: Je possède un homme par la grâce de Dieu.» (Gen., IV, 1.) C'est sans doute aussi par cette même foi que la Sagesse hypostatique de Dieu, comme l'atteste le sage et le professe la sainte Église, « conserva celui que Dieu avait formé seul d'abord pour être le père du monde et le retira de son péché (2). » (Sag., x, 1.) « Car il n'y a point de salut par aucun autre; car nul autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés » (Act., Iv, 12), que le nom de Jésus-Christ. • C'est par «< cette » foi qu'Abel offrit à Dieu une hostie plus excellente que celle de Caïn et qu'il est déclaré juste.» (Hébr., x1, 4.) « C'est par « cette foi qu'Énoch a été enlevé du monde, afin qu'il ne mourût pas, en sorte qu'on ne l'y a plus vu, parce que Dieu l'avait transporté ailleurs; car l'Écriture lui rend témoignage qu'avant d'avoir été ainsi enlevé il plaisait à Dieu.» (Ibid., 5.) C'est aussi certainement dans cette foi au Messie à venir que vécurent Énos, Mathusala, Lamech, Noé et tous les autres patriarches et justes, desquels il est dit qu'« ils

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(1) Sur la religion patriarcale; Intr. à la Théol. orth., A. M., p. 146, 148, 150.

(2) L'Église croyait autrefois au salut d'Adam, comme l'indiquent les tèmoignages d'Irénée (contra Marcion., lib. n), d'Origène (in Matth. homil. XXXI) et d'autres. Le premier dit en parlant des eucratites, hérétiques du onzième siècle : « Ils rejettent aussi, quoique depuis peu, le salut du premier homme. Un nommé Tatien fut le premier à introduire cette doctrine impie..., et il tira de son propre cerveau les preuves par lesquelles il combattait la doctrine du salut d'Adam. » (Voy. Euseb., Hist. eccles. lib. iv, p. 242-243.)

invoquèrent le nom du Seigneur » (Gen., Iv, 26), qu'« ils marchèrent avec Dieu » (Ibid., vi, 9), et qu'lls trouvèrent « grâce devant le Seigneur » (Ibid., 8); car «< il est impossible de plaire à Dieu sans la foi au Rédempteur. » (Hébr., x1, 6.)

II. Les moyens employés alors par le Très-Haut pour conserver et répandre parmi les hommes, soit en général la vraie foi et la piété, soit en particulier le proto-évangile du Messie et l'intelligence exacte du sens des sacrifices, c'étaient principalement les révélations; dans ce but Il apparaissait quelquefois Lui-même et conversait avec les hommes (Gen., IV, 6-15; vi, 13-22; vпII, 15; 1x, 9-12), et quelquefois Il accordait aux hommes le don de prophétie, par exemple à Énoch (Jude, 14), à Noé (Gen., Ix, 26, 27); les miracles, comme l'enlèvement d'Enoch, qui servit « à faire entrer les nations dans la pénitence» (Sir., XLIV, 15); la confusion des langues (Gen., XI, 1-10), le déluge universel (Ibid., vu); enfin, cette longévité accordée aux patriarches : ils vivaient d'ordinaire au delà de sept, huit, neuf siècles, en sorte que, quoiqu'il se soit écoulé entre Adam et le déluge plus de deux mille ans, le protoévangile entendu par Adam au paradis put fort bien être transmis au monde postdiluvien dans toute sa pureté et toute sa fraîcheur primitives. En effet, Noé, qui vivait déjà six siècles avant le déluge, put s'entretenir avec Énoch, fils de Seth, et le père de Noé, Lamech, avec Seth lui-même. Ainsi chacun dans ce temps-là pouvait puiser les principes de la vraie foi et les traditions sur le Messie aux sources les plus sûres, et par là, cette foi au Messie, obtenir le salut.

Mais lorsque, malgré tous ces moyens que Dieu avait mis en œuvre, malgré le déluge universel, par lequel Il avait châtié les hommes pour leur impiété, malgré les promesses qu'Il avait renouvelées pour tout le genre humain, dans la personne de Noé, les hommes se furent éloignés insensiblement de leur Créateur et que l'idolatrie couvrit presque toute la terre, alors, pour conserver la vraie foi en Lui et au Messie promis, Dieu choisit d'entre tous les hommes le seul Abraham; Il éleva en lui le Père des croyants, forma avec lui et toute sa postérité une alliance particulière (Gen., xvii, 7-9), et là com

mença une nouvelle période de la préparation du genre humain
pour recevoir le Rédempteur.

Dans cette seconde période, Dieu en usa différemment avec
son peuple élu, les Juifs, et avec les gentils avec les premiers,
c'était principalement d'une manière surnaturelle; avec les
derniers, principalement d'une manière naturelle.

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I. Pour préparer les Juifs, trois moyens principaux fu-
rent employés.:

1o Les promesses et les prédictions sur le Messie. L'Être infini
dans sa sagesse les communiquait à son peuple avec une sage
gradation, selon les circonstances du temps, afin que la lumière
des informations sur le Sauveur à venir fût plus accessible aux
yeux de la foi. Ainsi, au commencement, le Messie est annoncé
comme la race ou le descendant d'Abraham, d'Isaac et de Ja-
cob, « en qui toutes les nations de la terre seront bénies » (Gen.,
XII, 3; XVIII, 18; xxII, 16-18; XXVI, 4; XXVIII, 14), comme
le Réconciliateur et « l'Attente des nations» (Gen., XLIX, 10);
ensuite Il est représenté comme un grand prophète, semblable
à Moïse (Deut., XVIII, 15, 18), comme Oint et Roi (Ps. 11), Roi
éternel et prêtre selon l'ordre de Melchisedech (crx). Ailleurs
c'est l'Emmanuel, qui doit être enfanté par une vierge (Is.,
VII, 14), le Dieu fort (Ibid., Ix, 6), l'Agneau chargé des iniquités
du monde (Ibid., LIII), le fondateur d'une nouvelle alliance:
(Éz., xxxiv, 23-31; Dan., IX, 24-27.) En même temps que ces
premiers traits du Messie promis furent successivemen trévélés:
l'époque de sa venue (Gen., XLIX, 9, 10; Dan., Ix, 24-27;
Agg., 11, 6-10; Mal., III, 1); la tribu de laquelle Il sortirait
(II Rois, vII, 16; Is., x1, 1-3; Jér., xx111, 5, 6); le lieu où Il
devait naître (Mich., v, 2), et jusqu'aux moindres détails de sa
naissance (Ps. LXXI, 10, 11; Is., XI, 1-3), de sa vie (Is., IX, 1, 2;
xxvi, 19; xxxv, 3-6; Zach., 1x, 9), de sa mort (Ps. Lxxxiv, 11,
12; XL, 10; XCIII, 21; LXVIII, 22; Zach., x1, 12, 13; xi, 10;
Is., LIII, 7), et de sa résurrection (Ps. Lxx, 20; Os., vi, 3)(1);

(1) Toutes ces prédictions sur le Messie du temps des patriarches et sous
la loi, nous les avons examinées précédemment dans notre Introduction à
la Théologie orth., § 61, 77-89.

en sorte que, lorsque le Messie vint sur la terre, les Juifs attentifs ne purent s'empêcher de le reconnaître à ces différents traits.

2o Des types. Ici l'infinie bonté, condescendant à la faiblessé de l'homme, revêtit ses sublimes promesses et ses prédictions sur le Messie d'images sensibles, pour les imprimer d'autant plus fortement dans la mémoire du peuple et les lui mettre toujours comme sous les yeux. Au nombre de ces types se rapportaient :

a. Certains événements et certaines circonstances de la vie de tel ou tel personnage, par exemple : le sacrifice d'Isaac, marquant la mort sur la croix et la résurrection du Messie (Jean, vIII, 5, 6); le sacerdoce de Melchisédech, figurant le sacerdoce éternel du Christ (Hébr., v, 6, 7); la puissance et la grandeur des règnes de David et de Salomon, représentant la puissance et la gloire du règne de Christ (II Rois, VII, 13, 14; Jér., xxxIII, 14-18); le prophète Jonas, demeuré trois jours et trois nuits dans le ventre d'une baleine, désignant le Messie devant rester trois jours dans le sein de la terre. (Matth., XII, 40.)

b. Des événements et des circonstances de la vie de tout le peuple juif, particulièrement au temps de Moïse (I Cor., x, 11; Rom., x, 4), comme la sortie d'Égypte ; l'agneau pascal, image du Messie sous plusieurs rapports (Ex., XII, 46; comp. Jean, xix, 36; I Cor., v, 7); le passage de la mer Rouge, la manne, l'eau qui jaillit du rocher: le serpent d'airain, qui figurait le Messie mis en croix et sauvant de la mort éternelle ceux qui croient en Lui. (Jean III, 14.)

c. Toute la loi cérémonielle que Dieu donna par Moïse, et qui, figurant, par ses nombreux sacrifices, ses purifications, ses aspersions, ses fêtes et son sacerdoce, les faits du Nouveau Testament, n'avait, comme le témoigne l'Apôtre, « que l'ombre des biens à venir et non l'image même des choses.» (Hébr., x, 1; comp. Col., II, 17.) Au nombre des institutions les plus instructives de cette loi se rapportaient la circoncision de tous les enfants måles, représentant la circoncision intérieure et la justification par la foi au Messie à venir, qui devait être engendré sans le concours d'un homme (Rom., 11, 28; Iv, 11), et

l'entrée du souverain pontife dans le Saint des saints, une seule fois par an, pour asperger de sang le propitiatoire : cérémonie figurant la seule victime propitiatoire pour les péchés du monde, que le Messie devait offrir; et en même temps son ascension dans le ciel. (Hébr. ix, 11, 12,, 24.)

3o La loi non seulement cérémonielle, mais même morale et civile. L'Apôtre nomme la loi, en général, « le conducteur » qui nous mène à Jésus-Christ. » (Gal., III, 24.) En effet, la loi cérémonielle menait à Christ, comme nous l'avons déjà remarqué, en ce qu'elle figurait les faits du Nouveau Testament, et, par ses sacrifices, indiquait aux Juifs le sacrifice du Christ. (Hébr., x, 1.) La loi morale menait à Christ en ce que, par ses dispositions sublimes et détaillées, que les Juifs ne pouvaient pas remplir, en conséquence du péche originel, elle leur découvrait leur état de péché : « Car la loi ne donne que la connaissance du péché » (Rom., III, 20), les amenait à reconnaître leur impuissance morale et réveillait en eux un ardent désir du Rédempteur, ce que professa avec tant d'énergie le saint apôtre Paul, Juif issu de Juif, devenu chrétien :

Nous savons que la loi est spirituelle; mais, pour moi, je suis charnel, étant vendu pour être assujetti au péché.... Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais. Si je fais ce que je ne veux pas, je consens à la loi et je reconnais qu'elle est bonne. Ainsi ce n'est plus moi qui fais cela, mais c'est le péché qui habite en moi.... Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort? Ce sera la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. (Rom., vII, 14-17, 24, 25)(1). Enfin la loi civile menait à Christ en ce que, menaçant de mort pour l'infraction de presque chaque commandement de cette

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(1) Et le bienheureux Augustin fait cette remarque: « Omnes itaque ho« mines sub lege constitutos reos facit lex, et ad hoc illis super caput est, << ut ostendat peccata, non tollat... Conantes homines implere viribus suis « quod a lege præceptum est, ipsa sua temeraria et præcipiti præsumptione « ceciderunt...; et quoniam suis viribus implere non poterant legem, facti « rei sub lege, imploraverunt Liberatoris auxilium; et reatus legis fecit ægritudinem superbis. Egritudo superborum facta est confessio humilium. « Jam confitentur ægroti quia ægrotant; veniet Medicus, et sanet ægrotos. » (In Joann. Tract. 11, n. 2, p. 1397, in Patrolog. curs. compl., t. XXXV.)

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