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restreint, le Fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ (1). C'est aussi sur cette base que, dans le développement de la doctrine de Dieu Sauveur, nous parlerons: 1o de Dieu comme notre Sauveur en général, en tant que les trois personnes de la sainte Trinité ont contribué à notre salut; et 2o de NotreSeigneur Jésus-Christ en particulier comme chef même et consommateur de notre foi et de notre salut. (Hébr., п, 11; XII, 2.)

(1) Par exemple : « Le Père a envoyé son Fils pour être le Sauveur du monde. » (I Jean, IV, 14.) « Que Dieu le Père et Jésus-Christ notre Sauveur vous donnent la grâce et la paix. » (Tim., 1, 4; comp. II, 13; ш, 6.) De mème : « Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, grand Dieu et Sauveur, notre espérance... » (Rit., f. 128, Mosc., 1817.) « Seigneur Dieu, créateur et dominateur de toutes choses... qui ne dédaignes pas l'homme..., mais le cherches, le sauves et le ramènes à Toi par l'incarnation salutaire de ton Fils unique, Seigneur et Dieu Jésus-Christ notre Sauveur... » (Bréviaire, f. 147, Moscou, 1836.)

CHAPITRE I.

DE DIEU COMME NOTRE SAUVEUR EN GÉNÉRAL.

§ 124. Nécessité absolue du secours divin pour la régénération de l'homme, avec la possibilité de cette régénération du côté de l'homme.

I. L'homme produisit trois grands maux en ne persistant pas dans l'alliance primitive avec Dieu : 1° il outraga infiniment par le péché son Créateur, infiniment bon, infiniment grand et infiniment juste, et par là même il attira sur lui la malédiction éternelle (Gen., III, 17-19; comp. XXVIII, 26); 2o il infecta par le péché tout son être, créé bon, obscurcit sa raison, pervertit sa volonté, défigura en lui l'image de Dieu; 3o il entraîna par le péché des suites funestes pour luimême dans sa propre nature et dans la nature extérieure (1). Il fallait donc, pour sauver l'homme de tous ces maux, pour l'unir de nouveau avec Dieu et le rétablir dans la béatitude: 1° satisfaire pour le pécheur à la justice infinie de Dieu, outragé par son péché, -non que Dieu respire la vengeance, mais parce qu'aucun de ses attributs ne peut être dépouillé de l'action qui lui est propre; sans l'accomplissement de cette condition, l'homme serait resté pour toujours, devant la justice divine, «< enfant de colère» (Éph., II, 3), « enfant de malédiction (Gal., III, 10), et la réconciliation, le rétablissement de l'union avec Dieu n'aurait pas même pu commencer; 2o détruire le péché dans tout l'être de l'homme, éclairer sa raison, réformer sa volonté, rétablir en lui l'image de Dieu, parce que, même après la satisfaction à la justice divine, si l'être de l'homme était resté pécheur et impur, sa raison obscurcie et

(1) Voir § 90: Conséquences de la chute de nos premiers parents.

l'image de Dieu dénaturée, l'union entre Dieu et l'homme n'aurait pas pu exister, pas plus qu'entre la lumière et les ténèbres (II Cor., vi, 14); 3° détruire les suites funestes produites par le péché de l'homme dans sa nature et dans la nature extérieure, parce que, même si l'union de Dieu avec l'homme avait commencé à se rétablir et qu'elle eût été rétablie en effet, ce dernier n'aurait pas pu revenir au bonheur, aussi longtemps qu'il aurait senti en lui-même ou éprouvé du dehors ces funestes suites.

Or qui pouvait remplir toutes ces conditions? Nul autre que Dieu seul.

Pour remplir la première de ces conditions, c'est-à-dire en satisfaction à la justice divine pour le péché de l'homme, il fallait une victime propitiatoire aussi infiniment grande que l'outrage fait par l'homme à Dieu, que la Justice éternelle. Mais une telle victime, aucun homme ne pouvait l'offrir; car tous les hommes sans exception étaient entièrement infectés de la contagion du péché, et par conséquent aussi sous le coup de la malédiction divine. Ainsi tout ce qu'aurait offert chacun d'eux pour soi-même ou pour les autres, toutes les œuvres qu'il aurait pu faire, toutes les privations et toutes les souffrances qu'il aurait supportées, rien de tout cela n'aurait pu être agréable à Dieu, n'aurait pu l'apaiser: « Le frère ne rachète point son frère; l'homme étranger le rachètera-t-il? Il ne pourra pas pour soimême rien donner à Dieu qui L'apaise, ni un prix qui soit capable de racheter son âme (1). » (Ps. XLVIII, 7-8.) Une victime de cette infinie grandeur ne pouvait pas non plus être offerte à Dieu, en faveur de l'homme, par aucun des esprits supérieurs

(1) « L'homme ne peut pas offrir de victime expiatoire même pour ses propres péchés. Comment le pourrait-il pour ceux d'un autre? Et que pourrait-il trouver ici-bas d'assez précieux pour être offert en échange de l'âme déjà précieuse par sa nature même, puisqu'elle est créée à l'image du Créateur.....? Un frère ne peut pas racheter son frère, ni chaque homme se racheter lui-même ; car celui qui en rachète un autre doit être de beaucoup supérieur à celui qui est sous dépendance et déjà esclave. Mais généralement l'homme n'a pas assez de pouvoir devant Dieu pour l'apaiser envers le pécheur, parce que lui-même il est sujet au péché. » (Saint Basile le Grand, Hom. sur le Ps. XLVIII; Œuvr. des saints Pères, v, 358, 359, etc.)

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de la création, même s'il l'eût voulu d'un côté, parce que le sacrifice d'un esprit créé et même de tous les esprits créés ensemble, n'importe en quoi il consiste, ne saurait avoir un prix infini; et, d'un autre côté aussi, parce que tout ce que les esprits créés font de bien, ils ne le font pas par eux-mêmes, mais avec le secours de la grâce divine (1), et que par conséquent tous leurs sacrifices en faveur de l'homme ne leur appartiendraient pas exclusivement et seraient sans aucun mérite aux yeux de la justice divine. Une pareille victime propitiatoire pour les péchés de l'homme, entièrement suffisante comme satisfaction à la justice divine, qui est infinie, Dieu seul, l'Etre infiniment sage et tout-puissant, pouvait la trouver et l'offrir (2).

Pour remplir la seconde condition, savoir, - pour détruire le péché dans tout l'être de l'homme, pour éclairer sa raison, réformer sa volonté, rétablir en lui l'image de Dieu, il ne fallait rien moins que recréer l'homme; car le péché n'existe pas en nous comme quelque chose d'extérieur; au contraire, il a pénétré tout notre être, infecté de son venin toutes nos forces, dénaturé toutes nos facultés; il corrompt chacun de nous dans sa semence même et dans sa racine; car nous sommes tous conçus et nous naissons tous dans le péché. Mais recréer l'homme, c'est là sans doute ce que ne pouvait jamais faire ni l'homme lui-même, faible, impuissant, privé de la grâce divine, ni aucun des Anges, dont le pouvoir est limité. Recréer l'homme et le purifier des péchés, c'est Celui-là seul qui l'a créé au commencement et qui disait de Lui-même : « C'est Moi, c'est

(1) Prof. Catech,, etc., p. 1, rép. 20; saint Bas., Saint-Esprit, chap. 16; Œuvr. des saints Pères, vII, 289, 290; saint Grég. le Th., Serm. sur la Pentecóle, ibid., VI, 16; Cyr. de Jér., Catéch., xvii, n. 2, p. 373; saint J. Damasc., Exp. de la foi orth., liv. 11, chap. 3, p. 56.

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(2) « Il fallait, de deux choses l'une, » dit saint Procle de Constantinople, - ou que tous, en vertu de la sentence, fussent condamnés à la mort, parce que tous ont péché, ou offrir en compensation un prix pour lequel toute condamnation fùt supprimée. Mais l'homme ne pouvait pas se sauver luimême, parce qu'il était lui-même soumis à la peine pour le péché. Même l'Ange ne pouvait pas sauver le genre humain, étant d'un prix insuffisant pour un semblable rachat (ἠπόρει γὰρ τοιούτου λύτρου). Il restait donc un seul remède au mal, savoir que Dieu, qui est sans péché, mourut pour les pécheurs.» (In laud. S, Virg., orat. 1.)

Moi-même qui efface vos iniquités» (Is., XLIII, 25; comp. Ps. cI, 3), c'est Dieu seul qui pouvait le faire (1).

Enfin, pour détruire les suites mêmes produites par le péché de l'homme dans sa nature et dans la nature extérieure, pour détruire les maux, les souffrances, la mort, pour détruire ce désordre, cette vanité à laquelle les créatures ont été assujetties, « non volontairement, mais à cause de celui qui les y a assujetties» (Rom., VIII, 20), il fallait recréer, régénérer non-seulement l'homme, mais aussi toute la nature comme on le voit par le caractère mème de toutes les suites mentionnées. A plus forte raison cette dernière condition ne pouvait-elle être remplie ni par l'homme, ni par un Ange, mais par Dieu seul (2).

II. Cependant, bien qu'il ne soit en état ni de se relever par ses propres forces, ni de remplir toutes les conditions qui lui sont imposées dans ce but, l'homme déchu a conservé en lui-même la possibilité d'être régénéré par la force divine. Par le péché il défigura en lui l'image de Dieu, qui constitue en nous le fondement pour la religion; mais il ne l'effaça point, il ne l'anéantit point, et par conséquent il ne perdit point la faculté d'être réuni de nouveau avec Dieu. Il obscurcit sa raison, mais non jusqu'à la rendre inapte à connaître et à recevoir une vérité déjà prête et communiquée d'en haut. Il pervertit sa volonté, il la fléchit vers le mal, mais non jusqu'à la rendre tout à fait vicieuse, dépourvue du désir et de l'a

(1) « Quelle créature pouvait être rétablie dans l'union avec le Créateur par la créature mème? ou quel secours pouvait être porté aux semblables par leurs semblables, qui ont besoin du même secours? Et par conséquent comment le Verbe, s'll n'était qu'une créature, pouvait-Il abolir la sentence divine et remettre le péché, quand cela n'appartient qu'à Dieu, suivant ce mot du Prophète : O Dieu, qui est semblable à Vous, qui effacez l'iniquité et qui oubliez les péchés....?» (Mich., VII, 18.) « Comment donc une créature aurait-elle pu nous libérer du péché? » (Saint Athan., contr. Ar., or. 2, n. 67.) Voir plus bas, p. 20, note 2, et le texte correspondant.

(2)« Aucune partie de la création ne pouvait servir au salut de la création, ayant elle-même besoin de salut. » (Saint Athan., contr. Ar., or. 11, n. 69.) « Après que les hommes avaient dégradé leur nature par le péché et s'étaient ainsi privés de la gråce, qu'y avait-il à faire ou que fallait-il pour les relever, sinon Dieu le Verbe, qui, au commencement, créa tout du néant? » (De Incarn. Verbi Dei, n. 7.)

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