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La révolution de 1830 a fait disparaître, en quelque sorte, cette société dont les résultats féconds s'étendront sans doute au-delà de sa trop courte durée.

Dans toutes les villes de France où se trouvent placées les prisons, il existe aujourd'hui des commissions de surveillance, des aumôniers ecclésiastiques (1) et des associations charitables dites communément confréries de la Miséricorde, qui s'efforcent de consoler les prisonniers, de leur procurer du travail, de bons livres, et de les ramemer au repentir, à la morale et à la religion.

L'état des autres prisons des autres états de l'Europe a été long-temps déplorable, et n'a pas encore atteint les améliorations où l'on est parvenu en France.

Howard, dans les voyages qu'il entreprit, de 1780 à 1787, pour visiter les établissemens de charité et les prisons des divers royaumes de l'Europe, fait connaître qu'en Angleterre les maisons de correction (Bridwels) offraient le plus révoltant mélange des sexes, des âges, des délits, et que les prisonniers de guerre étaient l'objet des plus mauvais traitemens; mais on s'occupait dès lors des moyens

(1) Nous nous faisons un devoir de citer ici les noms des vertueux abbés de Billy et Gély qui, pendant long-temps, à Nantes, ont été les touchans protecteurs des détenus; de MM. de Lasalle et Fiévet qui, à Nancy et à Lille, s'étaient dévoués à cette œuvre de charité avec un zèle admirable. Nous devons aussi mentionner les soins si éclairés que M. Marquet de Vasselot, directeur de la maison centrale de Loos, près de Lille (Nord), ne cesse d'apporter à l'amélioration morale des condamnés confiés à sa surveillance. Nous l'avons vu leur adresser, chaque semaine, une instruction dans laquelle il s'attachait à les ramener à la religion, par les principes de la morale, et en les éclairant sur leurs véritables intérêts; et rien n'égalait l'empressement avec lequel étaient suivies et écoutées ces sortes de prédica

tions simples et paternelles qui, dans peu de temps, avaient suffi pour ramener au milieu d'une population nombreuse, turbulente et vicieuse, l'ordre et la plus parfaite tranquillité. Nous désirons que rien n'ait interrompu les heureux travaux de cet homme de bien, littérateur distingué et auteur , entre autres ouvrages, de la Ville de Refuge, où il a exposé ses vues pour la régénération des hommes dégradés par le vice et le malheur.

de remédier aux abus par des réformes graduelles (1). Howard avait trouvé l'usage des chaînes et de la torture

(1) Voici ce que dit M. le baron d'Haussez, au sujet des prisons d'Angleterre « Les Anglais, qui sont assez enclins à mettre de l'ostentation partout, surtout dans leur humanité, n'ont pas manqué d'en apporter beaucoup dans la tenue de leurs prisons. Ils y ont joint l'esprit systématique qui leur est propre, et ils font des essais, aux dépens des malheureux qui forment la nombreuse population de leurs maisons de détention. »

<< Dans toutes les prisons, les détenus sont assujettis à un travail presque continuel. C'est la monotonie la plus accablante et la plus propre à faire perdre l'usage de la pensée. Les hommes sont employés à la mise en mouvement de mécaniques qu'ils ne voient pas et dont ils ne peuvent suivre et raisonner les effets. C'est avec les pieds qu'ils opèrent; la face tournée contre un mur, les mains soutenues par une barre horizontale, ils posent les pieds sur une planche qui cède à leur poids et est remplacée par une autre. Cet exercice doit donner un produit de 12,000 pas par jour. Les délits sont punis par le fouet; un silence absolu doit constamment régner. >>

« Le régime des femmes, le genre d'occupation auquel elles sont soumises, sont les mêmes que ceux des hommes, avec cette différence qu'entraîne l'inégalité des forces. >>

« Les avantages moraux que les économistes anglais espéraient rencontrer dans les modifications introduites dans le système pénitentiaire, paraissent n'avoir pas été obtenus. Le nombre des crimes et des délits, loin de diminuer, s'accroît, chaque année, dans une effrayante proportion. Il est incomparablement plus considérable qu'en France. La proportion est beaucoup plus forte aussi, à l'égard des récidives. Les effets de l'instruction donnée à profusion aux détenus, sont neutralisés par la forme toute dogmatique de cette instruction, et par l'état d'affaissement moral où le régime des prisons abaisse les individus qu'elles renferment. »

« En Angleterre, la depense d'un détenu dans le Penitentiary se monte à 50 liv. st. (1400 fr.) par an; dans les autres prisons, à 38 liv. st. (950 fr.). »

<«< En France, cette depense est de 450 fr. pour Paris, et de 350 pour les départemens. >>

« De tout ce que j'ai observé des prisons anglaises, je ne révendiquerais que la distribution et l'admirable propreté qu'on est parvenu à y établir. Le reste, je le reléguerais parmi ces rêves dispendieux d'esprits avides d'innovations, et à qui il en faut à tout prix. Le régime des prisons de France, avec la surveillance exercée par les conseils, avec les soins donnés par les associations de charité, avec l'instruction donnée par les aumôniers, est plus doux pour les détenus, plus avantageux à la société, et plus économique que celui des prisons d'Angleterre. » (De la Grande-Bretagne en 1833.)

en Russie, en Autriche, en Pologne, en Hanovre, dans la Flandre autrichienne, dans quelques villes d'Italie, d'Espagne et de Portugal.

Les prisons de la Hollande étaient si tranquilles et si propres, qu'Howard avait peine à croire que ce fussent des prisons on s'attachait surtout à réformer les mœurs et à donner une instruction religieuse aux détenus.

A Amsterdam, les enfans des malfaiteurs, exécutés ou renfermés pour long-temps, étaient envoyés dans la maison des orphelins. Là, on les excitait à l'industrie, et l'on s'efforçait de les mettre à l'abri des coupables exemples de leurs pères. Howard donne de justes éloges aux prisons de Genève, où le travail et le système pénitenciaire étaient appliqués avec succès à l'amélioration des détenus, ainsi qu'à celle de Fribourg et de Berne, dont les prisonniers étaient employés à des travaux publics de propreté.

Dans beaucoup de villes catholiques, les couvens suppléaient à la parcimonie de l'administration publique.

Sous le gouvernement pontifical, les prisonniers ont toujours été l'objet de l'active charité de pieuses confréries dont les soins fournissaient une nourriture abondante et des vêtemens. Ces confréries avaient une sorte d'autorité sur les gardiens, et veillaient à ce que les détenus fussent traités avec douceur. M. le comte de Tournon (Statistique du département de Rome) fait remarquer que l'humanité doit au gouvernement pontifical d'avoir devancé le mouvement des esprits vers l'amélioration des prisons en Europe. En 1810, les prisons delle Strada Giulia et de Saint-Michel étaient très supérieures aux maisons de détention existant dans les autres états.

Howard fut satisfait des prisons de Venise, de Florence, de Livourne, de Gênes, de Milan, de Chambéry, de Rome et de Naples: partout il trouva des associations dites confréries de la Miséricorde instituées pour le soulagement des prisonniers.

Il fut frappé de la bonne distribution intérieure de la plupart des prisons en Espagne. Outre des cours ou préaux pour les hommes, on y voyait, au centre, des fontaines ou un ruisseau, et des corridors où l'on goûtait de la fraîcheur. Les sexes étaient séparés. A Madrid, deux membres du conseil privé étaient chargés de visiter les prisonniers.

Ce voyageur philantrope donne peu de renseignemens sur l'état des prisons de Portugal. Il paraît, d'après un ouvrage publié en 1797 (1), qu'à cette époque les maisons de détention de Lisbonne présentaient l'image la plus déplorable de l'arbitraire et de l'inhumanité ; mais la charité religieuse s'était émue, et une association de personnes pieuses fournissait, une fois par semaine, la subsistance aux infortunés prisonniers. Tous les dimanches, quelques membres de la confrérie parcouraient les rues de Lisbonne ; ils faisaient porter des corbeilles pleines de pain, de grandes marmites pleines de viande et de légumes, et se rendaient dans les différentes prisons pour en faire une répartition égale aux détenus. Ce spectacle rappelait au peuple la triste situation et les besoins de ces malheureux, et provoquait la pitié et les aumônes.

On ne peut douter que les améliorations modernes du régime des prisons, si utilement commencées à Philadelphie (2), à Genève et en France, ne s'étendent successivement à toutes les prisons des états civilisés.

Il s'est formé il y a peu d'années, dans la ville d'Amsterdam, une institution remarquable évidemment imitée de la société royale des prisons de France; elle consiste dans une société pour l'amélioration morale des détenus; elle a des comités particuliers dans presque toutes les villes

(1) Tableau de Lisbonne en 1796, Paris, 1797.

(2) Voir les détails donnés sur le système pénitentiaire des maisons d'Auburn et de Philadelphie, chap. XXI, liv. V.

de la Hollande où sont situées des prisons, et des correspondances dans un grand nombre d'autres communes.

Les membres de ces comités visitent les prisonniers, les encouragent au bien, et leur fournissent des livres dont la lecture est propre à les éclairer sur leurs devoirs religieux et sociaux. La société fournit du travail dans les prisons qui n'ont point d'ateliers; elle fait instruire les détenus par des maîtres dont elle paie les honoraires, là où il n'a pas été pourvu à l'enseignement par l'administration. A leur sortie de prison, elle leur distribue des secours, les aide à se procurer du travail, et surveille ensuite, autant que possible, leur conduite privée. Il est pourvu aux dépenses par des souscripteurs. Au 31 décembre 1826, cette intéressante société comptait 4,880 membres.

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