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A Paris, lors de l'établissement général en 1670, on comptait environ 312 enfans trouvés. De cette époque à la fin du siècle, le nombre s'augmenta jusqu'à 2,000. Il ne s'éleva guère au-dessus pendant les trente premières années du dix-huitième siècle. Mais de 1750 à 1750 on le vit monter jusqu'à 4,000. Quinze ans après, en 1765, il dépassait 5,000 et de là en 1780, il se porta à 6,000 et quelquefois même à sept mille.

De 1780 à la révolution et quelques années après, il varia de 5,000 à 5,800. Depuis lors jusqu'à nos jours, il est redescendu et paraît se soutenir entre 4,000 et et 5,000.

Les grandes villes du royaume ont suivi la même progression que la capitale. En 1789, le terme moyen des enfans trouvés variait à Lyon entre 900 et 1,000. Aujourd'hui l'hospice général de cette ville en nourrit plus de 7,000.

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Il faut remarquer qu'une partie des enfans trouvés existant dans les hospices de Paris, de Lyon et des autres villes considérables, sont apportés des provinces voisines. On évalue au huitième le nombre des enfans trouvés de Paris.

On ne comptait, en 1784, dans la généralité de la France, que 40,000 enfans trouvés. Voici l'augmentationconstatée depuis cette époque.

En 1798, 51,000; en 1809, 69,000; en 1815 84,500; en 1816, 87,700; en 1817, 92,000; en 1818, 98,000; en 1819, 99,500; en 1820, 102,100; en 1821, 106,400; en 1822, 109,300; en 1823, 111,800; en 1824, 116,700; en 1825, 119,900; en 1830, 125,000 ; dans les années 1831, 1852 et 1855, la progression a continué d'une manière encore plus remarquable (1).

Le rapport du nombre des enfans trouvés et abandonnés

(1) Les tableaux du nombre des enfans trouvés, pour ces années, n'ont pas encore été complétés au ministère de l'intérieur.

avec celui des naissances, suit à Paris, depuis un siècle, une proportion qui a été en 1720, de 9,73 sur 100; en 1780, de 33,6 sur 100; en 1820, de 22,88 sur 100.

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On voit la proportion monter rapidement dans les dernières années de Louis XV, époque de dépravation gérérale elle diminua sous la convention, époque où les filles mères étaient honorées et récompensées. Elle augmenta de nouveau sous le gouvernement impérial, époque de guerre et de licence militaire; elle a été stationnaire pendant la restauration, époque d'ordre et d'amélioration morale(1).

En ce moment, la proportion des naissances d'enfans illégitimes à celui des enfans légitimes est de 1 sur environ 14.

La dépense annuelle du service des enfans trouvés s'élevait, en 1829, pour la totalité de la France, à environ 11,500,000 francs. Beaucoup de précautions ont été prises, beaucoup de moyens ont été mis en usage pour parvenir à diminuer une charge aussi onéreuse pour les hospices et les départemens, dont la majeure partie des ressources est ainsi absorbée au détriment des services les plus importans. Persuadé qu'un grand nombre d'enfans étaient placés dans les hospices par des mères légitimes ou illégitimes qui les reprenaient ensuite comme nourrices ou avaient l'espoir de les retirer un jour, le gouvernement a ordonné, en 1826, d'échanger les enfans trouvés d'un département à l'autre, afin de les dépayser, d'en faire perdre la trace et de forcer ainsi les mères à les réclamer avant que la transmigration ne fût opérée. Cette mesure avait produit des effets assez remarquables dans beaucoup de départemens où elle a été appliquée.

Mais ce remède ne pouvait être que momentané et souvent comminatoire. Le nombre des enfans trouvés a con

(1) Il est à remarquer que, de tous les départemens du royaume, celui de la Vendée est celui qui produit le moins d'enfans trouvés.

tinué d'augmenter avec la population, l'immoralité et la misère. Les conseils généraux des départemens sont unanimes pour solliciter des moyens plus efficaces de prévenir ou de diminuer ce funeste fléau. Plusieurs ont demandé qu'on rétablit les dispositions de l'édit de Henri II sur les déclarations de grossesse. Dans la suite de cet ouvrage, nous examinerons quelles sont les modifications qu'il serait possible d'apporter à la législation et aux mesures administratives qui concernent en France les enfans trouvés. Nous terminerons ce chapitre en appelant l'attention des autorités départementales et des administrateurs charitables sur les fraudes journellement commises pour faire admettre au nombre des enfans trouvés, des enfans légitimes abandonnés par des mères dénaturées et quelquefois par des parens aisés. Nous ne réclamons pas moins vivement leur sollicitude à l'égard de la conduite des agens chargés de la surveillance des enfans trouvés de la ville de Paris, dans les départemens voisins de la capitale. Des plaintes graves ont été maintes fois portées sur des exactions odieuses envers les nourrices, des transactions honteuses, et une basse cupidité qui exigent une surveillance sévère (1).

(1) En 1826 et 1827, un manufacturier établi dans un département voisin de la capitale, avait offert aux commissions administratives des hospices de plusieurs départemens de se charger des enfans trouvés des deux sexes, de l'âge de douze à quinze ans, qu'on consentirait à lui confier, et qu'il s'engageait à élever et à entretenir, jusqu'à vingt-un ans, époque à laquelle ils seraient maîtres de choisir une autre profession ou de rentrer à l'hospice. Environ 300 enfans trouvés, la plupart expédiés des départemens de la Bretagne, lui furent remis, à ce titre. Un homme respectable nous a assuré que l'établissement industriel de ce manufacturier n'ayant pu se soutenir, les malheureux enfans furent vendus à un autre industriel lequel a été ensuite obligé de les renvoyer dans leur pays.

CHAPITRE VII.

DE LA LÉGISLATION SUR LES ENFANS TROUVÉS EN ANGLETERRE ET DANS LES AUTRES ÉTATS DE L'EUROPE.

Les enfans trouvés, fruits malheureux du crime ou de la misère, ont droit à la pitié des hommes. Celui qui trouve un enfant, soit à la porte d'une mosquée, d'une maison, d'un bain public, dans une rue ou partout ailleurs, doit lui prodiguer tous les secours de la charité et de la bienfaisance.

(Code civil de la Turquie.).

Les lois qui punissent l'exposition, l'avortement et l'infanticide, se sont étendues à tous les états chrétiens, et la jurisprudence criminelle a été et est encore à peu près uniforme à cet égard en Europe; mais différens systèmes ont été successivement adoptés pour prévenir ces crimes et pour adoucir l'abandon des malheureuses victimes du libertinage et de la misère.

Pendant long-temps le sort des enfans trouvés a été partout aussi déplorable qu'il était en France avant la venue de saint Vincent-de-Paule, époque si mémorable pour la charité (1).

Il paraît qu'en Angleterre, même jusqu'au milieu du (1) Voir le chapitre XI du livre III.

siècle dernier, leur situation était réellement digue de pitié. En 1713, Addisson déplorait vivement le triste abandon où ils étaient plongés, et sollicitait en leur faveur des asiles et des soins protecteurs. Le premier hospice d'enfans trouvés de la Grande-Bretagne ne fut fondé qu'en 1759, et c'est aux efforts d'un excellent citoyen, Thomas Coran, que Londres fut redevable de cet établissement, fondé d'abord pour quatre cents enfans et dans lequel il s'en trouvait mille en 1752. Le parlement d'Angleterre ordonna, en 1756, que cet hospice recevrait et élèverait tous les enfans abandonnés qu'on y apporterait, et qu'on formerait des établissemens semblables dans les comtés.

En 1760, le nombre des enfans trouvés, placés dans l'hospice de Londres, s'élevait à six mille.

Frappé de cette augmentation rapide, le parlement modifia la destination des établissemens consacrés aux enfans trouvés et les convertit en maisons d'orphelins. Sur la proposition de Jonas Hanway, philantrope renommé, il statua que les paroisses confieraient tous les enfans dont elles seraient chargées à des nourrices dans les villages; l'exposition fut sévèrement interdite; mais les enfans illégitimes, dont on avait reconnu le droit sacré à l'assistance publique, purent être admis à un certain âge dans les maisons de travail. L'hôpital des enfans trouvés de Londres (foundling hospital), malgré sa dénomination, ne reçoit aujourd'hui aucun enfant trouvé, pas même ceux qu'on expose quelquefois à sa porte; ceux-ci sont recueillis, placés dans des maisons d'orphelins, et ensuite dans des maisons de travail.

Ces mesures, dit-on, ont obtenu un succès complet. D'après les recherches de M. de Gouroff, philantrope distingué qui s'est occupé spécialement de l'amélioration des institutions d'enfans trouvés en Europe (1), il y a eu à

(1) M. de Gouroff est Français et né à Nevers. Il a exercé des emplois supérieurs dans l'université de France, avant d'être appelé en Russie où il

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