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fusils pour les troupes. On y trouve encore une manufacture de corail, une imprimerie et une fonderie en caractères. En général, les jeunes gens valides sont destinés à la carrière des armes. Ceux qui se distinguent dans la profession qu'ils ont suivie obtiennent l'exemption de servir aux armées; mais ils n'en demeurent pas moins soumis au régime de la maison, dont la garde leur est confiée. Tous les jours, à des heures réglées, ils manœuvrent dans les cours au son d'une musique guerrière.

L'Espagne renferme soixante-neuf hospices d'enfanstrouvés. A Madrid, en 1788 et 1789, cette malheureuse classe d'infortunés ne dépassait pas 8 à 900; elle est aujourd'hui d'environ 1,100. Du reste, elle n'est point privée d'une éducation libérale. Le plus grand nombre des enfans abandonnés se livrent aux études ecclésiastiques, et l'Espagne en compte quelques-uns parmi ses plus habiles docteurs.

« Il paraîtrait même que, dans ce royaume, la loi, non moins bienfaisante qu'en Russie, efface la honte de leur naissance, en considérant tous les enfans trouvés comme fils de nobles, et dès lors nobles eux-mêmes. Dans l'ignorance où elle est de leurs parens, elle a cru devoir la supposer dans la condition la plus favorable aux enfans, et c'est sans doute ce qui leur procure l'éducation distinguée qu'ils reçoivent. Si ce fait est exact, il suffirait à lui seul pour marquer la différence de caractère et de mœurs qui distingue ces deux pays, situés chacun à une extrémité de l'Europe. Dans l'un, on a donné ce qu'un peuple esclave regarde comme le bien le plus précieux, la liberté; dans l'autre, ce qu'une nation fière estime le plus, la noblesse (1). »

Avant l'invasion de Napoléon en Espagne, les enfans trouvés étaient nourris dans des hospices par des nour

(1) M. Benoiston de Châteauneuf, Mémoire sur les enfans trouvés.

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rices gardées dans l'établissement, ou au-dehors par des nourrices de la campagne. Le prix de la nourriture audehors était de 10 fr. 66 c. par mois jusqu'à l'âge de vingt mois, et de 3 fr. 55 c. de vingt mois à quatre ans, époque où ils rentraient à l'hospice pour y être élevés jusqu'à l'âge d'entrer en apprentissage. Les sœurs hospitalières étaient chargées de la surveillance de ces enfans. Les évêques étaient à la fois les chefs de l'administration et les bienfaiteurs des hôpitaux.

Tous ces établissemens avaient prodigieusement souffert des désastres de la guerre. Nous avons été témoins, en 1812 et 1813, dans une partie de la Catalogne, des malheurs qui avaient frappé les institutions de charité et de religion, mais en même temps des efforts admirables que le clergé, les congrégations religieuses et hospitalières faisaient à l'envi pour soustraire les enfans trouvés et les orphelins aux horreurs de la misère et de l'abandon. Nous avons été assez heureux pour nous y associer, et ce souvenir nous est doux et consolateur.

En Turquie, les enfans trouvés sont réputés musulmans et libres. Si aucun individu ne se charge d'un enfant trouvé, il appartient à l'état, et c'est des deniers publics qu'il doit être nourri et élevé. Ces préceptes sont évidemment empruntés au christianisme.

CHAPITRE VIII.

DE LA LÉGISLATION RELATIVE A L'ENSEIGNEMENT DES

PAUVRES.

Sinite parvulos venire ad me.

DANS les premiers temps du christianisme, et pendant une longue suite de siècles, l'instruction des classes pauvres était confiée exclusivement aux membres du clergé. Des écoles avaient été établies dans toutes les cathédrales, dans les paroisses et dans un grand nombre d'établissemens religieux. Des congrégations spéciales s'étaient formées pour cet objet, et donnaient ainsi à l'enseignement un mode régulier et des institutions perpétuelles. Successivement, le pouvoir civil comprit que l'éducation des enfans des pauvres était un devoir important de sa mission. La politique, non moins que la nature des choses, devait lui faire envisager comme une obligation sacrée de répandre les lumières et les bonnes mœurs dans toutes les classes du peuple. Les deux pouvoirs se réunirent donc pour atteindre ce but qui leur était commun ; l'un se réserva la haute surveillance et l'approbation des congrégations dévouées à l'enseignement public. Le clergé conserva l'autorité sur le choix des instituteurs et sur les bases et le mode de l'instruction primaire.

Avant la révolution de 1789, l'instruction était gouvernée en France par les magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre civil, par les parlemens, par les évêques et les curés, par les universités, et enfin par les congrégations enseignantes dont aucune ne pouvait s'établir dans le royaume sans lettres-patentes, dûment enregistrées.

Charlemagne, Saint-Louis, François Ier, Henri IV et Louis XIV, parmi nos rois, donnèrent une attention spéciale à l'instruction de la jeunesse. Ces deux derniers monarques avaient protégé et fondé, en tout ce qui dépendait du pouvoir civil, un système complet d'enseignement public.

Tous les ordres de l'état s'étaient trouvés constamment d'accord avec nos rois sur les bienfaits et la nécessité de l'instruction.

En 1560, aux états-généraux d'Orléans, la noblesse, loin de craindre que le peuple ne fût instruit et éclairé, voulait (ce sont les termes dont elle se servait) : « Pédagogues et gens letirés en toutes villes et villages, pour l'instruction de la pauvre jeunesse du plat pays, en la religion, bonnes mœurs et autres sciences nécessaires. »

Et persuadée qu'il faut souvent faire le bien aux hommes malgré eux ; que si telle est la condition des pères de famille vis-à-vis de leurs enfans, telle est à plus forte raison la condition des gouvernemens envers des pères de famille, la noblesse voulait de plus qu'il y eût contrainte et amende contre les pères et mères qui négligeraient d'envoyer leurs enfans aux écoles. »

Henri IV, par une déclaration de 1593, consacra ce vœu qui pouvait paraître sévère, mais qui témoigne du moins de l'opinion que professait au sujet des lumières, un ordre que l'on a si souvent peint comme intéressé et disposé à maintenir le peuple dans l'abrutissement et la servitude.

Louis XV et Louis XVI avaient suivi les traces de leurs glorieux devanciers. Le premier, affectant à l'université

d'honorables revenus, voulut l'enseignement gratuit. Le second, si naturellement généreux et le meilleur ami des Français, voulut l'éducation nationale, comme il voulait la liberté et le bonheur de tous.

Aux états-généraux de 1789, le clergé et la noblesse se montrèrent encore unanimement disposés à seconder les vues paternelles de ce monarque de sainte mémoire. Dans cette assemblée, le clergé avait ainsi rédigé une partie de ses cahiers. « L'éducation publique ayant une influence si marquée sur le sort des empires par les sentimens qu'elle fait germer dans le cœur des citoyens et les mœurs auxquelles elle les forme, le clergé a toujours mis au nombre de ses principaux devoirs l'obligation de s'en occuper essentiellement et de les surveiller. »

« Ce qui doit attirer les soins paternels de sa majesté au moment qu'elle s'occupe de regénérer la nation, c'est l'instruction publique. C'est du sein des états-généraux que doit sortir enfin le plan si universellement désiré d'une éducation salutaire et générale. »

La noblesse s'exprimait en ces termes :

« L'assemblée nationale portera sûrement son attention sur les établissemens d'instruction publique qui, manquant absolument dans plusieurs parties du royaume, y sont presque partout imparfaits. Ces fondations, presque toutes anciennes, ont conservé la routine des siècles qui les ont vues naître. Il serait temps de les faire participer aux lumières acquises, de leur donner un régime plus propre à former des citoyens de tous les états, et surtout de propager jusque dans les campagnes, les moyens d'une instruction suffisante à ceux qui les habitent et qui puisse s'étendre même jusqu'aux pauvres. »

« Que l'éducation publique soit perfectionnée, qu'elle soit étendue à toutes les classes des citoyens; qu'il soit rédigé pour tout le royaume un livre élémentaire contenant sommairement les points principaux de la constitution :

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