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AVERTISSEMENT.

En présentant aux lecteurs du Musée des Familles le tome dix-septième de leur collection, nous n'avons que deux mots à leur dire Souvenez-vous des promesses que nous faisions au commencement de ce volume, et jugez par vos yeux, en le parcourant, si nous ne les avons pas tenues et dépassées!

Notre reconnaissance nous fait une loi d'ajouter que nous avons été compris et récompensés au delà de nos plus hautes espérances. Un simple chiffre, relevé loyalement sur nos registres d'abonnement et de vente, en dira plus à cet égard que toutes les réclames du charlatanisme : Depuis un an, nous avons expédie à notre public, multiplié de jour en jour : quarante mille deux cents volumes du MUSÉE DES FAMILLES, plus de deux cent quarante-neuf mille six cents livraisons, tant de la collection que de l'année 1849-50.

Merci, encore une fois, à l'immense famille littéraire qui nous a si glorieusement appréciés! Elle verra, par notre prochain volume, qu'elle n'a pas fait des ingrats; car tous les avantages que nous donne l'agrandissement de notre succès seront employés en améliorations constantes au profit de nos lecteurs. Ils peu vent examiner, à ce sujet, notre avis détaillé sur la couverture du présent tome.

Parmi les témoignages sans nombre, publics et privés, qui sont venus couronner nos efforts, nous nous bornerons à en citer deux :

1o Les Innocents, de Mme Desbordes-Valmore, publiés dans nos numéros de décembre et de janvier derniers, et soumis à l'Académie française par notre collaboratrice, viennent d'obtenir le prix Montyon (médaille de 2,000 francs).

(Un autre collaborateur du Musée, M. Jal, a obtenu le prix Gobert, à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pour son grand ouvrage sur la Marine.)

2° Un père de famille, qui est en même temps un homme illustre, écrivait dernièrement les lignes suivantes à notre rédacteur en chef: « Vous avez résolu le problème difficile de faire du Musée des Familles, « avec le concours de toutes les sommités de notre époque, la bibliothèque à la fois la plus instructive et « la plus amusante, la seule revue mondaine, artistique et littéraire qui ne soit jamais dangereuse, le livre « à la fois le plus moral pour le cœur et le plus beau pour les yeux, en un mot la publication qui peut « faire le plus de bien et empêcher le plus de mal, au milieu du débordement des mauvaises lectures. » Ces lignes précieuses sont et seront toujours notre programme, comme elles sont notre plus pure gloire et notre plus chère récompense,

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mèrent avec le temps l'aisance primitive en fortune, et s'arrondirent si bien, que la seconde République les trouva tous les six en possession de la même richesse dont la première avait doté leur père.

L'un était maître de forges, l'autre banquier, le troisième actionnaire des meilleures mines de l'Ariège, le quatrième grand propriétaire de forêts, le plus jeune capitaliste, et celui qui possédait le château et chez lequel j'avais été invité à titre d'ami, marchait à la tête des agriculteurs du département, quoiqu'il ne fit partie, bien entendu, d'aucune Académie agricole.

Ce n'était pas, au reste, sans dessein qu'on m'avait admis, moi profane, dans le sanctum sanctorum, magnifiquement blasonné, de Jean Duval. On allait tenir, dans cette salle d'armes des anciens preux, une sorte de conseil de famille, et un siége m'y avait été réservé en considération de l'amitié dont m'honoraient le célèbre agriculteur et son fils, jeune Ariégeois de la plus belle espé

rance.

Hâtons-nous de dire que l'ordre du jour roulait exclusivement sur ce dernier. Il s'agissait du choix d'un état, et le bon homme n'avait pas cru trop faire en s'entourant pour cette délibération capitale de toutes les lumières de la famille Duval.

L'objet de la réunion par lui exposé d'une voix ferme, l'actionnaire de mines toussa, puisa deux prises de tabac coup sur coup dans sa large boîte d'or, et dit lentement: Le jeune homme a eu des succès dans ses classes, il a remporté le premier prix de dissertation latine et de thème grec, je propose donc d'en faire un ingénieur.

- Un ingénieur! Alfred! vous n'y pensez pas, frère, reprit vivement le maître de forges; il faut qu'il soit avocat, pour apprendre à parler et pouvoir faire son chemin à l'Assemblée nationale... en défendant...

Nos droits? interrompis-je émerveillé d'un tel civisme...

-Nos fers, monsieur, nos fers qu'on sacrifie de plus en plus à l'étranger.

Mon frère est bien le maître à coup sûr, il est parfaitement le maître de choisir cette carrière pour son fils; mais à sa place, dit le propriétaire de forêts, je me garderais bien de courir après le brillant pour perdre le solide.

Et qu'en ferais-tu? dit le bon Duval, qui commençait à ne savoir auquel entendre.

Un marchand de bois.

Pour vendre ses bûches, murmura d'un air railleur le banquier; fais-en un agent de change.

Si tu as le sens commun, lui soufflait à l'oreille le capitaliste, il faut qu'il soit notaire.

Qu'en dites-vous, monsieur? balbutia le père tout étourdi, en se tournant de mon côté.

Vous me faites l'honneur de me consulter? demandai-je.

- Positivement.

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De fou! jeta avec colère le propriétaire de forêts.
De dupe! observa le capitaliste.

De sot! murmura l'actionnaire de mines. -Et de gibier d'hôpital! ajouta le banquier, en manière de péroraison.

Encore, disait le vieux Duval foudroyé par ce dernier coup, encore si un auteur n'était pas inutile à tout le monde; si ses rêves ne s'évaporaient pas dans les airs, comme les brouillards de mes guérets, laissant après eux le vide dans les esprits, comme les brouillards laissent le hâle dans mon blé! Je ne suis que le plus humble et le plus inconnu des agriculteurs de l'Ariège, et dix familles cependant bénissent tous les jours mon nom et la sainte résolution que je pris de quitter Foix pour la campagne et le comptoir pour la charrue, pour cette terre qui les fait vivre. Auras-tu cette douce satisfaction? Pourras-tu te dire, mon fils, si tu deviens auteur: aujourd'hui mon travail a été fécond, j'ai assuré, en prenant la plume, lo pain de dix familles ?...

Je sentis le besoin de venir au secours du jeune homme, muet devant l'argument, et je dis au bon M. Duval :

- Si vous n'avez que cette objection à faire au projet de votre fils, je me charge de vous prouver qu'un auteur est utile à la société tout comme un agriculteur; qu'il remue, dans l'intérêt général, plus de capitaux qu'un banquier dans l'intérêt de sa fortune; enfin, que vos cinq frères, qui viennent de conseiller à leur neveu chacun un état différent selon ses vues particulières, n'ont qu'à ga, gner à ce qu'il embrasse la noble profession d'auteur.

On devine l'orage soulevé par ma proposition; pendant cinq minutes on n'eût pu entendre tonner; les rires et les cris s'apaisèrent enfin, et l'indignation des cinq frères éclata dans ce défi railleur:

Prouvez cela, et non-seulement nous consentons à la folie d'Alfred, mais nous lui payerons royalement la première année d'apprentissage.

-Eh bien, messieurs, marché conclu, répondis-je, en rassurant le néophyte du regard.

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Et quand vous proposez-vous d'aborder cette tâche impossible?

Quand nous aurons goûté ce punch, dont la flamme illumine vos visages d'un reflet si étrange.

Le jeune homme emplit jusqu'aux bords des verres

grands comme des coupes de vieux Sèvres, et lorsque nous eûmes bu en vrais Méridionaux à la santé des Girondins, et qu'on n'entendit plus que le pétillement du frêne dans la cheminée antique, et les rafales mêlées de pluie qui ébranlaient les contrevents, je pris la parole en ces termes : - Pour donner la preuve que vous attendez, un Allemand, fidèle aux règles des Universités, vous débiterait une thèse longue comme un in-folio, car ces bonnes gens d'outre-Rhin ne peuvent rien faire sans pousser des bouffées de science autour de leur esprit, aussi épaisses que les nuages de fumée qui sortent de leur pipe; un Italien écrirait longuement quelque dissertation latine; un Anglais, le rapport ou le speach d'usage, et, si vous n'étiez convaincus, vous seriez mortellement ennuyés. Pour moi, procédant à la vieille et bonne mode française, je vais prendre un autre chemin, et, pour démontrer une vérité que vous croyez un paradoxe, je vais vous conter l'HISTOIRE D'UN LIVRE.

Figurez-vous d'abord que je suis le Diable boiteux, et que, perchés à mes côtés sur la plus haute des tourelles de ce manoir, vous regardez dans la campagne, et pouvez embrasser cet espace immense qui s'étend entre les bords de l'Océan et la Méditerranée. Voilà un jeune homme qui gravit péniblement les montagnes rocheuses du Quercy, un livre à la main, des papiers sous le bras; il examine avec attention un plateau de forme conique, isolé sur la rive droite de la Dordogne; à sa voix, des paysans, armés de pioches, s'avancent, creusant une tranchée, et font bientôt jaillir, parmi des débris calcaires, des fragments de poteries antiques, des médailles où brille le nom de César. Ce travail, continué avec ardeur depuis quelques jours, semble couronné de succès, et le jeune homme, payant grassement les pionniers, va s'embarquer un peu plus bas, au pied des ruines de Mirandol, vieux nid de routiers au moyen âge, pour explorer les deux rives de la Dordogne, si riches de souvenirs historiques. Ce jeune homme, comme vous l'avez deviné déjà, est un futur écrivain; il veut faire un livre, et rien que pour en préparer la première page, il vient de mettre en mouvement une soixantaine de bras, et de laisser de l'argent dans une vingtaine de stations. Mais suivez-le sur cette barque frétée pour lui seul, et qui l'emporte avec tant de rapidité. Après avoir donné au batelier, pauvre pêcheur, pour le labeur d'un jour, le double de ce qu'il eût gagné dans une semaine, le jeune homme prend terre du côté de Rocamadour; il lui faut des chevaux et un guide, car il a besoin de visiter le gothique oratoire où se rendaient, au treizième siècle, les foules pieuses de pèlerins.

Au pied des deux cents marches de pierre qui mènent à l'église taillée dans le roc, et à la fabuleuse épée de Roland, un guide nouveau est nécessaire. Puis la main de l'écrivain s'ouvre cinq ou six fois pour acheter de ces reliques rouillées d'un autre âge, sans lesquelles on ne peut peindre au naturel les mœurs des vieux temps. L'oratoire visité, il repart, malgré la nuit et d'abominables chemins, précédé par un vieillard qui se traîne avec peine, et suivi d'une demi-douzaine de paysans portant des pics et des torches. Il s'agit de fouiller un dolmen célèbre, et de déterrer quelques-unes de ces haches en sílex qui servaient de casse-tête à nos aïeux. A cette recherche en succède the autre non moins utile et plus facile. Dans ce château a demi habillé de lierre que les siècles noircissent mais Rébranlent pas, remarquez cette joie soudaine qui rayonne front du chercheur; il a découvert deux manuscrits inestimables: l'un, où l'écriture cursive se traîne et se tord sur le vélin comme un serpent, contient la charte commu

nale d'une cité; l'autre, dont les vignettes d'or et d'azur attirent l'œil et le caressent, garde dans ses pages brillantes les derniers chants des troubadours. De l'or est donné en échange de ces feuillets antiques, et demain l'armurier et la marchande de modes, qui ne connaissaient pas la route du château, y porteront: celui-ci ses fusils, celle-là ses chapeaux, par cela seul que ce jeune homme travaille à faire un livre.

Jetez encore les yeux sur mon voyageur, au moment où il quitte les derniers mamelons du haut Quercy, pour les plaines de l'Agenais. Les deux seules personnes qu'il ait encore rencontrées semblent devoir, en apparence, être bien désintéressées dans la question du livre; l'une, en effet, est une paysanne qui ne sait pas lire, et qui, accroupie derrière un saule, se lave les pieds dans la rosée, au lever du soleil; et l'autre, un colporteur campagnard, à figure rusée et à voix traînante, occupé à tenter la pauvre fille en étalant, avec affectation, des rubans de fil de toutes couleurs, et des aiguilles. Eh bien, le livre toutefois ne se fera probablement pas sans le concours de ces deux personnes, car la femme élève des oies dont les plumes sont attendues avec impatience par les marchands du Gers, et le colporteur est un de ces peillerots ou chiffonniers de campagne qui fournissent de matières premières les papeteries les plus renommées d'Angoulême.

Ce n'est pas tout. Si vous enlevez par la pensée ces voûtes poudreuses sous lesquelles un digne vieillard, appelé archiviste, garde dans chacune de nos cités méridionales les titres du passé, vous allez voir, au milieu d'un amas de cartons, de registres à moitié rongés par les rats, de parchemins jaunis, moisis ou déchirés, des copistes attentifs et silencieux, qui travaillent pour le futur auteur du livre. Retournez-vous vers la Garonne, où le bateau à vapeur souffle en grondant ses longues spirales de fumée vers les aubiers argentés du Rhône, du côté de ce canal si frais et si pur, entre sa double bordure de jones et de peupliers, et vous apercevrez tour à tour sur les Eclairs de la compagnie bordelaise, sous la tente des gracieux paquebots de Lyon, à la poupe de la barque de poste, l'écrivain voyageur semant l'argent pour recueillir des impressions vraies, et glaner les matériaux de son livre. Il occupe successivement le pauvre échassier des Landes, qui s'enfonce avec lui dans ces steppes de sable ombragés de pins, pour lui montrer la place du village disparu, l'étang d'où sortent les tintements de la cloche merveilleuse, la forêt de liéges hantée par les sorciers; le montagnard pyrénéen si fier, en agitant son berret blanc, de le conduire aux tourelles de Gaston Phébus, à la source des gaves ensanglantés par les coups de lance d'autrefois, à la croix sainte de l'hermitage de Betharram; et le pâtre des Cévennes qui s'enfonce avec tant de plaisir dans ses garrigues sauvages et ses grands bois de châtaigniers, quand il s'agit de décrire, dans le patois énergique du Gard, les exploits de Jean Cavalier, ou le supplice des martyrs du désert. Mon auteur emploie en outre, moyennant salaire, les gardiens de ces amphithéâtres qui perpétuent encore sur notre sol les traditions de la grandeur romaine, et ceux des monuments religieux : il fait courir les gitanos, conservateurs libres des ruines; il fait ramer les pêcheurs provençaux sous les murailles du château d'If ou les rochers du fort Lamalgue; il fait conter aux vieillards de Saint-Emilion ou de Bordeaux les chroniques des carrières et la mort courageuse de Barbaroux, et chaque pas du bohémien, chaque coup de rame du batelier, chaque narration de l'habitant de la Gironde, lui coûte de l'argent.

Et je n'ai pas parlé du dénicheur de vieux bouquins à la

redingote râpée, aux yeux larmoyants, au nez rouge, qui a travaillé jour et nuit, pendant ce temps-là, par monts et par vaux, pour retrouver les factums, les mémoires, les dissertations historiques ou satiriques des siècles passés; ni de l'instituteur primaire dont les soirées furent utilement remplies par la transcription de tous les passages importants des registres communaux; ni du pauvre arpenteur employé à lever les plans des localités célèbres, des plaines comme celles de Castillon ou de Coutras, qu'ensanglantèrent des batailles; ni du jeune artiste consacrant, pour la première fois, son crayon à reproduire les châteaux détruits, les édifices défigurés par le temps, où se jouèrent les grandes scènes de l'histoire. Que de pionniers précurseurs, que d'ouvriers attachés à ce premier travail ! Et cependant rien n'est fait encore, et le livre dort dans la tête et les cartons de l'auteur, et tout ce qui a été recueilli n'est qu'un amas informe et confus de matériaux qu'il s'agit maintenant de mettre en œuvre.

Par ce tableau, dont je garantis l'exactitude, et qui ne retrace qu'une partie des sacrifices préliminaires exigés par l'histoire du Midi de la France (car le jeune auteur que je viens de vous montrer dans ce lointain fantastique, c'est moi-même, à vingt-quatre ans, et toute la fiction s'est bornée à renfermer dans un laps de temps de six mi

nutes un travail préparatoire de six années); vous pouvez commencer à concevoir l'idée de l'importance d'un livre au point de vue industriel. Passons à présent sous silence les trois ou quatre ans qu'il faut pour l'écrire. Ne comptons pour rien ces jours longs et ternes si tristement perdus dans la solitude du cabinet, ces allées et venues dans les bibliothèques, d'où l'on sort à moitié asphyxié par l'air corrompu qu'on y boit; ces nuits d'angoisses, d'efforts ardents, de lutte obstinée et cruelle contre la fatigue et la douleur. Supposons que le livre est fait, et que, le cerveau et le cœur délivrés de ce poids immense qui les écrasait depuis dix ans, l'auteur respire enfin avec le bonheur de Gibbon, quand il eut tracé à minuit les dernières lignes de son grand ouvrage, et qu'il passa sur le balcon de sa villa, d'où le lac lui parut si beau et le clair de lune si magnifique. Entré dans la seconde phase de son histoire, le livre n'existe pas encore, ce n'est qu'un manuscrit qui ne peut sortir des ténèbres sans qu'un éditeur lui dise: fiat lux! Ce dieu des auteurs va venir, mais avant qu'il prononce les paroles sacramentelles, nous avons le temps de visiter quatre usines qui sont déjà en mouvement pour transformer le manuscrit.

MARY-LAFON.

(La seconde partie prochainement.)

ÉTUDES RÉTROSPECTIVES.

NAPOLÉON PROPHÈTE, OEUVRE POSTHUME DE L'EMPEREUR NAPOLÉON.

Tout le monde connaît les famenses prédictions dictées ar l'Empereur à Sainte-Hélène. En voici une qu'il écrivit de sa main à l'île d'Elbe, et qui est plus étonnante que toutes les autres. Les événements et les caractères de notre époque y sont tracés avec l'incorrection brutale qui caractérisait Napoléon, et avec une telle précision de détails, qu'on croit lire une histoire de 1848. Cependant l'authenticité de cette pièce ne saurait être mise en doute. Elle a été copiée sur l'autographe même de Napoléon, trouvé dans son secrétaire à l'ile d'Elbe, en 1815, par le capitaine Campbell. Nous devons à un savant amateur de curiosités historiques cette communication, qui sera d'un grand intérêt pour nos lecteurs. Nous en avons retranché quelques répétitions, et deux passages exclusivement personnels à l'Empereur.

« Le fondement de notre société politique est tellement défectueux et chancelant, qu'il menace ruine; la chute sera terrible, et toutes les nations du continent y seront entraînées; nulle force humaine n'est capable d'arrêter le cours des choses.

<< Toute l'Europe civilisée se trouvera dans la même position où jadis une partie de l'Italie s'est trouvée sous les Césars.

«L'orage de la Révolution, dont quelques nuages s'étendirent sur la France, couvrira bientôt toute la partie du globe que nous habitons d'une nuit effroyable.

«Le monde ne peut être sauvé qu'en faisant couler des flots de sang; il n'y a qu'un terrible et violent ouragan qui puisse purger l'air empesté qui enveloppe l'Europe.

<< Moi seul pouvais sauver le monde, et nul autre... « Je lui aurais donné à vider le calice de douleur d'un seul trait; au lieu qu'à présent il faudra le boire goutte à goutte...

« Ce qui fermente en Espagne et à ROME causera bientốt un incendie général. Alors la crise sera terrible...

« Je connais les hommes et mon siècle...; j'aurais háté le bonheur sur la terre, si ceux avec qui j'avais affaire n'eussent pas été des scélérats... Ils m'accusent (les révolutionnaires) de les avoir méprisés et rendus esclaves : c'est leur esprit rampant et la soif de l'or et des distinctions qui les mirent à mes pieds; pouvais-je faire un pas sans les fouler? En vérité, je n'avais pas besoin de leur tendre des piéges pour les attraper; il me suffisait de leur offrir la coupe des distinctions et des richesses mondaines. Alors, semblables à un essaim de mouches affamées, on les voyait se précipiter avidement pour s'en rassasier. Les esclaves avaient besoin d'un maître, et je n'avais pas besoin d'esclaves!

« Que penser de 40 millions d'habitants qui se plaignent amèrement de l'oppression d'un seul individu?.....

« La cupidité, l'envie, la vanité, la fausse gloire, les poursuivent (ceux qui crient à l'oppression) comme des furies à travers cette vie orageuse; ils parlent sans cesse de vertu, de générosité et d'amour, tandis que, semblables à un chancre incurable, l'envie, l'intérêt, l'ambition rongent les plis les plus cachés de leurs cœurs. Ils cachent soigneusement leur méchanceté, et feignent un dehors de vertu qu'ils n'ont pas; ils se singent réciproquement par un langage doux et flatteur. Quoique aucun d'entre eux ne croie à l'honneur de l'autre, néanmoins, par lâcheté, ils jouent ensemble le rôle qu'ils ont appris, manquant de courage pour se montrer tels qu'ils

sont.

« Les meilleurs d'entre eux sont ceux que l'on condamne le plus, parce qu'ils ne savent pas feindre, et la fausse vertu des autres donne plus d'éclat à leurs crimes. « Rien ne m'a plus révolté que cette manie pour les

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