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Statue, en marbre grec, trouvée dans le jardin du Conservatoire delle Mendicanti (Vatican)

DES ROMAINS

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS

JUSQU'A L'INVASION DES BARBARES

PAR

VICTOR DURUY

MEMBRE DE L'INSTITUT, ANCIEN MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

NOUVELLE ÉDITION
REVUE, AUGMENTÉE

ET ENRICHIE D'ENVIRON 3000 GRAVURES DESSINÉES D'APRÈS L'ANTIQUE

ET DE 100 CARTES OU PLANS

TOME V

HADRIEN, ANTONIN, MARC-AURÈLE

ET LA SOCIÉTÉ ROMAINE DANS LE HAUT EMPIRE

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CHAPITRE LXXX

HADRIEN (117-138).

1. COMMENCEMENTS DU RÈGNE; FORTIFICATION DES FRONTIÈRES.

Cousin et pupille de Trajan', Hadrien avait été élevé avec soin, selon les meilleures recettes de l'éducation du temps, peut-être à Athènes, où il prit un goût si vif pour la littérature de ce pays, qu'on l'appelait le petit Grec. On croit même qu'il eut Plutarque pour maître. Esprit curieux, il voulut tout connaître la médecine et l'arithmétique, la géométrie et la musique, l'astrologie judiciaire et les mystères des initiations religieuses. Il étudia toutes les philosophies, même celle d'Épictète, qu'il aima sans suivre ses conseils, et il fit des tableaux et des statues, des vers et de la prose; mais il est probable que sa peinture valait sa poésie, dont il nous reste quelques échantillons. Ces études variées ne lui avaient pas donné, dans les lettres, un jugement sain; il préférait Antimaque à Homère, Caton à Cicéron, Ennius à Virgile, quoiqu'il consultat, comme un oracle assuré, les sorts virgiliens; et l'on pourrait craindre qu'ayant le goût faux en littérature, il n'eût pas l'esprit juste en politique, si l'on ne savait que les grands écrivains sont souvent de pauvres hommes d'État, et que Richelieu mettait Chapelain au-dessus de Corneille.

Tout le monde lui reproche, sans en donner de preuves bien sérieuses, sa vanité et sa jalousie à l'égard des hommes supérieurs : défauts avec lesquels un prince ne fait rien de bon, et l'on verra qu'Hadrien fit de

* Publius Ælius Hadrianus. Sa famille, originaire du pays des Picentini, était d'Italica, en Espagne; mais il était né à Rome, le 24 janvier 76. Sa mère était de Gadès, et son aïeul Marcellinus avait le premier porté dans cette maison le laticlave sénatorial. Les inscriptions donnent toujours Hadrianus et non pas Adrianus.

* Curiositatum omnium explorator, dit Tertullien. « Il aimait les joueurs de flûte, riait aux bouffonneries des mimes, amorçait l'hameçon et était assidu à la palestre. » (Fronto, ad M. Ant. de fer. Als., 3.) Eleusinia sacra.... suscepit (Spartien, Hadr., 13).

5 .... de suis dilectis multa versibus composuit, amatoria carmina scripsit.... cum professoribus et philosophis, libris vel carminibus invicem editis, sæpe certavit (Spartien, Hadr., 14-15).

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grandes choses. Ce qui est plus sùr, c'est que ce lettré d'un goût douteux possédait toutes les qualités militaires qu'un prince peut utiliser dans la paix, car il n'eut point, comme empereur, à les montrer dans la guerre; et il gouverna bien, puisque l'empire lui dut vingt et un ans de prospérité. De sa personne, il était grand et bien fait, avec

Sabine en Cérès. (Musée du Louvre, n° 595.)

l'air intelligent et

doux. Comme François Ier, il commença la mode de laisser pousser sa barbe pour cacher des cicatrices qu'il avait au visage. Aussi, lorsque dans la galerie des bustes d'empereurs on a ctudié cette physionomie originale qui ne parait pas appartenir à la race des Césars, on s'attend bien à trouver dans son règne une histoire nouvelle. Sa tête penchée comme pour mieux entendre, ses yeux de marbre dont le regard est encore si pénétrant, ses lèvres à demi ouvertes qui semblent aspirer la vie, annoncent

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l'homme qui voulait que rien n'échappât à sa vigilance ou à sa curiosité. Les contemporains furent frappés comme nous de cette figure étrange; et, pour exposer ses doctrines gnostiques, qui pénétraient alors dans beaucoup d'esprits et dans tous les cultes, l'auteur inconnu d'un livre longtemps fameux en Orient' imagina un entretien du prince qui désirait tout savoir avec le philosophe qui prétendait tout révéler.

Les Sentences de Secundus. Cf. le mémoire de M. Revillout, Comptes rendus de l'Acad. des inscr., 1872, p. 256

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