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faitement exercée et si docile, toujours prête par conséquent pour une action foudroyante, il put, sans péril, inaugurer une politique pacifique. Personne, au dedans ou au dehors, ne considéra cette résolution comme un aveu de faiblesse, et il ne se trouva pas plus d'ambitieux pour exciter une sédition, que de roi ou de peuple assez hardi pour attaquer une frontière si bien gardée.

Mais regardons à la frontière même; le spectacle y est aussi curieux que dans les camps.

La première dont Hadrien s'occupa fut celle du Danube. A peine arrivé d'Orient à Rome, il avait été rappelé dans la Mosie par une incursion des Roxolans. Le roi de ce peuple s'était irrité de ce qu'on avait réduit la pension que Trajan lui faisait', et des nuées de cavaliers barbares, ancêtres des Cosaques d'aujourd'hui, s'étaient abattues sur la Dacie orientale, tandis que les Sarmates lazyges, qui étaient de leur sang, attaquaient la province à l'occident. Ces tribus prenaient, au contact de Rome, certaines habiletés des gouvernements bien assis. Sous Trajan, le Décébale étendait de tous les côtés ses intrigues et envoyait des émissaires jusque chez les Parthes. Quand les légions se furent établies dans cette province de Dacie qui, par la disposition de ses montagnes, semblait une grande forteresse, coupant en deux une partie du monde barbare, les Sarmates de la Theiss continuèrent à s'entendre, par derrière les Carpathes, avec ceux du Dnieper', et ils attachaient tant de prix à conserver ces rapports, qu'on les verra, sous Marc Aurèle, consentir à ne pas mettre un bateau sur le Danube, à la condition de pouvoir trafiquer entre eux à travers le pays des Daces. C'est qu'ils cachaient, sous ces relations de commerce, des relations politiques qui facilitaient les coalitions par lesquelles l'empire fut si souvent assailli et enfin précipité.

EXER MOESIACVS

Hadrien haranguant les

bronze; Cohen, no 799.)

Celle qu'Hadrien avait alors devant lui ne parait légions de Mosie. (Grand pas avoir été très-redoutable. Cependant il accourut au milieu des légions de Mosie, et il faisait déjà de grands préparatifs, quand lui parvint la nouvelle de la conspiration de Palma et de Quietus. En de telles conjonctures sa présence était nécessaire à Rome;

1 Rex Roxolanorum qui de imminutis stipendiis querebatur (Spartien, Hadr., 6), Cn a vu, p. 16, n. 1, que M. Julius Dürr suppose que le séjour d'Hadrien en Mosie précéda son arrivée à Rome, ce qu'il me parait difficile d'admettre.

Cf., sur la parenté de ces peuples, Schafarik, Slav. Allerth., t. I, p. 533-373.

au lieu de combattre, il rétablit l'ancien subsile, se fit un ami du roi des Roxolans, qui semble avoir pris son nom, et le renvoya au plus vite, avec son peuple, à leurs campements, sur les rives du Boug et du Dnieper. Pour n'avoir pas à revenir sur cette frontière, nous en montrerons dès maintenant l'organisation défensive, à laquelle Hadrien travailla sans doute durant tout son règne.

Le territoire situé au nord des bouches du Danube, entre le Sereth et le Dniester (Bessarabie), par lequel les Roxolans venaient de passer et par où passeront toutes les invasions ultérieures, faisait partie, sous l'autorité d'un procurateur, du gouvernement de la Mosie inférieure. C'était une possession importante, quoique l'empire n'y eût point aventuré de colonies, parce que les troupes cantonnées dans la Dobrouteha pouvaient s'y porter rapidement et fermer la large ouverture qui, de ce côté, s'étend des Carpathes à la mer. Ainsi, une légion, la Ve Macédonique, avait été établie à Troesmis (Iglitza)*, non loin de la tête du delta danubien et des lieux où s'élèvent aujourd'hui, sur l'autre rive, les grandes villes de Braila et de Galatz. Parmi les nombreuses inscriptions qui y ont été trouvées, une, du temps d'Hadrien, montre la future cité encore à l'état de village (vicus) formé par les baraques des vivandiers. Pour le camp, il avait été habilement placé sur ce promontoire haut de 100 pieds, d'où l'on domine au loin le cours du Danube, parsemé d'iles nombreuses qui en facilitent à la fois le passage et la défense. Au moindre bruit d'invasion, la légion accourait au delà du fleuve, derrière le Sereth, et barrait la route aux envahisseurs, ou, par la menace de couper leur retraite, les forçait à une fuite précipitée. D'ailleurs, les Romains s'étaient depuis longtemps donné, à l'extrémité de cette région, un point d'appui, la ville de Tyras, ancienne et riche colonie de Milet, fondée aux bouches du Dniester, dans le voisinage de la ville actuelle d'Akkerman3. Ils en avaient même un second en Crimée (Chersonèse Taurique), à Kertch (Panticapée), où régnait un roi des Sarmates qui se disait grand ami

Du moins on a une inscription ainsi conçue: P. Elio Rasparasano regi Roxoianorum (C. I. L., t. V, 52; cf. 55), qui prouve que ce nom d'Elius, qui était celui d'lladrien, avait été pris et porté dans cette famille royale.

* Nous donnons hors page la restauration de Troesmis par M. Ambr. Baudry, Nous en devons la communication à M. Engelhardt, ancien consul général de France à Belgrade, qui avait soigneusement étudié les ruines de cette forteresse. Voy. L. Renier, Inscr. de Troesmis * Or. Henz,, no 6429. Cette inscription, qui relate une lettre de Septime Sévère confirmant des priviléges anciennement accordés à Tyras, montre la persistance de l'empire à protéger ces villes grecques de la côte septentrionale de l'Euxin d'où, par elles, il surveillait et contenait les Barbares de l'intérieur.

de l'empire et d'Hadrien'. Une autre colonie milésienne, Olbia (0tchakof), aux bouches du Borysthène (Dnieper), un des plus grands

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marchés de ces régions, leur servait encore de sentinelle vigilante.

C. I. L., t. III, no 783. Il régna de 92 à 124. Voyez ci-dessous, p. 44. Les Romams avaient

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