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• changes, les dominations, Dieu n'est point cela. Qu'est ce donc

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que Dieu? Je n'ai pu vous dire que ce qu'il n'est pas. Vous me demandez ce qu'il est : c'est ce que l'œil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point entré dans le cœur « de l'homme (1). »

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2. Cependant Dieu se fit connaitre plus particulièrement à Moyse, lorsque, comme s'il n'y avait que lui qui fût proprement, il lui dit : « Je suis celui qui suis, ego sum qui sum. Tu diras aux « enfants d'Israël : Celui qui EST m'a envoyé vers vous. Il ne dit « point, ajoute saint Augustin, C'est le Seigneur tout-puissant, mi« séricordieux, juste; s'il l'avait dit, il aurait certainement dit vrai; mais il retranche tous ces mots par lesquels on pourrait nommer « Dieu; il est dit seulement qu'il s'appelle l'Etre: Ipsum ESSE se « vocari respondit. Et comme si c'était là son nom, voici ce que « tu leur diras, ajoute-t-il : Celui qui EST m'a envoyé. Car il est << de telle sorte, que les créatures, si on les compare à lui, ne sont - point (2). Qu'êtes-vous donc, ô mon Dieu ? s'écrie encore le même « docteur. Qu'êtes-vous, sinon le Seigneur-Dieu? Car quel autre Seigneur que le Seigneur? Quel autre Dieu que notre Dieu? O « très-haut, très-bon, très puissant, tout-puissant; très-miséricordieux et très-juste; très-caché et très-présent; très-beau et trèsfort; stable et incompréhensible; immuable et changeant tout; jamais nouveau,, jamais ancien; renouvelant tout, et conduisant « les superbes à leur dépérissement; toujours en action, toujours « en repos; amassant sans besoin; portant, remplissant et protégeant; créant, nourrissant et perfectionnant toutes choses (3). « Et qu'ai-je dit, ô mon Dieu, ma vie et mes délices saintes? Et « que dit-on de vous, en parlant de vous? Malheur cependant à « celui qui se tait de vous! car, quoi qu'on dise, on ne dit rien, si « on ne parle, de vous (4).

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(1) Deus ineffabilis est; facilius dicimus quid non sit, quam quid sit... Quæ ris quid sit? Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis as cendit. Sur le psaume LXXXV. (2) Hoc dices eis, inquit : Qui EsT misit me. Ita enim ille est, ut in ejus comparatione, ea quæ facta sunt, non sint. Sur le psaume cxxxiv. — (3) Quid' es ergo, Deus meus? Quid, rogo, nisi Dominus meus? Quis enim Deus, præter Dominum? Aut quis Deus, præter Deum nostrum? Summe, optime, potentissime; omnipotentissime; misericordissime et justissime; secretissime et præsentissime; pulcherrime et fortissime; stabilis et incomprehensibilis; immutabilis, mutans omnia; nunquam novus, nunquana vetus; innovas omnia, et in vetustatem perducens superbos, et nesciunt; semper agens, semper quietus; colligens, et non egens; portans, et implens, et protegens; creans, et nutriens, et perficiens. Confessions, liv. 1, c. IV.— (4) Et

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3. Nous parlerons donc de Dieu; mais pour en parler, nous emprunterons le langage de Dieu même et de ses prophètes, de l'Église et de ses docteurs.

Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage de démontrer directement l'existence du Créateur, dont personne ne doute que celui qui s'obstine à tenir les yeux fermés à la lumière. Nous nous bornerons donc à exposer le dogme catholique sur la nature et les attributs de Dieu, sur les œuvres de la création et de la Providence..

PREMIÈRE PARTIE.

DE LA NATURE ET DES ATTRIBUTS DE DIEU.

CHAPITRE PREMIER.

De la notion de Dieu.

4. Quoique la nature divine soit incompréhensible, nous comprenons cependant que Dieu est, et qu'il ne peut n'être pas. Nous comprenons qu'il est celui qui EST, ego sum qui sum (1); c'est-àdire celui qui est l'Étre par excellence, l'Etre des êtres; qui est par sa nature, existant de lui-même, sans s'être donné l'existence, ni l'avoir reçue d'aucun autre; celui qui est aujourd'hui, qui a toujours été et qui sera toujours, heri et hodie, ipse et in sæcula (2). Nous comprenons qu'il est nécessairement; que son existence est nécessaire d'une nécessité absolue, de sorte qu'on ne peut ni le supposer ni le concevoir non existant; qu'il est absolument indépendant quant à l'Etre et quant à la manière d'étre; qu'il est essentiellement tout ce qu'il est et tout ce qu'il peut être ; qu'il est par conséquent infini. Nous comprenons enfin qu'il est l'alpha et quid dicimus, Dens meus, vita mea, dulcedo mea sancta? Aut quid dicit aliquis, cum de te dicit? Et va tacentibus de te, quoniam loquaces, muti sunt. Ibidem. — (1) Exod., c. in, V. 14. · (2) Epitre aux Hébreux, c. xiii, v. 8.

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l'omega, le principe et la fin de toutes choses, principium et finis (1).

5. Ainsi, quoiqu'on ne puisse donner une définition proprement dite de Dieu, nous disons que Dieu est l'Etre infiniment parfait, créateur et souverain Seigneur de toutes choses. D'abord, Dieu est infiniment parfait : « Le Seigneur est grand, dit le prophèteroi; il est au-dessus de toute louange, et sa grandeur est infinie: • Magnus Dominus et laudabilis nimis, et magnitudinis ejus « non est finis (2). » Comme il existe de lui-même et qu'il est absolument indépendant, il est nécessairement tout ce qu'il est et tout ce qu'il peut être en tout genre de perfections; il est donc nécessairement infini et infiniment parfait. Il est éternel, étant sans commencement et sans fin; et il l'est tout entier, parce qu'il existe nécessairement tout entier et dans toute la plénitude de son être. Il est immense; et il l'est tout entier, parce qu'il ne peut, pour ainsi dire, être ni plus ni moins étendu qu'il l'est, étant nécessairement tout ce qu'il est. Il est immuable; et il l'est dans tout son être, parce qu'il ne peut être autre qu'il n'est nécessairement; il ne peut rien perdre de ce qu'il a, ni rien acquérir de ce qu'il n'a pas. Toujours pour la même raison, il est intelligent, et il l'est infiniment; il sait tout, il voit tout, il conçoit et comprend tout; il est puissant, et il l'est infiniment; il peut tout; il est bon, et il l'est infiniment; il est sage, et il l'est infiniment; il est juste, et il l'est infiniment; il est miséricordieux, et il l'est infiniment. En un mot, étant l'Être nécessaire et quant à son existence et quant à sa nature ou à ses attributs, Dieu réunit nécessairement au plus haut degré possible toutes les perfections possibles, c'est-à-dire toutes les perfections qui sont compatibles, soit entre elles, soit avec le plus haut degré possible. La nature divine n'exclut que ce qui est contraire à la souveraine perfection; elle exclut les propriétés de la matière. Dieu est un être incorporel, immatériel; il est esprit, spiritus est Deus (3). La matière n'existe point nécessairement, elle est de sa nature contingente, pouvant indifféremment exister ou ne pas exister; elle ne peut par conséquent se concilier avec les attributs de l'Etre nécessaire.

6. Mais la distinction que nous faisons des perfections divines, qu'on nomme attributs de Dieu, n'est-elle pas contraire à la nature de l'Étre nécessaire, qui est essentiellement un, essentiellement simple et absolument indivisible? Il est bien vrai que les

(1) Apocalypse, c. 1, v. 8. — (2) Psaume CXLIV. - (3) Saint Jean, c. IV, v. 21.

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perfections de Dieu ne sont ni distinctes entre elles, ni distinctes de l'essence divine. Mais comment, faibles mortels que nous sommes, pourrions-nous, d'une seule vue, embrasser et comprendre l'infini? Comment pourrions-nous en parler sans emprunter le langage de Dieu même, qui, pour se mettre à la portée de l'homme, a bien voulu s'abaisser jusqu'à parler de ses attributs comme nous en parlons nous-mêmes? Comment concevoir celui qui est parfaitement un, sans le diviser, pour ainsi dire, en autant de parties qu'il a de rapports avec les créatures? En exprimant par divers noms les différentes perfections de Dieu, nous ne prétendons point exprimer une distinction réelle entre les attributs de l'infini. Nous le reconnaissons, en Dieu l'intelligence, la volonté, la puissance, la sagesse, la bonté, la justice, ne sont qu'une même chose. Ce qui pense en lui est la même chose qui veut; ce qui agit et qui fait tout, est la même chose qui pense et qui veut; ce qui prépare, qui arrange et qui conserve tout, est la même chose qui détruit; ce qui punit est la même chose qui pardonne : Neque enim in Deo aliud potestus et aliud prudentia, aliud fortitudo et aliud justitia, aut aliud castitas (1). Si donc nous distinguons les perfections divines en parlant de Dieu, ce n'est qu'à raison de la nécessité où nous sommes de contempler l'infini à diverses reprises, en le considérant sous les différents rapports qu'il a avec ses ouvrages, et particulièrement avec l'homme.

7. Nous avons dit que Dieu est l'Étre créateur et souverain Seigneur de toutes choses. C'est Dieu, comme nous le verrons plus bas, qui a créé, c'est-à-dire qui a fait de rien, le ciel et la terre, les anges et les hommes; en un mot, tout ce qui est hors de lui; comme c'est lui qui dirige tout, qui gouverne tout, qui dispose de tout dans sa sagesse.

CHAPITRE II.

De l'unité de Dieu.

8. Dieu est un, et il ne peut être qu'un ; il n'y a qu'un seul Dieu, et il ne peut y avoir qu'un seul Dieu : Unus solus est verus

(1) Saint Augustin, sermon CCCXLI.

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Deus (1). Quand Moyse se présente de la part de Dieu devant les enfants d'Israël, il leur dit:: Celui qui EST m'a envoyé vers vous. Il ne leur dit point, Ceux qui sont, mais Gelui qui est, celui dont Être est de nom essentiel, éternel, incommunicable. « Je suis celui • qui suis; c'est mon nom dans toute l'éternité; Ego sum qui «sum; hoc nomen mihi est in æternum (2). » Aussi le Seigneur disait-il au peuple juif : Considérez que je suis seul, et qu'il n'y a point d'autre Dieu que moi; videte quod sim solus, et non sit alius Deiss præter me (3). Telle est, d'ailleurs, la croyance des patriarches, des Israélites et des chrétiens; la croyance de tous les peuples. On a conservé chez toutes les nations une idée plus ou moins distincte de l'unité de Dieu. « Il faut, dit l'abbé Bergier, ou que cette idée ait été gravée dans tous les esprits par le Créateur « lui-même, ou que ce soit un reste de la tradition qui remonte « jusqu'à l'origine du genre humain, puisqu'on la trouve dans tous «<les temps aussi bien que dans tous les pays du monde (4). » Les idolâtres même avaient généralement quelque notion de l'Étre suprême, auteur de toutes choses. Ils ont connu, du moins imparfaitement, le vrai Dieu; et c'est parce que, l'ayant connu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu, qu'ils sont inexcusables: Inexcusabiles, dit l'apôtre, quia, cum cognovissent Deum, non sicut Deum glorificaverunt (5). Ils se sont rendus coupables en adorant la créature au lieu du Créateur: servierunt creaturæ potius quam Creatori (6). C'est en cela principalement que consistait le crime de l'idolâtrie. A quelques exceptions près, les gentils n'admettaient point plusieurs dieux proprement dits, plusieurs êtres incréés, souverains, indépendants. Le polythéisme, comme l'a remarqué l'abbé Bullet, n'était point un polythéisme d'égalité, mais un polythéisme de subordination (7). Les païens, dit Beausobre, n'ont jamais confondu leurs dieux célestes ou terrestres avec le Dieu suprême (8). En reconnaissant plusieurs divinités, ils reconnaissaient en même temps le Dieu très-grand et très bon, maximus et optimus, le père des dieux et des hommes, divum pater atque hominum: ce qui fait allusion à ce que dit Moyse, qui appelle le vrai Dieu le Seigneur des seigneurs, le Dieu des dieux, Deus deorum, Dominus dominantium (9). Ainsi, la croyance des différents peu

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(1) Concile général de Latran, de l'an 1215. Capit. 1. (2) Exod., c. III, v. 14 et 15. (3) Deuteron., c. xxx11, v. 39. (4) Dictionn. de théologie, art. Dieu. (5) Epitre aux Romains, c. 1, v. 20 et 21. – (6) Ibidem, v. 25. (7) De l'Existence de Dien, part. 1o.

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(9) Denteron., c. x, v. 17.

(8) Hist. du manichéisme, liv. IX, C. IV.

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