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AUX OBSCURS PIONNIERS

DE L'EUVRE CIVILISATRICE,

MISSIONNAIRES, FONCTIONNAIRES,

SOLDATS ET COLONS,

EN HOMMAGE D'ADMIRATION

ET DE GRATITUDE,

CET OUVRAGE EST DEDIE.

PRÉFACE

Lorsque, au cours même de la guerre, le comte Renaud de Briey eut à entreprendre le voyage en Afrique Centrale, dont le récit s'entremêle, dans les pages qui vont suivre, aux considérations qu'il nous apporte sur le Sphinx noir, il ne perdit pas de vue, un seul instant, l'avenir de la magnifique colonie, dont son pays, la Belgique, avait reçu, du grand roi Léopold, la garde et la responsabilité.

Depuis lors, l'intérêt du problème s'est infiniment accru et c'est le résultat de ces réflexions, où l'avenir surgit, pour ainsi dire, du passé, que nous apporte ce volume touffu, et pourtant lumineux, qui se lit comme un roman.

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Tous les problèmes coloniaux - problèmes qui sont peut-être les plus graves parmi ceux qui se trouvent posés à l'heure présente sont traités avec un grand sens des réalités dans les dix chapitres qui, tout en étant des études distinctes, répondent à une pensée unique faire vite et grand, dans le domaine colonial, sans improviser ni risquer.

Le bon sens belge pondère l'esprit d'initiative dont ce peuple est animé le cœur domine la matière et l'intelligence elle-même. Pas un instant l'auteur n'oublie que l'objet principal de son livre c'est l'homme, et qu'il souffre; pas un instant il n'oublie qu'on n'a jamais fait de grandes choses, ni dans le temps ni dans l'espace, sans avoir pour objectif principal l'humanité dans le double sens du mot.

Il ne peut être question, dans la courte préface, que l'auteur a cru devoir demander à un homme qui touche à la fin d'une longue carrière où les choses coloniales ont tenu une si grande place, de procéder même à une simple énumération des questions que met au point le Sphinx noir.

Je signalerai, seulement, quelques-unes des plus brûlantes, celles qui font l'objet de la préoccupation angoissée de la plupart des hommes qui s'occupent du « continent

noir ».

La question de la dépopulation, jointe, naturellement, à celle de la main-d'œuvre noire;

La question des voies de communication et des moyens de transport;

La question du système de gouvernement, et du rattachement à la politique métropolitaine.

La plus importante et la plus difficile de toutes est assurément celle de la dépopulation. De la lecture des pages que lui consacre le comte de Briey il me parait ressortir que l'avenir rêvé pour l'Afrique par la colonisation industrielle, impose, à la population noire, une tâche peut-être trop lourde. A cette tâche, elle ne suffira pas.

Le système de l'exploitation à outrance qui fut celui des colonies allemandes, devait aboutir fatalement, après un essor éphémère, à une faillite complète. On s'en consolait, peut-être, à Berlin en envisageant une solution par l'établissement d'une nombreuse immigration européenne. Oui, mais des millions d'êtres humains étaient, dès lors, condamnés à périr. Est-ce un titre pour réclamer si audacieusement des colonies nouvelles et pour jeter le discrédit sur l'œuvre plus prudente et plus indulgente d'autres pays colonisateurs?

Le comte de Briey est sévère, lui-même, pour le système

du «

protectorat » recommandé par nos administrations et par nos publicistes. Qu'il me permette de lui faire observer que ce système a, du moins, un mérite, celui de ménager les populations indigènes. Les ménager, c'est déjà les con

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Entre le parti pris idéaliste de l'assimilation et le parti pris trop réaliste du travail forcé, on peut admettre des degrés selon l'état de civilisation des peuples, selon leur culture, leurs mœurs traditionnelles, et, surtout, leur naturel et leur bonne volonté. C'est une affaire de « doigté colonial ».

Plus l'Empire colonial est vaste, moins la procédure des contacts doit se fixer à des formules rigides. Il vaut mieux faire patienter des actionnaires que faire périr les peuples.

A la difficulté inouïe de l'exploitation industrielle des colonies, M. de Briey le démontre excellemment, il y a un remède souverain, le développement des voies de communication et des moyens de transport.

L'Afrique Centrale a deux ennemis la distance et la mouche tsé-tsé; je dois ajouter la chute des grands fleuves, la cataracte qui isole le plateau central, selon la théorie de l'Afrique «< assiette renversée » que j'ai exposée jadis. A cette triple difficulté, la voie ferrée et les moyens de transport modernes permettent seuls de parer.

La pénétration en Afrique est en fonction de la construction d'un réseau continental de voies ferrées. Voilà près de trente ans, en 1898, que le problème des intercommunications par moyens mécaniques a été abordé et s'est exprimé dans une carte (( préconçue » des futurs réseaux africains (1). Grâce à cette conception préventive on a pu

(1) Voir cette carte et la légende qui l'explique dans « Le Général Mangin ». par Gabriel HANOTAUX de l'Académie française. Plon, in-12, 1925.

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