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ordre, cause une telle confusion dans les idées, que l'une efface l'autre, et qu'après une attention assez favorable, l'auditeur néanmoins, en se retirant, ne retient rien, ou presque rien de tout ce qu'il vient d'entendre.

Si la variété est nécessaire, c'est dans la narration: il y faut des figures et des tours, pour la rendre propre du panégyrique, et pour la distinguer de l'histoire : car de suivre trop exactement les traces des saints depuis leur naissance jusqu'à leur mort; de s'étendre dans un long détail de tous leurs sentimens et de toutes leurs actions; de n'en vouloir omettre nulle circonstance, et de ne s'élever jamais au-dessus d'un simple récit, c'est plutôt faire l'abrégé de leurs vies que leurs éloges; aussi est-ce par là que tant de panégyriques deviennent languissans et ennuyeux. L'orateur qui manque de forces pour soutenir sa matière, tâche à se soutenir lui-même par une multitude de faits qu'il étale sans art et sans autre éloquence que quelques exclamations froides et puériles.

Il n'y a qu'une imagination vive, noble et riche, telle que l'eut le Père Bourdaloue, qui puisse animer ces sortes d'expositions. En vain voudroit-on sur cela prescrire des règles; les plus beaux préceptes ne suppléeront point au défaut de ce feu naturel; et ce feu seul peut suppléer à tous les préceptes. C'est un don que tous n'ont pas reçu; et de là vient, en partie, qu'il est si rare de réussir dans les panégyriques et dans les oraisons funèbres.

A cette raison on en peut ajouter une autre, qui concerne l'expression et le style du panégyrique. Bien des prédicateurs se sont laissés prévenir là-dessus d'un principe, pour ne pas dire d'une erreur qui les a portés trop loin. Ils se persuadent que tout doit être semé de fleurs dans un éloge, et qu'on n'y doit rien ménager de tous les agrémens de la diction; parce qu'un célèbre orateur, dans les panegyriques qu'il a prononcés, s'est distingué par son style concis et sentencieux, brillant et poli, ils veulent se former sur ce modèle comme si c'étoit l'unique qu'ils eussent à se proposer: mais ils ne prennent point, ce semble, assez garde que ce qui plaît dans l'un, lequel suit son talent et dit les choses de génie, n'a plus de grâce dans un mauvais imitateur qui force son naturel, et sort en quelque manière hors de luimême. Qu'une certaine élévation et que certains traits soient plus convenables au panégyrique qu'au discours moral, c'est une règle établie et très-bien fondée ; mais dans cette élévation

et dans ces traits, il faut que tout soit conforme au caractère du prédicateur. Car pour peu qu'il s'en écarte, à force de s'élever, il se perdra en de vaines conceptions, et par trop d'ornemens il se défigurera. Le Père Bourdaloue a su se garantir de cet écueil. Dans ses panégyriques il n'a point quitté son style ordinaire : il y est grand, mais d'une grandeur aisée qui lui étoit propre, et où il ne paroissoit rien d'affecté.

C'est ce qu'on a pu surtout observer dans les deux oraisons funèbres que le public a déjà vues, et qu'il étoit à propos d'insérer parmi les sermons de cet excellent prédicateur. Ce sont les éloges de deux premiers princes du sang royal, non moins recommandables par l'éclat de leurs vertus, que par celui de leur naissance et par la grandeur de leur nom. Quelque difficulté qu'il y eût à représenter tant de glorieuses et éminentes qualités, le Père Bourdaloue, sans s'éloigner de sa manière de prêcher, et sans emprunter des secours étrangers, en a fait deux portraits des plus accomplis. On a cru devoir les joindre au second volume de ces panégyriques, afin de les défendre du sort des feuilles volantes; et l'on s'est d'autant plus intéressé à les conserver, que l'auteur, parlant au nom de sa compagnie, y a plus éloquemment exprimé les sentimens très-respectueux et trèssincères de notre vénération et de notre reconnoissance envers la maison de Condé.

Les sermons sur l'état religieux, qui suivent les panégyriques, auroient encore de quoi fournir à bien des réflexions. Rien n'est plus capable d'animer et de consoler les personnes religieuses; elles apprendront, en les lisant, à connoître l'esprit de leur vocation, à en estimer les avantages par rapport au salut, et à en remplir avec fidélité les devoirs; car ce sont là les points importans où le Père Bourdaloue s'est arrêté. Pour relever le bonheur de la profession religieuse, il n'en a point fait de ces peintures outrées qu'on voit en quelques livres spirituels. Il n'a point caché aux ames qui se dévouent à Dieu dans ce saint état, les peines et les croix qui en sont inséparables. Il pèse tout au poids du sanctuaire et selon l'esprit de l'évangile; et reconnoissant de bonne foi ce qu'il y a dans leur vie d'onéreux et de pénible, il leur propose d'ailleurs les motifs les plus puissans pour les attacher à Jésus-Christ et pour leur adoucir son joug. Il n'oublie pas même les gens du monde ; et par un retour salutaire sur leur condition, il leur enseigne à profiter de ces cérémonies, auxquelles ils n'assistent communément que par bienséance, ou

que par curiosité. On ne doit point, au reste, s'étonner que dans un si grand nombre de discours touchant le même sujet, il ait quelquefois employé les mêmes preuves et repris les mêmes idées. On aura plutôt lieu d'admirer sa fécondité dans les divers usages qu'il a su faire du même fonds.

Le petit éloge de M. le premier président de Lamoignon, n'est qu'un léger essai de ce que le Père Bourdaloue eût eu à dire, s'il eût entrepris un éloge complet de ce célèbre magistrat. Comme il en avoit été connu, et qu'il avoit eu lui-même l'honneur de le connoître particulièrement, il voulut au moins lui donner ce témoignage public de son respect, aussi bien que de sa gratitude et de son zèle.

CONTENUS DANS CE VOLUME.

SERMON pour la fête de saint André.

Sermon pour la fête de saint François Xavier.
Sermon pour la fête de saint Thomas, apôtre.
Sermon pour la fête de saint Etienne.

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Sermon pour la fête de saint Jean l'Evangéliste. 125
Sermon pour la fête de sainte Geneviève..
Sermon pour la fête de saint François de Sales. 188
Sermon pour la fête de saint François de Paule. 222

Sermon pour la fête de saint Jean-Baptiste.

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POUR LA FÊTE

DE SAINT ANDRÉ.

Ambulans Jesus juxta mare Galilæa, vidit duos fratres, Simonem qui vocatur Petrus, et Andream fratrem ejus; et ait illis Venite post me.

Jésus marchant le long de la mer de Galilée, aperçut deux frères, l'un Simon appelé Pierre, et l'autre André ; il leur dit Suivez-moi. En saint Matthieu, chap. 4.

Ces paroles de Jésus-Christ furent un ordre bien doux

en apparence, et bien facile à exécuter; mais au fond et dans l'intention même du Sauveur des hommes, cet ordre devoit être pour ces deux frères de notre évangile, un engagement à de rigoureuses épreuves; car leur dire: Suivez-moi, c'étoit leur dire: Renoncez à vousmêmes, préparez-vous à souffrir, soyez déterminés à mourir, ne vous regardez plus que comme des brebis destinées à la boucherie, que comme des victimes de la haine et de la persécution publique, que comme des hommes dévoués à la croix; c'étoit, dis-je, par ces courtes paroles: Venite post me, leur faire entendre tout cela, puisqu'il est vrai que la croix étoit le chemin où cet homme-Dieu avoit entrepris de marcher, et que selon ses maximes, il est impossible de le suivre par toute autre voie. En effet, chrétiens, c'est par là que ces bienheureux apôtres, Pierre et André, ont suivi leur divin maître; tous deux ont mérité de mourir, comme Jésus-Christ, sur la croix, tous deux ont eu l'avantage de consommer sur la croix leur glorieux martyre, et tous

TOME XII.

I

par

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