Page images
PDF
EPUB

communaux, les lois des 14 août 1792 et 10 juin 1793 ordonnèrent le partage par tête d'habitant domicilié de tout âge et de tout sexe, absent ou présent. Nous aurons occasion de revenir plus tard sur cette mesure, qui tendait à élever plus d'un mendiant au rang de propriétaire, mais qui ne reçut également qu'une incomplète exécution.

Lorsqu'enfin la France put retrouver quelques instans de calme, après les horreurs de l'anarchie et de la tyrannie populaire, on chercha à réparer les excès auxquels s'était portée la convention : les lois des 7 octobre 1796 et 10 mars 1797 ordonnèrent que les biens non vendus des hospices et des établissemens de charité leur seraient remis, et que ceux qui avaient été aliénés seraient remplacés en domaines nationaux.

Les sœurs de la charité purent alors reparaître sur le théâtre de leurs travaux et de leur sublime dévouement. En même temps les secours à domicile reçurent une organisation définitive et régulière. La loi du 27 novembre 1796 détermina le régime actuellement suivi. Elle institua dans chaque canton un ou plusieurs bureaux de bienfaisance composé de cinq membres chargés d'administrer les biens provenant de fondations en faveur des pauvres, et de recevoir les dons particuliers ayant la même destination, et enfin de faire la répartition des secours à domicile qui devaient être, autant que possible, donnés en nature.

Ces mesures étaient sages; mais, excepté dans les grandes villes où des octrois de bienfaisance furent établis, et dans un petit nombre de départemens qui possédaient encore quelques dotations charitables, les pauvres s'en ressentirent peu, et les secours n'existèrent que dans le bulletin des lois. Le gouvernement rechercha les moyens de les multiplier. M. le comte François de Neufchâteau, alors ministre de l'intérieur, fit réunir et imprimer une

collection de bons mémoires, traduits des langues étrangères, sur les hôpitaux, les lazarets, les prisons, sur les moyens de réprimer la mendicité, et de rendre aux vagabonds l'habitude et le goût du travail. Cette collection, répandue par ses ordres dans tous les départemens, communiqua à la France l'expérience des autres peuples, et contribua à propager des vues utiles. Les comités de bienfaisance de la capitale y puisèrent des lumières précieuses, et reconnaissent qu'ils en ont tiré des avantages dont on profite encore aujourd'hui. Cette époque fut remarquable par l'amélioration notable que reçut le sort des ouvriers. Quand le numéraire reparut, après la suppression du papier-monnaie, ils fixèrent leurs salaires à un tiers environ au-dessous du prix de 1789, et ce taux, que les circonstances rendaient juste et nécessaire, n'a guère varié depuis lors.

En 1801, de nouveaux réglemens, publiés par le gouvernement consulaire, perfectionnèrent l'administration des établissemens charitables et l'organisation des secours publics (1), et chaque bureau cantonnal de bienfaisance, dans

(1) « Dans les temps de la révolution, les filles de la Charité conservèrent leurs fonctions, en se bornant à cacher leur habit, qu'elles reprirent sous le consulat. »

« En 1801, les filles de Saint-Thomas-de-Villeneuve obtinrent, comme les sœurs de la Charité, de donner leurs soins aux pauvres et d'établir un noviciat. Dans le même temps, le gouvernement, frappé des services rendus par les religieux du Mont-St.-Bernard, au passage des Alpes par nos soldats, essaya d'établir de semblables hospices sur le Simplon et le Mont-Cenis. »

« On vit alors simultanément toutes les pieuses sociétés se rajeunir et se reformer. Dans le nord, les sœurs de la Providence et de la Sainte-Famille; dans le midi, les sœurs de Saint-Joseph, les dames de Nevers, les sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny; à l'est, les dames de Saint-Charles; dans l'ouest, les sœurs de la Sagesse et de la Société d'Evron ; au centre, les dames de Nevers, les sœurs de Saint-Paul, les sœurs de Bourges; partout, les filles de la Charité. »

« En 1807, les pieuses filles de Saint-Vincent comptaient 2,000 sujets, et desservaient 280 maisons. >>

« En 1806, on vit s'établir, à Paris, la maison de Saint-Michel, asile ouvert au repentir et à la pénitence. Ici, c'est le refuge; ailleurs, la maison

les campagnes, dut avoir sous ses ordres des bureaux auxiliaires composés du maire et des deux plus forts contribuables de chaque commune. Ces bureaux secondaires devaient se concerter avec le bureau cantonnal pour l'emploi des fonds réalisés.

pays

A la chute de l'empire, les malheurs des deux invasions, le dénûment d'un grand nombre de familles expulsées des enlevés à la France, les suites de la disette de 1816 furent de nouvelles causes de misère publique. Louis XVIII s'empressa de remédier, autant qu'il lui fut possible, aux maux qui pesaient sur la classe indigente; mais les charges onéreuses qui nous furent imposées par les armées étrangères mirent des entraves aux généreuses intentions du monarque. Cependant la bonne organisation de nos hospices suffit à pourvoir aux besoins les plus pressans, et chaque année apportait quelque amélioration au sort des pauvres (1). Les ordonnances des 6 février 1818 et 31 octobre 1821 complétèrent le nouveau système de secours en réglant les attributions des commissions des hospices et des bureaux de bienfaisance, comme aussi en établissant des conseils supérieurs de charité destinés à partager les honorables travaux des premiers, et dont font partie les préfets, les évêques et les procureurs généraux.

de miséricorde. Souvent ces retraites ont été justement appelées la Maison du bon Pasteur. »

« Le bien qu'opéraient toutes ces sociétés saintes fut si vivement senti, que Napoléon, par un décret du 1o sept. 1807, convoqua à Paris un chapitre général des sœurs des divers instituts, pour aviser aux moyens de consolider leurs bonnes œuvres. Le chapitre s'ouvrit le 27 novembre suivant, et on entendit la bouche éloquente de M. de Boulogne faire l'éloge de la Charité. » (Tableau des institutions religieuses, par M. Henrion,) (1) Sous la restauration, non seulement les maisons charitables existantes prirent une nouvelle consistance, mais on vit se former un grand nombre de nouveaux instituts dont nous citerons principalement :

1o La vaste maison du Bon-Sauveur, à Caen, sorte d'encyclopédie de bienfaisance qui rappelle l'idée de la ville d'Oxyrinque dont il est parlé dans les vies des pères du désert (la création en est due à M. le comte de

Dans le système conservé jusqu'à ce jour, il existe dans chaque ville où se trouvent des hospices ou des hôpitaux, une commission administrative composée de cinq membres, et présidée par le maire. Les membres de ces commissions sont renouvelés chaque année par cinquième, et peuvent être réélus; ils sont nommés par le ministre de l'intérieur dans les villes où les maires sont à la nomination du roi, et par le préfet dans les autres communes, sur une liste de présentation de candidats formée par la commission elle-même. Un bureau de bienfaisance, organisé sur les mêmes bases, existe dans chaque canton. Dans les villes divisées en plusieurs cantons, un seul bureau administre les secours et peut être réuni à la commission administrative des hospices. Les membres de ces diverses administrations exercent gratuitement leurs fonctions. Le recouvrement des recettes et le paiement des dépenses sont confiés à un receveur pris hors du sein de la commission ou du bureau, nommé par le ministre ou par le préfet, sur la présentation des administrations charitables. Lorsque les revenus du bureau de bienfaisance et des hospices sont considérables, le receveur perçoit un traitement et fournit un cautionnement portant intérêt. Beaucoup de receveurs de bureaux de bienfaisance remplissent gratuitement cet emploi. La comp

Vandœuvre, ancien maire de Caen, et préfet du département de la Moselle, au moment de la révolution de Juillet, magistrat qui a laissé partout les plus honorables souvenirs).

2o Les frères de Saint-Jean-de-Dieu, qui remplissent le touchant ministère des Alexiens que la France ne possède pas.

3o Les sœurs garde-malades ou de N.-D.-de-Bon-Secours, fondées par monseigneur de Quelen, archevêque de Paris.

4° La société de Saint-Joseph, pour les jeunes ouvriers, sous la protection de S. A. R. monseigneur le duc de Bordeaux.

5o La maison de refuge pour les jeunes prisonniers, à Paris.

6° La maison de retraite pour les pauvres vieillards, à Bordeaux, sons le nom de Bon-Pasteur.

7° L'infirmerie de Marie-Thérèse, pour les vieux prêtres, etc., etc.

abilité est vérifiée et arrêtée par les conseils de préfecture. Ces dispositions ne s'étendent pas à la ville de Paris, où les secours publics sont réglés d'après une ordonnance royale du 2 juillet 1816. Dans cette ville, douze bureaux de charité (c'est-à-dire un bureau par arrondissement) sont chargés, sous la direction du préfet du département de la Seine et du conseil général de l'administration des hospices, de la distribution des secours à domicile dans les différens arrondissemens. Chacun d'eux est composé, 1o du maire de l'arrondissement, président-né du bureau, des adjoints, du curé de la paroisse et des desservans des succursales; 20 de douze administrateurs qui se renouvellent par quart chaque année, et qui sont nommés par le ministre. Les pasteurs des temples protestans font également partie des bureaux. Chaque bureau de charité s'adjoint un nombre indéterminé de visiteurs des pauvres et de dames charitables qui sont admis à ses séances avec voix consultative, lorsqu'ils y sont invités par le bureau. Un agent comptable salarié, et tenu de fournir un cautionnement, est attaché à chaque bureau sous le titre de secrétaire-trésorier. Chaque arrondissement est divisé en douze quartiers, placés chacun sous la surveillance spéciale d'un membre du bureau. Les commissaires-visiteurs et les dames de charité sont spécialement attachés à chaque quartier. Leurs fonctions sont de recevoir et de faire parvenir au bureau de charité les demandes des pauvres, de prendre et de donner des renseignemens sur ceux qui sollicitent des secours, et de visiter les pauvres assistés pour connaitre leur conduite, l'usage qu'ils font du secours et l'état de leur famille. Ainsi se trouvent multipliés les moyens de connaître les véritables pauvres et de constater leurs besoins.

Les indigens sont séparés en deux grandes divisions; les indigens secourus annuellement et les indigens se

« PreviousContinue »