mauvais usage qu'ils en font, et changent les meilleures en un poison mortel à leur égard (1). 3. Que vous ne pouvez regarder comme il faut ni Dieu ni le monde, que par le moyen de JésusChrist. C'est par lui que Dieu est rentré dans le monde; c'est par lui que le monde est rentré en Dieu; c'est en lui que Dieu et le monde se sont réconciliés. O miroir sans tache! soyez toujours devant mes yeux; montrez-moi dans le monde les grandeurs de Dieu; découvrez-moi en Dieu les vanités du monde; faites-moi voir en vous-même comment je dois accorder les affaires du monde avec les affaires de Dieu. PRATIQUES ET ASPIRATIONS. Pour parvenir à ce degré, exercez souvent les quatre actes qui suivent. 1. Elévation au-dessus de tout ce qui est créé par un généreux mépris. N'aimez point le monde, ni tout ce qui est dans le monde, ce n'est que vanité (2). Saint Nicolas Tolentin entendant ces paroles saintes de la bouche d'un fameux prédicateur de l'ordre de Saint-Augustin, en fut tellement touché, qu'il résolut à l'instant de quitter les vanités du siècle pour servir Dieu dans la religion, ce qu'il exécuta à la fin du sermon: Vanité des vanités, et tout n'est que vanité, hormis aimer Dieu et servir à lui seul (3). (1) Hæc omnia sanctis in bona, sic et impiis et peccatoribus in mala convertentur. Eccl., 39, 31. (2) Nolite diligere mundum, nec ea quæ in mundo sunt. Voyez le premier chapitre du livre premier de l'Imitation de Jésus-Christ. (3) Vanitas vanitatum, et omnia vanitas, præter amare Deum et illi soli servire. 2. Fidélité dans l'usage des créatures, mettant tout à profit pour la gloire de Dieu. Serviteur fidèle, parce que vous avez été fidèle en peu de chose, je vous établirai sur beaucoup. Entrez dans la joie de votre Seigneur (1). Tout me peut servir si je suis fidèle, tout me peut nuire si je ne le suis pas. 3. Indifférence dans le choix, embrassant également tout ce qui nous porte également à Dieu. Seigneur, faites-nous la grâce de mépriser pour votre amour toutes les prospérités dont le monde nous flatte, et de ne craindre point toutes les adversités dont il nous menace (2). 4. Discrétion dans l'estime qu'on en fait, ne les prisant que ce qu'elles valent, c'est-à-dire, autant qu'elles nous portent à Dieu, et ne les fuyant qu'autant qu'elles nous en éloignent. Tout m'est permis, mais tout ne m'est pas expédient (3). Prisez, dit saint Augustin, ce qui vous conduit au ciel, qui est votre pays et le lieu de votre éternel demeure (4). (1) Euge, serve bone et fidelis, quia super pauca fuisti fidelis, supra multa te constituam. Intra in gaudium Domini tui. (2) Tribue nobis, Domine, pro amore tuo prospera mundi despicere, et nulla ejus adversa formidare. In omnibus exhibeamus nosmetipsos sicut Dei ministros, à dextris et à sinistris, per gloriam et ignobilitatem, per infamiam et bonam famam. 2 Cor., 6, 8. (3) Omnia mihi licent, sed non omnia expediunt. (4) Hoc placeat, quod ducit ad patriam. Ier ENTRETIEN DU TROISIÈME JOUR. PLEURER L'OFFENSE DE DIEU. PREMIER POINT. Le pur amour se plaît aux larmes, il y naît et s'y conserve comme dans son élément; apprenez donc à en faire un bon usage, et considérez, en premier lieu, que vos larmes doivent être pures et sans mélange d'aucun intérêt temporel. Vous ne devriez pleurer que l'offense de Dieu, ni donner vos larmes qu'à son amour. 1. Parce qu'elles sont inutiles pour toute autre chose temporelle. Toutes les larmes qui ne regardent point le royaume des cieux sont stériles et ne produisent aucun fruit. C'est en vain qu'on pleure pour des pertes ou des incommodités temporelles; toutes les larmes que ces motifs nous arrachent sont inutiles, il ne faut pleurer que le péché commis ou la perte du paradis (1). Si vous pleurez la mort d'un ami, voslarmes ne le ressusciteront pas; mais si vous pleurez la mort de votre âme, vous lui rendrez aussitôt la vie. Si vous pleurez la perte d'un bien périssable, vous ne la réparerez pas; mais si vous pleurez la perte du ciel, vous rentrerez infailliblement dans tous vos droits. (1) Sterilis est omnis effusio lacrymarum, quæ non effunditur propter regnum cælorum. Inanes sunt lacrymæ, quas damnum vel incommodum extorquet temporale. Flendum solummodo est pro peccato commisso, aut pro amisso para▾ diso. P. Cellens., l. de Panib. 2. D'ailleurs, quand vos larmes pourraient être utiles à vos intérêts temporels, elles sont trop précieuses pour être employées à des choses si viles. Un chrétien qui est fait pour jouir de Dieu, ne doit point s'affliger ni pour la pauvreté, ni pour les maladies, ni pour les mépris, ni pour toutes les disgrâces du monde. Tout cela n'est pas digne de larmes, dit saint Chrysostôme, il ne doit pleurer que le péché (1). Ezéchias pleura à la nouvelle de la mort, David à la révolte de son fils Absalon, qui l'obligea de prendre la fuite; mais l'un et l'autre regardaient leur disgrâce comme un effet de leur péché ; encore se cachaient-ils le visage, de peur qu'on ne s'aperçût de leur faiblesse. Ne pleurons, dit ce même père, que l'offense de Dieu; pour tout le reste, soit maladie, soit calomnies, soit persécutions, soit enfin tout ce qui peut arriver de fâcheux dans la vie, portons-le avec un courage invincible (2). , 3. Nos larmes sont les premiers fruits de la vie que nous commençons par les pleurs: Dieu qui se réserve les prémices en toutes choses, veut qu'on lui en fasse un sacrifice; c'est un tribut qui n'est dû qu'à lui seul. Un esprit affligé est un sacrifice qui vous est dû, ô mon Dieu; vous ne mépriserez point un cœur percé de douleur et de regret (3). Bien loin de le rejeter, vous le regardez d'un œil favorable (4), et c'est ma consolation dans l'extrême regret que j'ai de vous avoir offensé, que vous voyiez mes larmes (1) Hæc enim non sunt lacrymis digna. S. Chrysost., homil. 12 in epist. ad Coloss. (2) Tantum peccata lugeamus, omnia verò alia infracto animo feramus. (3) Sacrificium Deo spiritus contribulatus, cor contritum et humiliatum, Deus non despicies. (4) Posuisti lacrymas meas in conspectu tuo. et que mes gémissements ne vous soient point inconnus; vous les ramassez avec soin et vous en faites comme un trésor que vous conservez chèrement (1). Vous les écrivez dans le livre de vie, et vous en tenez un compte exact (2); il n'en tombe pas une seule dans la poussière, elles montent toutes vers vous, pour fléchir votre bonté et m'obtenir miséricorde. 4. Si cela est véritable, nous aurions grand tort de perdre le fruit d'une chose si précieuse, et d'employer inutilement ce qui peut être pour nous la semence d'une éternité glorieuse. A la vérité, je ne voudrais pas blâmer ceux qui s'adressent à Dieu, pour lui demander avec beaucoup de larmes leurs besoins temporels. La mère du jeune Tobie pleurait inconsolablement l'absence de son fils, et la mère de Samuel en demandait un à Dieu au pied du tabernacle avec beaucoup de soupirs. Je ne les voudrais pas condamner pour cela, mais, comme dit saint Grégoire, si une mère s'abandonne ainsi à la douleur en cherchant son fils, que doit faire une âme qui cherche Dieu, et qui brûle du désir de le trouver (3)? SECOND POINT. Vos larmes doivent être abondantes, et si vous avez de la douleur d'avoir offensé une souveraine (1) Posuisti lacrymas meas in thesauris tuis. (2) Posuisti lacrymas meas in rationario tuo. (3) Si sic planxit mulier quæ quærehat filium, quomodo debet plangere anima quæ quærit Deum. S. Greg., hom. 11 in Ezech. Si enim ita flevit, et in fletu ita perseveravit mulier quæ quærebat filium, quomodo plangere et in planctu persistere debet anima mea, quæ quærit et amat Deum, et ad Deum pervenire desiderat? S. Aug. in Med., c. 36. |