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Ne dites pas qu'il faudrait donc toujours être triste; tant s'en faut, dit saint Basile, il n'y a rien de plus doux que les larmes d'une vraie contrition, parce qu'elles viennent d'amour, et le Saint-Esprit en est l'auteur. Voulez-vous être consolé? NotreSeigneur a promis la consolation à ceux qui pleurent; leurs larmes, dit saint Ephrem, sont comme une espèce d'usure qui fait croître leur béatitude c'est un déluge sacré, dont les eaux les élèvent vers le ciel, à mesure qu'elles s'enflent (1). Ne pensez pas, dit saint Chrysostome (2), que ce soit une énigme; l'expérience vous fera connaître que leur douceur est capable de vous ôter le sentiment de toutes les disgrâces de cette vie. J'estime les yeux de saint Paul bienheureux, d'avoir vu Jésus-Christ dès cette vie, mais je les estime plus heureux d'avoir pleuré pour l'amour de Jésus-Christ.

PRATIQUES ET ASPIRATIONS.

1. Si vous voulez savoir ce que vous devez pleurer, regardez ce que les saints ont pleuré, et ce que Jésus-Christ a pleuré lui-même lorsqu'il était sur la terre. Pleurez votre aveuglement, et regrettez d'avoir si long-temps vécu dans l'ignorance volontaire de ce que vous deviez à Dieu (3).

2. Pleurez votre folie d'avoir préféré un moment arescit, quid ubi numquam ros venit ? Petrus Gellens., c. 12 de Panib.

(1) Totus hic extra corpus in cælum fertur. Quid dico extra corpus, imò extra seculum universum totus est, nec amplius conversatio ejus invenitur in terris. S. Ephrem., orat. de Jud. et Compunct.

(2) S. Chrys., hom. 15 in Matth., ethom. 12 in ep. ad Coloss. (3) Væ tempori illi quando non cognoscebam te! Væ cæcitati illi, quando non videbam te. . Aug., Soliloq. 32 et 33.

à l'éternité, et un néant à la source de tous les biens (1).

3. Pleurez votre ingratitude envers un père si débonnaire (2).

4. Pleurez votre malice d'avoir offensé sans sujet une bonté infinie (3).

5. Pleurez les plaies mortelles de votre âme. Seigneur, je suis malade, j'appelle le médecin; je suis aveugle, je vais à la lumière; je suis dans l'ombre de la mort, je soupire après la vie. O Jésus I vous êtes mon médecin, ma lumière, ma vie; ayez pitié de moi (4).

6. Si vous ne sentez point votre cœur touché de componction, adressez-vous à Notre-Seigneur, et lui dites avec saint Augustin: O roi de gloire, maître de toutes les vertus, qui nous avez appris à pleurer par vos paroles et par votre exemple, je vous prie par vos précieuses larmes et par toutes vos miséricordes; accordez-moi cette grâce que je pleure et regrette toute ma vie de vous avoir offense; car je sais que c'est un don qui ne vient que de vous ;

(1) Deus, tu scis insipientiam meam, et delicta mea à te non sunt abscondita. Ps. 68.

(2) Pater, peccavi in cælum et coram te.

(3) Amplius lava me ab iniquitate mea, et à peccato meo munda me. Væ animæ audaci, quæ speravit, si à te recessisset, se aliud meliùs habituram. Lib. 6 Conf., c. 16.

(4) Miserere mei, Domine, quoniam infirmus sum; sana me, Domine, quoniam conturbata sunt ossa mea. Ps. 6.

Ægrotus sum, ad medicum clamo; cæcus sum, ad lucem propero; mortuus sum, ad vitam suspiro. Tu es medicus, tu lux, tu vita, Jesu Nazarene, miserere mei, fili David, miserere meî, fons misericordiæ. S. Aug., Solil., c. 2.

Da mihi evidens signum amoris tui irriguum lacrymarum fontem jugiter manentem, etc. Medit., c. 36.

donnez-moi donc le don des larmes, par votre SaintEsprit, qui attendrit les cœurs endurcis des pécheurs, comme vous l'avez donné à nos pères, dont je veux suivre les pas, afin que je pleure toute ma vie, comme ils ont pleuré jour et nuit. O trèsdoux et très-aimable Seigneur, donnez-moi pour signe évident de votre amour une source inépuisable de larmes, où je lave sans cesse la victime de mon cœur, que je vous offre en holocaustes, afin que mes pleurs soient tout ensemble des témoignages de votre amour et du mien, qu'elles montrent et qu'elles publient combien mon âme vous aimé, puisqu'elle ne peut retenir ses larmes, pour la douceur qu'elle sent de votre amour, et pour le sentiment qu'elle a de vos miséricordes et de vos bienfaits.

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CELUI qui aime Dieu purement est ennemi de tout péché, parce que pour léger qu'il soit, il attriste le Saint-Esprit, qui est l'auteur du pur amour. Ce n'est pas que le Saint-Esprit puisse perdre la joie intérieure qui lui est essentielle, mais c'est que le péché lui déplaît infiniment, il le hait et ne le peut souffrir, parce qu'il choque toutes ses inclinations, et que s'il était capable de recevoir de l'ennui, la douleur qu'il lui causerait, serait suffisante pour troubler sa béatitude, et même pour le détruire ab

solument; car premièrement comme il est tout amour, il est aussi fort délicat et fort sensible au mépris et à l'injure qu'on lui fait. L'amour a deux effets qui semblent contraires. Quelquefois il fait que nous souffrons volontiers le mal que nous font nos amis, quand nous savons qu'ils le font sans y penser, ou même pour nous procurer un plus grand bien. Ainsi David reçut amoureusement les afflictions que Dieu lui envoya en punition de son péché, et saint Loup fit ouvrir les portes de la ville de Troyes au roi Attila, qui s'appelait le fléau de Dieu, disant qu'il serait toujours bien reçu venant d'une si bonne main. Mais quand on nous offense par mépris, nous nous en ressentons extrêmement, et le déplaisir que nous en recevons est d'autant plus sensible, que notre amour est plus ardent. Or, le SaintEsprit est un amour infini, un amour éternel qui sort pour ainsi dire de son centre, pour se répandre par une admirable extase, sur des créatures qui n'ont rien d'aimable que le bien qu'il leur fait. Qui peut donc concevoir combien il est délicat et sensible au mépris qu'on fait de lui en l'offensant? O bonté infinie, qui ayant un objet souverainement aimable dans le ciel, daigne s'abaisser jusqu'à la poussière pour aimer une vile créature qui ne lui fait que du mal! O malice des hommes qui ne le payent que d'ingratitude, et ne lui rendent que du mépris pour l'amour et l'estime dont il les prévient!

SECOND POINT.

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Ce qui aggrave l'indignité de ce mépris, c'est que nous avons la hardiesse de lui faire insulte jusque dans son sanctuaire. David ayant appris qu'un des enfants de Saül avait été assassiné dans sa propre maison, trouva cette circonstance si horrible, qu'il protesta qu'on ne pouvait punir assez rigoureusement les auteurs d'une action si lâche et si cruelle. Or notre âme est le domicile du Saint-Esprit, qui répand la charité dans nos cœurs et qui demeure dans nous comme dans sa propre maison. Nous sommes, dit Tertullien, le temple de Dieu, et nous avons reçu l'onction du Saint-Esprit, qui nous sanctifie par sa présence et qui commet la garde de ce saint lieu à la pudicité (1). N'a-t-il donc pas sujet de s'offenser, lorsque nous le profanons, et que nous y perdons le respect? Les plaintes qu'il en fait ne sont-elles pas trop justes? Quelle raison a eue cet ingrat que je tenais pour mon ami, de commettre tant de crimes et de me faire tant d'injures dans ma maison (2)? O l'ami du monde le plus parfait, qui ayant une demeure éternelle dans le sein du Père et du Fils, veut bien descendre dans nos cœurs pour y faire son séjour ! O dureté des pécheurs, qui traitent indignement un si doux hôte, et ne craignent point de le fâcher !

TROISIÈME POINT.

Le déplaisir qu'il reçoit du péché que nous commettons contre lui en sa présence, passe encore plus avant, car il s'oppose à toutes ses inclinations et lie les mains à sa bonté. Comme sanctificateur il voudrait nous faire avancer dans la perfection, et le péché retarde notre progrès dans la vertu; comme don il voudrait nous enrichir de ses grâces, et le péché en

(1) Templum Dei sumus illato in nos et consecrato spiritu, hujus templi ædituus et antistes est pudicitia. Tertull. (2) Quid est quod dilectus meus in domo mea fecit scelera multa?

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