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avons alléguée en un autre endroit : « Dieu, dit Sénèque, a créé de purs esprits pour être ses ministres dans le gouvernement du monde. Mais ces ministres ne sont pas des dieux, et ne veulent point passer pour tels. Ils n'ont garde d'accepter des autels, ni de demander des sacrifices. Toute leur gloire consiste dans la prompte obéissance qu'ils rendent aux ordres du Tout-Puissant. » Qu'on ne présume donc pas que ces esprits soient les fausses divinités que le peuple adore quoique, après tout, il nous soit fort indifférent qu'on ait cette pensée, elle ne peut avoir aucune force contre nous, puisque l'unité que nous reconnaissons en Dieu exclut toute pluralité. Qu'ils s'informent du moins, ces adorateurs des faux dieux, quel nom ils peuvent leur donner sans crime. Qu'ils sachent qu'on viole le respect qu'on doit à Dieu, lorsqu'on donne à plusieurs un nom qui ne peut appartenir qu'à un seul; et que ce grand Dieu ne communique à personne ni son nom ni sa puissance, Qu'ils apprennent de leur Apollon ce qu'ils doivent croire de Jupiter et des dieux qui sont moindres que lui. Il leur enseignera, par son oracle, que Jupiter n'a pas plus de part à la puissance souveraine que les autres dieux à la nature divine, et que de simples esprits ne sont pas des dieux, mais les hérauts ou tout au plus les ministres du vrai Dieu. Ce n'est pas que dans cet oracle votre Apollon ne soit un imposteur lorsqu'il parle de lui-même; car, n'étant qu'un mauvais démon, il a pourtant l'audace de se mettre au nombre de ces bienheureuses intelligences que Dieu appelle ses anges. Il est vrai qu'il se rend quelquefois justice, ou plutôt que la force de la vérité l'oblige à confesser malgré lui qu'il est un esprit impur. C'est ce qu'il fit dans cette autre réponse, qu'il rendit à ceux qui lui demandaient la manière dont il voulait être invoqué, et dans la formule de prières qu'il leur prescrivit :

O vous qui savez tout, qui connaissez tout, vous qui êtes présent partout, exaucez nos vœux, ô démon.

En donnant le modèle d'une autre prière qu'il veut qu'on lui adresse, il la commence par ces mots :

Lucifer, qui avez formé cette belle harmonie qui unit ensemble toutes les parties de l'univers, sage démon, etc.

Il se condamne donc lui-même par sa propre bouche, et demeurant d'accord qu'il est Lucifer, ce fameux rebelle, qui, dès le commencement du monde, se révolta contre son créateur, il est en même temps contraint d'avouer qu'il mérite la peine qui est due à son crime. C'est ce qu'il confesse nettement dans un autre de ses oracles :

Les démons qui habitent sur la terre, et ceux qui parcourent les campagnes liquides, gémissent sous la pesanteur des coups que le bras de Dieu fait tomber sur eux sans relâche.

Nous traiterons ailleurs de ces deux espèces de démons. Il nous suffit pour le moment d'indiquer que lorsque Apollon se veut honorer lui-même et se placer dans le ciel de sa propre autorité, il nous apprend que nous devons donner le nom d'anges à ces substances spirituelles qui environnent le trône de Dieu.

Que les hommes ouvrent donc enfin les yeux, qu'ils renoncent à leurs anciennes erreurs, et que, sortant des ténèbres d'un culte faux et profane, ils se laissent conduire, à la faveur d'une plus pure lumière, à la connaissance de leur Dieu, de leur Père. Mais qu'ils sachent que quelques efforts que fasse l'esprit humain, quelle que soit son élévation naturelle, de quelque pénétration qu'il se glorifie, il se trouvera toujours accablé de la puissance de Dieu lorsqu'il en voudra mesurer l'étendue, ébloui de sa majesté s'il la veut regarder trop fixement, et arrêté tout court s'il prétend remonter jusqu'à la connaissance de son origine.

On ne peut sans doute résister à la force et à la multi

titude des preuves que nous venons de rapporter, ni douter un seul instant que le monde ne soit régi par un pouvoir absolu, et par une providence infiniment sage, qui n'est autre chose que Dieu même. Platon, étonné des splendeurs de cette majesté, et considérant qu'elle doit être la force et la vertu qui donne le mouvement et la vie à tous les êtres, avoue, dans son Timée, que l'esprit ne saurait comprendre, ni la parole exprimer tant de grandeur et de puissance. Après cela, qui osera seulement penser qu'il y ait rien, je ne dis pas de difficile, mais d'impossible à Dieu, à ce Dieu qui, ayant formé dans son entendement le dessein et le plan de tant d'ouvrages merveilleux, les a produits au dehors par sa puissance, et les a perfectionnés par sa parole? Sa sagesse les gouverne, son esprit y maintient l'ordre, sa bonté les conserve; et, quoique nos yeux soient témoins de ces miracles, ces miracles demeurent toujours incompréhensibles et toujours ineffables. Car Dieu ne peut être parfaitement connu que de lui

même.

(Lactance. Institutions divines, liv. Ier, ch. v-VIII.)

XVI. DE L'IMMENSITÉ ET DE LA BEAUTÉ DE

DIEU.

Le ciel et la terre vous renferment-ils en eux, Seigneur, parce que vous les remplissez? Ou les remplissez-vous de telle sorte qu'il reste encore quelque chose de vous après que vous les avez remplis parce qu'ils ne peuvent vous renfermer tout en eux? Que si cela est, mon Dieu, où répandez-vous ce qui reste ainsi de vous, après que vous avez rempli le ciel et la terre? Mais n'est-ce point une pensée plus digne de votre grandeur, de croire que vous n'avez pas besoin d'être contenu par quelque chose, vous qui contenez toutes choses, parce que vous ne les remplissez de vous qu'en les contenant en vous? Car les vases qui sont pleins de vous ne vous tiennent pas renfermé en eux et arrêté par leur circonférence, comme ils contiennent et arrêtent l'eau dont ils sont remplis; puisque encore qu'ils se brisent, vous ne vous répandez point. Et lorsque vous vous répandez sur nous, vous ne tombez pas comme une liqueur qui est répandue, mais vous nous élevez vers vous et vous ne vous écoulez pas, mais vous nous rassemblez et réunissez en vous.

Or, remplisssant ainsi toutes choses dans cette vaste étendue de votre être infini et universel, les remplissezvous toutes de toute cette universalité de votre être? Ou parce qu'elles ne peuvent toutes vous comprendre tout entier, ne comprennent-elles que quelque partie de vous; et est-ce la même partie de vous qu'elles comprennent toutes ensemble? Ou chacune d'elles en comprend-elle une en particulier, les plus grandes une plus grande, et les plus petites une plus petite, comme s'il pouvait y avoir en vous de plus grandes et de plus petites parties? Ou ne devons-nous pas dire plutôt que vous êtes tout entier en

toutes choses, et qu'aucune chose néamoins ne vous comprend tout entier?

Qu'êtes-vous donc, ô mon Dieu, qu'êtes-vous, sinon le Dieu et le maître de toutes les créatures? Car y a-t-il un autre Dieu que le Seigneur, y a-t-il un autre Dieu que celui que nous adorons? C'est vous, Seigneur, dont la majesté suprême est accompagnée d'une suprême bonté, et qui n'avez pas seulement une très-grande puissance, mais une toute-puissance qui est infinie. C'est vous qui êtes également très-miséricordieux et très-juste: qui, étant très-présent partout, êtes néanmoins très-invisible et très-caché en tous lieux, et n'êtes pas moins aimable, par votre parfaite et souveraine beauté, que redoutable par votre force invisible. C'est vous, ô mon Dieu, qui, subsistant dans un être toujours immobile et toujours le même, êtes néanmoins toujours incompréhensible; qui, bien que vous soyez immuable, causez tous les changements et toutes les révolutions du monde; et qui, n'étant ni nouveau ni ancien, ni jeune ni vieux, renouvelez toutes choses et faites vieillir et sécher en même temps toute la force et la vigueur des superbes, sans qu'ils sentent votre main qui les précipite. C'est vous, Seigneur, qui agissez sans cesse, et ne laissez pas de demeurer dans un éternel repos; et qui, bien que vous soyez incapable d'aucune indigence, avez soin toutefois de recueillir le fruit de vos dons. C'est vous qui nous soutenez de votre main, qui nous remplissez de votre esprit et qui nous couvrez de votre protection. C'est vous qui nous créez de nouveau en nous tirant du néant de notre péché : qui nous nourrissez par votre parole, et qui nous perfectionnez peu à peu par l'accroissement de votre grâce. C'est vous enfin qui nous cherchez après que nous nous sommes perdus, comme si vous aviez quelque besoin de nous

retrouver.

Vous aimez, Seigneur; mais vous aimez sans trouble

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