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La seule marque de reconnaissance que nous pouvons rendre à Jésus-Christ, pour toutes les grâces que nous avons reçues de sa main, est de lui donner sang pour sang; et de sacrifier notre vie pour son amour, de même qu'il a sacrifié la sienne pour notre salut. Quel est le saint qui a reçu la couronne sans avoir combattu ? L'innocent Abel est mis à mort: Abraham court risque de perdre sa femme. Je ne m'étends pas davantage sur ce sujet. Si vous voulez considérer vous-même quelle a été la vie des justes sur la terre, vous verrez qu'ils ont tous souffert, et que les adversités ont été leur partage. Salomon seul a vécu dans les délices, mais peut-être aussi les délices l'ont-elles perdu. « Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il frappe de verges tous ceux qu'il reçoit au nombre de ses enfants. » Ne vaut-il pas mieux combattre, vivre derrière les retranchements et en armes, suer sous le poids de la cuirasse durant quelque temps, et goûter ensuite les fruits de la victoire, que de s'engager dans une servitude éternelle, pour s'exempter d'une peine passagère? Rien ne coûte quand on aime, et tout paraît facile à un cœur tendre et amoureux. Combien de travaux Jacob n'essuya-t-il pas pour posséder Rachel qui lui avait été promise en mariage? « Il servit sept ans pour Rachel, dit l'Écriture, et ce temps ne lui paraissait que peu dejours. >> Aussi, dit-il lui-même dans la suite: « J'étais pénétré de chaleur durant le jour, et de froid pendant la nuit. »

Aimons donc Jésus-Christ, cherchons toujours ses embrassements, et tout ce qui est difficile nous paraîtra facile; nous estimerons court tout ce qui est long. Blessés que nous serons des traits de son amour, nous dirons à tout moment: «< Hélas! que mon exil est long! Les souffrances de la vie présente n'ont point de proportion avec cette gloire qui sera un jour découverte en nous : parce que l'affliction produit la patience, la patience l'épreuve, et l'épreuve l'espérance or cette espérance n'est point trompeuse. Quand vous vous sentirez accablée sous le

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poids de vos peines, lisez la seconde épître de saint Paul aux Corinthiens : « J'ai souffert une infinité de travaux, dit cet apôtre, j'ai souvent enduré la prison, j'ai reçu des blessures sans nombre, je me suis vu souvent tout près de la mort; j'ai reçu des Juifs en cinq fois différentes trente-neuf coups de fouet; j'ai été battu de verges par trois fois; j'ai été lapidé une fois; j'ai fait naufrage trois fois; j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer; j'ai été souvent dans les voyages, dans les périls sur les fleuves, dans les périls des voleurs, dans les périls de la part de ceux de ma nation, dans les périls de la part des païens, dans les périls au milieu des villes, dans les périls au milieu des déserts, dans les périls sur la mer, dans les périls entre les faux frères; j'ai souffert toute sorte de travaux et de fatigues, les veilles fréquentes, la faim, la soif, les jeûnes réitérés, le froid et la nudité. » Qui de nous peut se vanter d'avoir souffert seulement la moindre partie des peines que ce grand &pôtre a essuyées? Aussi est-ce ce qui lui faisait dire avec tant de confiance: « J'ai fourni ma carrière, j'ai gardé la foi; il ne me reste plus qu'à attendre la couronne de justice qui m'est réservée, que le Seigneur, comme un juge équitable, me rendra en ce grand jour.

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Les viandes sont-elles mal assaisonnées, on se met de mauvaise humeur. Boit-on du vin avec beaucoup d'eau, on s'imagine faire une action fort agréable à Dieu; on brise les coupes, on renverse les tables, on frappe les serviteurs et on se venge, par l'effusion de leur sang, l'eau que l'on a bue. « Le du ciel se prend par royaume ་་ violence, et ce sont les violents qui l'emportent. » Vous ne l'emporterez jamais, ce royaume, si vous ne vous faites violence. Vous n'obtiendrez jamais ce pain mystérieux dont parle l'Évangile, si vous ne frappez à la porte avec importunité. N'est-ce pas faire, en effet, une grande violence au ciel, que de vouloir, tout chair que nous sommes, devenir semblables à Dieu même, et nous éle

ver, pour juger les anges, jusqu'à la place d'où ces esprits rebelles ont été précipités ?

Dégagez-vous pour un moment des liens du corps, et jetez les yeux sur cette grande récompense que Dieu nous prépare, pour nous dédommager des peines de la vie présente; récompense que l'œil n'a point vue, que l'oreille n'a point entendue, et que le cœur de l'homme ne saurait jamais comprendre. Qui pourrait exprimer quel sera votre bonheur et votre gloire en ce jour où la vierge Marie, mère du Seigneur, viendra au-devant de vous, accompagnée des chœurs des vierges, chantant la première au bruit des instruments, et, de concert avec ses compagnes, après le passage de la mer Rouge et la défaite de Pharaon enseveli sous les eaux avec son armée : « Célébrons les louanges du Seigneur, qui a fait éclater sa gloire et sa puissance, en précipitant dans la mer le cheval et le cavalier. » Alors sainte Thècle, transportée d'allégresse, vous prodiguera ses embrassements. Alors votre époux viendra lui-même vous recevoir, en disant :

Levez-vous, venez, mon amie, mon épouse, ma colombe; car l'hiver est déjà passé, et les pluies se sont dissipées. » Alors les anges, saisis d'étonnement, diront: « Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore, qui est belle comme la lune, et éclatante comme le soleil? » Les filles vous verront, les reines feront votre éloge, et les autres femmes publieront vos louanges. D'un autre côté, une nouvelle troupe de femmes chastes viendra à votre rencontre; Sara paraîtra avec les femmes mariées, et Anne, fille de Phanuël, avec les veuves. Celles qui ont été vos mères, et selon la chair et selon l'esprit, seront dans différents chœurs; celle-là se réjouira de vous avoir mise au monde, celle-ci s'applaudira de vous avoir donné une bonne éducation. Alors on verra véritablement le Seigneur entrer dans la Jérusalem céleste, monté sur une ânesse. Alors ces petits enfants, dont le Sauveur a dit, dans le prophète Isaïe; « Me voici, moi et les enfants que

Dieu m'a donnés, » portant des palmes à la main, pour marque de leur victoire, chanteront de concert : « Hosanna, salut et gloire, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur; hosanna, salut et gloire au haut des cieux!»> Alors les cent quarante-quatre mille qui sont devant le trône et devant les vieillards, prenant leurs harpes, chanteront un cantique nouveau, que nul autre qu'eux ne pourra chanter. Ce sont ceux-là qui sont demeurés vierges; ceux-là suivent l'Agneau partout où il va. Quand la vanité mondaine fera quelque impression sur votre cœur, et que le siècle étalera à vos yeux ses pompes et sa gloire, élevez-vous en esprit jusqu'au ciel, commencez à être ce que vous devez être un jour, et votre époux vous dira: « Mettez-moi sur votre cœur pour l'abriter, comme un sceau sur votre bras, » et par là votre cœur et votre corps étant à couvert, vous direz: « Les grandes eaux n'ont pu éteindre la charité, et les fleuves ne seront point capables de l'engloutir.»

(Saint Jérôme. Lettre XXI.)

VIII. DE LA VIRGINITÉ.

HILAIRE A SA TRÈS-CHÈRE FILLE ABRA, SALUT EN JÉSUS-CHRIST.

J'ai reçu ta lettre; elle m'apprend que tu soupires après mon retour, et mon cœur n'en saurait douter. Car je sens combien il est doux d'avoir près de soi ceux qu'on aime. Mais tu ne pourras plus t'affliger, me reprocher mon départ, les longueurs de mon absence, mon manque de tendresse, lorsque tu comprendras que c'est ton intérêt, non l'indifférence qui me retient loin de toi. En effet, puisque tu es mon unique fille, ô ma fille, et que nos deux âmes ne doivent faire qu'une âme, je voudrais aussi que tu fusses et la plus belle et la plus pure des filles.

Or j'ai su qu'un jeune homme possédait une perle et un vêtement d'un prix si inestimable, que la personne assez heureuse pour obtenir de lui cette parure, verrait bientôt pâlir, à son éclat, toutes les richesses du monde et tous les trésors de la terre. Je suis donc parti pour aller auprès de lui; arrivé enfin par une route longue et pénible, je me suis jeté à ses pieds: car ce jeune homme est si beau que nul n'oserait se tenir debout en sa présence. Dès qu'il m'a vu dans cette humble attitude : « Que me veux-tu, m'a-t-il dit, et qu'attends-tu de moi? Mille bouches, lui ai-je répondu, m'ont entretenu de la perle et du vêtement qui sont entre vos mains, et, si vous daignez ne pas repousser ma prière, c'est pour en orner ma fille chérie que je suis venu vous les demander. » Et cependant, le visage prosterné contre terre, j'ai versé des torrents de larmes; nuit et jour j'ai gémi, j'ai soupiré et supplié ce jeune homme de se rendre à mes vœux.

Mais lui, parce qu'il est bon et qu'il n'y a rien de meilleur que lui: « Connais-tu, m'a-t-il dit, ce vêtement et

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