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affirment, ou nient. Enfin je me fuis effor cé de les interroger de telle forte, qu'ils ne pûffent répondre autre chofe que ce que J'ai mis, ou qu'ils n'y changeaffent que les paroles; j'en ai fait quelques experiences fur des enfans de bon efprit. J'aurois fouhaité que l'on eût pû enfeigner ce Catechifme fans le faire apprendre par cœur: ou que l'on n'euft fait apprendre au plus. que les questions & les réponses après avoir plufieurs fois recité, ou fait lire le difcours, & l'avoir bien expliqué. Mais il en coûteroit trop au maître : & les enfans ont la memoire fi facile, que c'eft plûtôt fait de leur laiffer apprendre tout même le dif cours fuivi. Je voudrois du moins ne les point affujettir à redire les mêmes mots, qu'ils auroient appris. J'aimerois mieux qu'ils les changeaffent, fans changer le fens, puis que ce feroit une preuve affeurée qu'ils auroient compris la chose; au lieu qu'il y a fujet d'en douter, quand ils difent les mêmes paroles. Au refte, je pretends que le Catechifte fe donne toute la liberté neceffaire, pour augmenter ou retrancher, dans les queftions, auffi-bien que dans le difcours pourvû qu'il obferve les regles que j'ai marquées: & qu'il ne dife rien que de conforme à cette Doctrine, qui a été foigneufement examinée.

Quand au grand Catechisme, j'en ai retranché les questions & les reponfes: parce que les perfonnes plus raifonnables & plus âgées ne s'y affujettiroient pas volontiers, & n'en n'ont pas tant de befoin. Ils font d'ordinaire plus attentifs que les enfans, ils

ont l'efprit plus fuivi, & voient mieux d'utilité de ce qu'ils apprennent. Il fuffira_de le leur faire lire, ou le lire en leur prefence, & leur expliquer ce qui ne fera pas affez clair pour eux. S'ils peuvent lire la fainte Ecriture, il fera bon de leur indiquer les lieux d'où la leçon eft tirée, & ceux qui y ont le plus de rapport. On pourra leur choifir quelques endroits des Peres les plus propres à leur éducation : leur faire lire quelqes Actes des Martyrs, & quelques vies des Saints les plus certaines & les mieux écrites. Dans l'explication des Sacremens, la lecture du Rituel & du Pontifical fera fort utile. Enfin il faut autant qu'il eft poffible, faire au difciple la Doctrine, dans les fources où nous l'avons prife, afin de le rendre capable d'enseigner à fon tour les

autres.

Car les meilleurs Catechiftes feroient les peres de Famille, fi chacun étoit bien inftruit, & foigneux d'inftruire ses enfans & fes domeftiques. Ils feroient beaucoup plus de bien, que ne peuvent faire les Prêtres & les Pafteurs. Nous ne parlons aux enfans qu'à l'Eglife à certains jours, pendant peu de téms. Les enfans y font plufieurs enfemble, extremément diffipez par la compagnie, par les divers objets qui les frappent de tous côtez, & qui ne leur font pas familiers. Delà vient la peine que l'on a à les rendre attentifs, les interruptions & les reprimandes, qui emportent la moitié du têms deftiné au Catechifme. Pendant que vous êtes tourné d'un côté, l'autre fe dérange: fi vous vous appliquez à un enfant,

re

dix autres badinent; c'eft toûjours à commencer. Au contraire dans la maison, les enfans font plus recueillis, parce qu'ils font plus libres. S'ils n'ont pas cette crainte, qui les rend quelquefois immobiles à Eglife, leurs penfees font plus tranquilles, ils ne voyent rien qui leur foit nouveau. Un Pere qui n'en a que deux ou trois accoûtumés à le refpecter, n'a pas de peine à les tenir dans le devoir : il les a tous les jours auprès de lui, il peut prendre le têms où ils font les plus dociles; il connoît la portée de leur efprit, leur genie, leurs inclinations. Il peut les inftruire tout à loisir, & y donner tout le têms neceffaire : & ce têms doit être long; car comme les enfans ne peuvent s'appliquer beaucoup de fuite : il faut y revenir fouvent, & continuer l'inftruction pendant plufieurs années avançant à mesure que leur efprit & leurs mœurs fe forment. Ce que je dis, des peres doit s'entendre des meres à proportion, principalement à l'égard des filles : & je ne dis rien ici, que je n'aye vû & que je ne sçache par experience.

Je connois un homme, entr'autres qui eft paffablement inftruit de fa religion, fans avoir jamais appris par cœur les Catechif mes ordinaires; fans avoir eû pendant l'enfance d'autre maître que fon pere. Dès l'age de trois ans, ce bon homme le prenoit fur fes genoux, le foir après s'être retiré : lui contoit familierement, tantôt le facri fice d'Abraham, tantôt l'hiftoire de Jofeph, ou quelqu'autre femblable; il les lui faifoit voir en même tems dans un livre de figu

res, & c'é oit un divertiffement dans la famille de repeter ces hiftoires. A fix ou fept. ans, quand cet enfant commença à fçavoir un peu de latin: fon pere lui faifoit lire P'Evangile, & les livres les plus faciles de l'ancien Teftament, ayant foin de lui expliquer les difficultés. Il lui eft resté toute fa vie un grand refpect & une grande affection pour l'Ecriture fainte, & pour tout ce qui regarde la religion.

Je fçai bien qu'il y a peu de peres & de meres qui veuillent prendre cette peine. On trouve plus commode, de mettre les filles en penfion chez des Religieufes, & les garçons au College, ou de payer des maîtres & des maîtreffes; mais il eft difficile

que

des étrangers faffent par charité ou par interêt, ce que des peres & des meres feroient par l'amour que Dieu leur donne naturellement pour leurs enfans, s'ils fçavoient le bien appliquer. Quelque occupé que foit un pere, il a peu d'affaires aufli preflantes que celle-ci & fes enfans gagneroient beaucoup, fi pour leur laiffer une meilleure éducation, il leur laiffoit moins d'argent. On ne voit que trop de peres, qui ne fçavent à quoi s'occuper, après avoir mis leurs enfans hors de chez eux; & qui ne les cloignent, que pour n'en point avoir l'embarras, & fe donner plus librement à leurs plaifirs. Il ne faut pas s'étonner fi ces enfans ont peu d'amitié & même peu de refpect pour leurs parens; & c'est un grand bonheur, quand ils deviennent honnêtes gens & bons Chrétiens. Au contraire, on voit ordinairement reüffir ceux dont

les peres font vertueux, capables, & foi gneux de les bien instruire..

Tout le Catechifme fe rapporte à l'amour

de Dieu. Racontez, dit S. Auguftin, de De Cas telle forte, que l'auditeur croie en écoutant, techiza qu'il efpere en croiant, & qu'il aime en efperant. Or l'amour de Dieu, l'efperance, Ou la crainte ne s'inspirent pas d'ordinaire, en difant feulement qu'il faut aimer, craindre ou eiperer, quoi que l'on le repete plufieurs fois :

: principalement fi on le dit d'une maniere feche & defagreable. Il faut dire des chofes qui infpirent effectivement l'amour ou la crainte, foit que vous les nommiez ou non puis qu'il importe bien plus aux Disciples de les avoir que de les connoître. La crainte de Dieu entrera dans les efprits, fi l'on fçait bien reprefenter la création, les miracles du defert, & les autres faits, qui montrent fa grandeur & fa toute puiflance: fi l'on raconte bien le déluge, l'embralement de Sodome, les playes d'Egypte, la captivité de Babilone, & les autres effets de fa juftice. La feule dedu&tion de ces faits rendra Dieu terrible, même fans dire qu'il le foit. Au contraire, on le fera voir aimable par les biens qu'il a faits. à Abraham, par le foin qu'il a eû du peuple dans le defert, par fa fidelité à accomplir les promeffes, par la profperité de David & de Salomon, par le retour de Babilone: mais bien pus fans comparaison par l'incarnation de fon Fils, par la vie & la paffion de Jefus-Chrift. Après avoir raconté fidelement tout cela, quand même vous ne diriez point à vos auditeurs qu'ils doi

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