t SONGE (poésie.) FICTION que l'on emploie dans tous les genres de poésie, épique, lyrique, élégiaque, dramatique : dans quelquesuns, c'est une description d'un songe que le poète feint qu'il a ou qu'il a eu; dans le genre dramatique, cette fiction se fait en deux manières; quelquefois paroît sur la scène un acteur qui feint un profond sommeil, pendant lequel il lui vient un songe qui l'agite, et qui le porte à parler tout haut; d'autres fois l'acteur raconte le songe qu'il a eu pendant son sommeil. Ainsi, dans la Mariane de Tristan, Hérode ouvre la scène en s'éveillant brusquement, et, dans la suite, il rapporte le songe qu'il a fait. Mais la plus belle description d'un songe qu'on ait donnée sur le théâtre, est celle de Racine dans Athalie. C'est Athalie qui parle : Un songe (me devrois-je inquiéter d'un songe? ) Et moi, je lui tendois mes mains pour l'embrasser, (M. de JAUCOURT.) SONNE T. PETIT poème de quatorze vers, qui demande tant de qualités, qu'à peine, entre mille, on peut en trouver deux ou trois qu'on puisse louer. Despréaux dit que le dieu des vers Lui-même en mesura le nombre et la cadence, voilà pour la forme naturelle du sonnet. Il y a outre cela la forme artificielle, qui consiste dans l'arrangement et la qualité des rimes; le même Despréaux l'a exprimée heureusement: Apollon Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille, La rime avec deux sons frappât trois fois l'oreille ; Le terset coinmence par deux rimes semblables, et l'arrangement des quatre derniers vers est arbitraire. Ce poème est d'une très-grande beauté. On y veut une chaîne d'idées nobles, exprimées sans affectation, contrainte, et des rimes amenées de bonne grace. sans Boileau ne composa que deux sonnets dans le cours de sa vie. Voici le premier: Parmi les doux transports d'une amitié fidelle, Quand par l'ordre du ciel une fièvre cruelle Ah! qu'un si rude coup étonna mes esprits! Que je versai de pleurs ! que je poussai de cris! Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi. Il le fit très-jeune, et ne le désavouoit que par le scrupule trop délicat d'une certaine tendresse qui y est marquée, et qui ne convenoit pas, disoit-il, à un oncle pour sa nièce, Son autre sonnet mérite aussi d'être transcrit : Nourri dès le berceau près de la jeune Orante, Je goûtois les douceurs d'une amitié charmante. Quand un faux Esculape à cervelle ignorante, Oh! qu'un si rude coup me fit verser de pleurs! Oui, j'en fis dès quinze ans ma plainte à l'univers ; Notre poète satyrique n'a rien écrit de plus gracieux: A ses jeux innocens enfant associé : Rompant de ses beaux jours le fil trop délié: Fut le premier démon qui m'inspira des vers. Boileau a bien prouve par ce morceau qu'on peut parler en poésie de l'amitié enfantine aussi bien que de l'amour, et que tout s'ennoblit dans le langage des dieux. La loi qui exige que la rime finale soit d'un autre genre que la rime initiale, a pourtant été violée dans le célèbre sonnet de Desbarreaux. Grand Dieu, tes jugemens sont remplis d'équité: Oui Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété Et ta clémence même attend que je périsse. Contente ton desir, puisqu'il t'est glorieux: Tonne, frappe, il est temps; rends-moi guerre pour guerre. J'adore en périssant la raison qui t'aigrit; Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre, Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ? Le sonnet peut devenir épigramme: en voici un exemple fourni par Sarrazin, qui semble n'avoir point songé à faire un sonnet, tant il y a de douceur, de facilité, de naturel, comme l'exige toutefois la structure du sonnet: Lorsq'Adam vit cette jeune beauté Faite pour lui d'une main immortelle, S'il l'aima fort, elle, de son côté, Dont bien nous prend, ne lui fut point cruelle. Cher Charleval, alors en vérité Je crois qu'il fut une femme fidelle. Mais comme quoi ne l'auroit-elle été ? Or en cela nous nous trompons tous deux: Elle aima mieux, pour s'en faire conter, Nous terminerons cet article par le sonnet de l'Avorton: Toi qui meurs avant que de naître, Et que Toi que l'amour fit par un crime, l'honneur défait par un crime à son tour, Funeste ouvrage de l'amour, De l'honneur funeste victime! Tome X. Сс Donne fin aux remords par qui tu t'es vengé; N'entretiens point l'horreur dont ma faute est suivie. Deux tyrans opposés ont décidé ton sort; (M. de JAUCOURT.) |