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CHAMBRE DES PAIRS.

Le 17 avril, la chambre a nommé une commission pour l'examen du projet de loi sur les tabacs; cette commission est composée de MM. les comtes de Sussy, Cornet, Boissy-d'Anglas, de Monville et d'Argout. Une autre commission, formée de MM. les comtes d'Hédouville, Dejean et Daru, de M. le duc de Choiseul et de M. le mar quis Maison, s'occupera de la proposition de M. d'Hédouville, en faveur des plus anciens chevaliers de Saint-Louis. On a vérifié les titres de M. Bastard de Lestang, l'un des pairs nommés le 5 mars; il sera reçu à la prochaine séance, dont le jour n'a pas été fixé.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Le 16 avril, M. Delong a fait un rapport sur quelques pétitions; P'une porte des plaintes contre un maire; l'autre est d'un condamné qui demande sa grâce; ordre du jour. M. Mestadier fait un rapport sur l'élection de M. Claude Dupuy de Corcelles, député de Lyon, son élection a été trouvée régulière, quoique sur plusieurs bulletins on n'eût pas suffisamment distingué Corcelles l'aîné du jeune. Mais aucun doute ne s'étant élevé sur la nomination de l'aîné, il est admis et prête serment; il se place entre MM. de la Fayette et Guilhem. M. Paporet fait un rapport sur l'élection de M. Daunou, dans le Finistère. Les procès-verbaux sont réguliers; cependant le rapporteur remarque que le corps electoral s'est occupé d'autre chose que des élections qu'il avoit à faire, et qu'on y a lu publiquement une lettre du sous-préfet de Brest, sur les délibérations de la chambre des députés. Les impositions de M. Daunou sont aussi en règle, et ce qui lui manquoit est aussi complété par un acte dú 24 février dernier, par lequel les sieur et dame Martin lui vendent une maison, rue Sainte-Avoye. M. Daunou est admis.

On reprend la délibération sur la presse. On en étoit resté à l'article 5 du projet; M. Jacquinot propose d'y ajouter que la désobéissance aux lois sera punie des mêmes peines portées en l'article 3; cet amendement est adopté. Le président lit l'article 6 du projet, portant qu'il n'est point dérogé aux lois qui punissent la provocation ou la complicité résultant de tous actes autres que les faits de publication prévus par le projet. M. B. Constant propose d'y ajouter que l'imprimeur ne pourra être recherché quand il fait connoître l'auteur, et qu'on ne pourra retirer aux imprimeurs leur brevet que par jugement. Il s'est plaint des jugemens rendus par des tribunaux contre des imprimeurs d'écrits politiques, et il s'est étonné du silence du côté droit sur des questions aussi graves. Il a excité des murmures, en disant que ce ne seroit que dans la partie de la chambre où il siége que la France auroit trouvé des défenseurs. M. Guizot combat les amendemens du préopinant, comme contraires aux principes établis dans notre législation sur la complicité; l'imprimeur qui consacre ses presses à un usage condamnable, est comme un armurier qui donneroit des armes pour commettre un crime. M. de Chauvelin propose un nouvel amer dement moins favorable aux imprimeurs que celui de M. B. Cons

taut, mais qui tendroit à les mettre le plus souvent hors de cause. M. le garde des sceaux combat également les deux opinans. M. Manuel conclut à ce que le fait d'impression ne soit jamais réputé complicité. M. Courvoisier présente une nouvelle rédaction, concertée avec M. de Chauvelin; elle porte que les imprimeurs ne pourront être recherchés pour fait d'impression, à moins qu'ils n'aient agi sciemment. MM. Courvoisier et de Chauvelin se disputent un moment l'honneur de cette rédaction; elle est adoptée, et M. B. Constant retire la sienne. L'article 6 ci-dessus est néanmoins adopté. Le côté droit n'a poist pris part à cette discussion; mais il s'est levé tout entier pour adopter l'article 7, qui porte que quiconque se sera rendu coupable d'offenses pour la personne du Roi, sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être moindre que six mois ni excéder cinq ans, et d'une amende qui ne pourra être au-dessous de 500 fr. ni au-dessus de 10,000 fr. Une discussion s'élève sur la question de savoir si dans le reste de la délibération on suivra le projet primitif ou celui de la commission. M. le garde des sceaux consent à ce que l'on suive l'ordre indiqué par la commission. On retranche, sur la proposition de M. Royer-Collard, l'article des offenses envers les tribunaux, et l'on classe ainsi les délits, provocation contre l'ordre, outrages à la morale publique et aux bonnes mœurs, offenses publiques à la personne du Roi, offenses à la famille royale, aux chambres et aux souverains étrangers, diffamations et injures contre les particuliers. Il est cinq heures; on lève la séance.

Le 17, M. Daunou, député du Finistère, est admis et prête serment. M. de Cassaignoles fait un rapport sur le second projet de loi relatif à la presse, celui qui a pour objet le mode de poursuite et de jugement. Il a passé en revue les divers articles du projet sur les formes de procédure à suivre; la commission en a approuvé les principales dispositions, et ne propose que quelques légers amendemens qui trouveront mieux leur place lors de la discussion. Elle aura lieu mercredi. On feprend la délibération sur le premier projet et sur l'art. 8, des outrages à la morale publique et aux bonnes mœurs. On se rappelle que M. Benjamin-Constant a proposé de supprimer les mots de morale publique, et que M. Chabron de Solilhac au contraire a demandé qu'on spécifiât nommément la religion. M. de Saint-Aulaire combat l'un et l'autre amendement. Insérer le mot de religion, dit-il, ce seroit faire rétrograder la législation; les amis de la religion qui font cette demande n'ont pas consulté un zéle réfléchi et éclairé. Le christianisme ne se soutient pas par les châtimens, et il n'a triomphé des persécutions que par la patience. M. Ribard s'étonne de voir toujours de nouvelles concessions faites à l'esprit philosophique : nous en sommes venus à ne pas óser prononcer le nom de Dieu; il est banni de nos lois, et l'on propose même d'effacer les mots de morale publique, de peur qu'on ne soit tenté de comprendre la religion sous cette périphrase. Ainsi, vingthuit millions d'hommes dissimulent leur croyance pour ne pas effaroucher une raison altière. Vous n'aurez point, Messieurs, cette complaisance pour les idées du siècle, et si vous ne pouvez arrêter le torrent, vous éleverez du moins une réclamation subsistante, et vous confirmerez dans sa croyance cette immense majorité des François qui

veut son Dieu et son Roi. Le côté droit applaudit à cette noble dé claration. M. Royer-Collard vote pour le projet de loi, et trouve que la religion est suffisamment exprimée par les mots de morale publique, dont il demande la conservation. M. d'Hautefeuille propose d'ajouter les mots de morale publique et religieuse. M. Keratry vote pour l'article sans aucun amendement. M. Lainé dit qu'on n'est divisé que sur la question de savoir si le mot de morale publique comprend la religion. Les tribunaux se croiront-ils autorisés à poursuivre les ou trages contre la religion, quand ils ne trouveront dans la loi que ces expressions générales morale publique. Les tribunaux n'ont pas le droit d'interpréter, et la loi doit être claire et précise. Il faut donc nommer la religion. Bossuet lui-même disoit que chez les païens on ne devoit point outrager la religion publique. On a fait une bien triste objection; on a dit que tout étoit consommé, qu'il ne restoit plus rien à dire, que la licence avoit épuisé tous ses traits contre le christianisme. Mais faudra-t-il aussi tolérer les écrits contre les moeurs, parce que l'immoralité a vomi tant d'écrits corrupteurs? et le mal passé doit-il fermer les yeux sur le mal à venir? M. Lainé demande donc que le mot de religion soit inséré dans l'article. M. le garde des sceaux défend la rédaction du projet, et trouve de l'inconvénient à y ajouter quelque chose; il craint d'irriter les esprits, et de provoquer les dissentions même que l'on voudroit étouffer; il veut sur l'article de la religion une liberté entière et absolue. M. Courvoisier résume les diverses objections, et persiste dans ses conclusions. M. Benjamin-Constant an nonce que les raisons de M. le garde des sceaux l'engagent à retirer sa proposition. M. de Solilhac ayant annoncé qu'il joignoit son amendement à celui de M. Lainé, il ne reste plus que ceux de MM. Laine, Ribard et d'Hautefeuille, M. Cuvier déclare que c'est contre son penchant personnel qu'il combat l'amendement de M. Lainé, mais que le législateur ne doit point se décider d'après des Sentimens. Vous voulez tous, dit-il, environner la religion de respect, mais vous ne voulez pas enchaîner la liberté. L'amendement est mis aux voix; une première épreuve est douteuse; à la seconde, la majorité du bureau est d'avis que l'amendement est rejeté. On demande l'appel nominal. On procède au scrutin, et sur 202 votans, il y a en 110 voix contre l'amendement, et 92 pour. La séance est levée à six heures et demie, et la discussion sur les autres amendemens remise au surlendemain.

Le 19 avril, après un rapport sur quelques pétitions, par M. MagnierGrandprez, on a repris la délibération sur le projet de loi relatif aux délits de la presse. Le président a lu de nouveau l'art. 8, avec l'amendement de M. d'Hautefeuille, qui proposoit d'ajouter ces mots: morale religieuse. M. de Puymaurin remarque combien il est nécessaire d'aller au-devant de toutes les fausses interprétations; on sait ce qu'on peut attendre des ennemis de la religion; ils ne respectent plus rien, et ils finiroient par étouffer la religion; l'orateur appuie donc l'amendement. M. d'Hautefeuille dit que, s'il y a eu quelque dissentiment dans l'assemblée, c'est plutôt sur la rédaction que sur le fond; que tout le monde sent la nécessité de la religion, et que la chambre ne veut pas qu'on insulte plus la religion que la morale. La cause de la

France n'est pas perdue sans retour, dit M. de Marcellus, la religion, sera proclamée par nos lois; je romps un pénible silence; je me reprocherois de résister à un sentiment profond; et puisqu'on a rejeté l'amendement de M. Lainé, j'appuie au moins celui de M. d’Hautefeuille, M. le garde des sceaux déclare qu'il ne s'oppose point à l'amendement. M. Courvoisier croit que la proposition, quoique surabondante, peut être admise sans danger. Le président relit l'article amendé : Tout outrage à la morale publique et religieuse ou aux bonnes mœurs, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de 16 à 500 fr. L'article est adopté par une immense majorité; un foible groupe à l'extrémité gauche s'est seul levé contre. On passe au chap. 1V, des offenses envers la famille royale, les chambres et les souverains étrangers. Le 1er, article est adopté en ces termes : L'offense publique envers les membres de la famille royale sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende de 100 fr. à 5000 fr. La même rédaction est adoptée pour les offenses contre les chambres : pour les offenses contre les souverains étrangers, M. Bignon a combattu cette disposition; mais M. le garde des sceaux ayant proposé de rédiger ainsi l'article: Toute offense contre la personne des souverains étrangers, cette rédaction a été approuvée; la peine est la même que pour les deux articles précédens. On adopte, après une très-courte discussion, l'article qui porte que toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps, est une diffamation, et que toute expression outrageante, terme de mépris ou invective, est une injure. La diffamation ou l'injure envers les cours ou tribunaux et autres corps constitués, scra punie d'un emprisonnement d'au moins deux ans, et d'une amende de 200 à 4000 fr. La diffamation envers tout agent de l'autorité pour des faits relatifs à ses fonctions, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à dix-huit mois, et d'une amende de 50 à 3000 fr. On adopte l'article qui applique cette peine à la diffamation contre les ministres étrangers; M. Bignon s'est élevé contre ; son amendement a été rejeté. On adopte aussi l'article qui porte que la diffaination contre les particaliers sera punie de cinq jours à un an de prison, et de 25 à 2000 fr. d'amende. ou de l'une où de l'autre de ces peines suivant les circonstances; l'injure contre les agens du pouvoir sera punie de même; celle contre les particuliers sera punie de 16 à 500 fr. d'amende. On commence la discussion sur l'art. 20, relatif aux discours prononcés dans les chambres; M. Lainé propose d'y ajouter les discours imprimés des députés. M. le garde des sceaux combat cette addition. La chambre remet la délibération au jour suivant.

AVIS.

Ceux de nos Souscripteurs dont l'abonnement expire le 12 mai sont priés de le renouveler de suite, afin de ne point éprouver de retard dans l'envoi du Journal. Cela est d'autant plus urgent pour ceux qui en font la collection, qu'ils pourroient, par un plus long retard, nous mettre dans l'impossibilité de leur donner les premiers numéros du réabonnement.

(Samedi 24 avril 1819.)

(No. 491

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Nous craindrions de fatiguer nos lecteurs si nous leur mettions incessamment devant les yeux tout ce que la Chronique offre presque à chaque numéro de faux, de partial, de ridicule et d'amer. Elle a pris avec nous surtout un ton qui nous ôteroit l'envie d'entrer en dispute avec elle, et nous ne croyons pas nécessaire de nous défendre contre les reproches d'une critique aigre et arrogante, qui ne voit de bonne théologie que dans les écrits et les conciles des constitutionnels, et qui s'est formée pour les grâces de la langue dans les bulletins de la convention et dans les motions des clubs. Il n'est pas dans notre goût de lutter avec des gens qui se servent de pareilles armes, et nous renonçons volontiers à une controverse qui dégénère ainsi, et à une réplique qui ne feroit que provoquer de nouvelles invectives. Mais en gardant le silence sur tout ce qui nous est personnel dans la Chronique, nous croyons devoir signaler quelques articles qui portent un caractère plus marqué d'audace et de malice, et où les rédacteurs de ce recueil paroissent faire cause commune avec ceux qui cherchent à avilir les prêtres, et à ramener parmi nous toutes les idées révolutionnaires.

Dans leur 3. cahier, IIe. volume, ils rendent le compte le plus perfide d'un discours d'un orateur moins distingué encore par ses talens que par le noble but auquel il les consacre. Ils tourmentent ses expressions les plus simples, ils enveniment ses intentions les plus droites, ils lui prêtent des allusions dont ils exagèrent la malignité; ils l'accusent de déclamation et de diatribe, parce qu'il a parlé contre une philosophie destructive de l'autel et du trône; car ces hommes religieux n'aiment pas qu'on rappelle que c'est la philoTome XIX. L'Ami de la Religion et du Ror.

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