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sophie qui a renversé les autels et sapé le trône, ei ces images d'autel et de trône importunent celui qui, le 21 septembre 1792, proposa l'abolition de la royauté. Après le commentaire le plus astucieux et le plus méchant, ils finissent par un trait d'une malice profonde. Ces prédicateurs de la liberté trouvent fort bon que mille pamphlets déclament incessamment contre la religion; les gêner le moindrement, ce seroit un attentat contre la liberté de la presse: mais qu'un apologiste de la religion insiste sur la nécessité d'une éducation religieuse et monarchique, qu'il déplore tant de vains essais, tant de systêmes dangereux, et qu'il regrette dés institutions précieuses à la société et à l'Eglise, c'est un abus criant, c'est un écart qui, s'il se répétoit, pourroit peut-étre finir par éveiller l'autorité. Ainsi ils réelament pour eux et leurs pareils le droit de tout difeet de tout oser, et ils provoquent des rigueurs contre un orateur sacré qui use avec mesure des droits de son ministère. La liberté de la presse, même avec tous ses excès, est un droit sacré; mais la liberté du ministère évangélique n'est rien à leurs yeux. Si c'étoient des prêtres qui se montrassent si indulgens d'un côté et si sévères de l'autre, qui permissent tout aux faiseurs de pamphlets, et qui fussent si ombrageux pour les ministres de la religion, ne seroit-ce pas apparemment qu'ils seroient eux-mêmes plus faiseurs de pamphlets que prêtres, et que l'intérêt de leurs doctrines révolutionnaires les toucheroit plus que l'intérêt de la doctrine évangélique? Et à qui encore s'adressent leurs reproches et leurs imputations? A un homme dont heureusement la réputation de sagesse est faite depuis longtemps, qui n'a point donné prise sur lui-même sous le régime le plus soupçonneux, dont les discours comme la conduite ont toujours brillé par une modération inalté rable, et qui ne peut avoir pour ennemis que ceux qui le seroient de la religion et de l'ordre.

Déclamer contre les missions, est aujourd'hui un

remplissage obligé dans toute feuille libérale; mais on auroit cru au moins que par je ne sais quel sentiment des convenances, la Chronique auroit laissé ce soin à la Minerve ou à la Boussole. Point; messieurs de la Chronique, dans plusieurs de leurs numéros, honorent aussi les missionnaires de leurs plaisanteries et de leurs invectives. Dans le 2e. cahier du Ile. volume, ils s'élèvent contre un bien grand abus. On dit que dans quelques missions, lors de la plantation de la croix, après les cris de Vive Jésus, on a aussi crié Vive le Roi. La Chronique est justement choquée d'un tel scandale. Ils ne rougissent même pas, dit-elle, de placer dans leurs acclamations l'homme sur la méme ligne que Jésus, Christ et sa croix adorable. Quel abus! Il est sûr que cela est horrible, et d'après le même principe nous sommes forcés de dénoncer à messieurs de la Chronique les évangiles de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc, qui ont rapporté uniformément ce passage célèbre : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu; où l'homme se trouve aussi sur la même ligne que Dieu. Quel abus! Il faudra corriger cela dans une prochaine édition des Evangélistes.

Nous passons de fastidieuses doléances sur les concordats et sur l'ultramontanisme; matières sur lesquelles le rédacteur revient à tout propos, et nous arrivons au 7. cahier, où se trouve un long article sur le dernier Mandement de MM. les vicaires généraux de Paris pour le carême. Dans cet article, l'auteur regrette que l'autorité ne soit pas plus attentive, ou moins indulgente à l'égard des mandemens d'évêques, et il a la bonté de citer pour exemple Buonaparte, qui avoit défendu aux évêques de publier aucun mandement qu'il n'eût été vu et approuvé par le ministre des cultes. Les évêques doivent être très-reconnoissans envers la Chronique mais elle n'a pas été heureuse dans le choix de cet exemple; car il est notoire que cette mesure de Buonaparte ne put être exécutée, et qu'il fut lui-même

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obligé d'y renoncer; c'est sur quoi M. G. peut consulter ses anciens confrères, qui ne pourront que lui confirmer ce que nous lui disons ici. Nous ne le suiVions pas dans le compte qu'il rend du Mandement de MM. les grands vicaires. Il le dissèque, le commente, et chicane sur toutes les expressions avec une affectation marquée. C'est un soin bien louable que de chercher ainsi à rendre odieuse ou ridicule, aux yeux des fidèles, l'autorité ecclésiastique qui les gouverne. Et pourquoi cette critique aussi ennuyeuse d'ailleurs qu'injuste? C'est que MM. les grands vicaires se plaignent de tant d'écrits inspirés, disent-ils, par l'esprit d'hérésie, de schisme, de révolte contre l'autorité de l'Eglise et celle du saint Siége. Ils ne parlent qu'en général, ils n'indiquent nommément ni aucun ouvrage, ni aucun auteur. N'importe; messieurs de la Chronique ne s'y sont pas mépris. Nous ne voulons pas les contredire dans cette application qu'ils se font, et nous admirons même cette candeur et cette naïveté de croire qu'on les désigne sitôt qu'on parle de schismatiques et d'ennemis du saint Siége. Il est si rare de se rendre justice soi-même.

L'article qui suit dans le même cahier est extrait, dit-on, d'un livre qui a paru sous le titre de Constitutions de la nation françoise; il s'y trouve d'étranges choses; dans le nombre, deux ou trois traits nous ont singulièrement frappés. L'auteur embrasse avec ardeur la doctrine que M. T. a soutenue dernièment avec tant de fracas sur le mariage, et qui est devenue pour mes sieurs de la Chronique une espèce de règle de foi. Il ne tiendra pas à eux qu'on abolisse l'usage de la bénédiction nuptiale, et ils tâchent de trouver dans l'antiquité des exemples des délais qu'ils approuvent. L'église gallicane, est-il dans l'extrait, page 172, vénère la mémoire de saint Louis, qui, à l'exemple de tant de chrétiens de tous les siècles, consentit, en 1266, que le mariage de sa fille ne fût béni qu'après son accomplissement civil,

et plusieurs jours de cohabitation conjugale; elle ne reproche point à la mémoire de Henri IV de n'avoir fait bénir son alliance avec Marie de Médicis que le mariage fait et parfait, qu'après huit jours d'union conjugale. Assurément le grand et pieux auteur de la dynastie réguante seroit bien étonné s'il voyoit qu'on veut le rendre complice d'un systême si opposé aux idées de son siècle et aux siennes en particulier. C'est Maultrot qui, le premier, imagina de prêter à saint Louis une telle conduite, et d'autoriser d'un nom si illustre une doctrine tout-à-fait nouvelle. M. T. et M. L. n'ont fait que copier l'avocat janséniste; mais la charte du mariage de Blanche ne dit pas un mot de ce qu'ils y ont voulu voir. C'est une convention faite, en 1268, entre Alphonse, roi de Castille, et saint Louis; elle a pour objet un projet de mariage entre le fils du monarque espagnol, encore enfant, et Blanche, fille du roi de France. Les deux pères promettent de faire leur possible pour obtenir le consentement de leurs enfans. Le mariage se fera par procureur; puis la princesse sera remise aux envoyés espagnols, qui la conduiront en Castille, et le mariage sera célébré solennellement huit jours après. Telles sont les stipulations de la charte, qui ne renfer ment rien qui puisse favoriser le systême nouveau. Ce traité, comme ceux que l'on conclut entre les souverains, entre dans tous les détails; il spécifie que la princesse sera mariée huit jours après son arrivée; mais nulle part on n'insinue que la solennité du mariage ne viendroit qu'après la cohabitation. C'est un exemple choisi en désespoir de cause (1).

les

L'extrait inséré dans la Chronique continue ainsi : L'église gallicane aspire à l'élection des évéques par corps électoraux. Et où et quand l'église gallicane a-t-elle

(1) Voyez le texte de cette charte dans l'Examen du pouvoir législatif de l'Eglise sur le mariage, page 154. Vol. in-8o.; prix, 4 fr. et 5 fr. franc de port. A Paris, chez Adr. Le Clere.

émis ce vou? où et quand a-t-elle nommé l'auteur pour son interprête? Elle seroit sans doute bien étonnée d'apprendre quel désir on lui prête ici. Il est clair qu'on a confondu à dessein l'église gallicane avec celle qui en a quelque temps usurpé le nom, mais qui a bientôt été obligée de quitter son masque. Qui pourroit, en effet, reconnoître l'église gullicane dans cette triste église constitutionnelle, qui, dans sa courte durée, a eu le secret de rassembler tant de scandales; qui n'avoit été créée que par l'esprit de schisme, qui n'a pu se soutenir un instant qu'à la faveur du trouble, et qui a disparu avec l'ordre et la paix, comme les nuages s'enfuient au retour du soleil? L'église gallicane ne réside pas, Dieu merci, dans le bureau de la Chronique, et n'enregistre pas ses vœux dans un pamphlet libéral. Admirez comment l'auteur, qui s'est constitué son organe, la fait parler encore: Pacifique, humble et patiente, elle tolère les Concordats dont elle est victime (quelle tolérance, quand vous déclamez sans cesse contre!), les Concordats qui supposent l'oubli ou le mépris des lois et des saintes regles. Elle conjure le pouvoir législatif de la préserver au moins de ces refus arbitraires et prolongés des bulles épiscopales, qui mettent depuis quinze ans, qui mirent tant de fois la France et d'autres pays dans un fácheux état. Il faut convenir que le moment est bien choisi pour se plaindre du refus des bulles par la cour de Rome. D'abord il n'y a pas quinze ans qu'elle en refuse, puisqu'elle en a encore donné en 1808 et 1809. Ensuite est-il bien surprenant que le Pape n'ait pas donné des bulles, quand il étoit en prison, et qu'il 'avoit même pas de secrétaire? Enfin, depuis dix-huit mois, ce n'est pas, à ce qu'il semble, la cour de Rome qui refuse des bulles.

Nous arrivons à l'endroit le plus remarquable de l'extrait; c'est celui où l'auteur ose censurer deux testamens célèbres, et réprouver hautement l'ordre de les lire. Ceci sans doute ne surprendra pas moins le

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