après lui tout est applani. On est honteux de n'avoir pas pensé à ce qu'il a dit; on est tout persuadé et tout instruit de la vérité et de la sainteté d'une religion qu'on n'avoit jamais considéréo que superficiellement. La `mort d'un autre oncle, de Saint-Aubiu, de la famille de Coulanges, en 1688, la toucha sensiblement. Il m'a tenu long-temps la main en me disant des choses saintes et tendres; j'étois tout en larmes. C'est une occasion à ne pas perdre, que de voir mourir un homme avec une paix et une tranquillité toute chrétienne, un détachement, une charité, un désir d'être dans le ciel, pour n'être plus séparé de Dieu, un saint tremblement de ses jugemens, mais une confiance toute fondée sur les mérites infinis de Jésus-Christ; tout cela est divin. C'est avec de telles gens qu'il faut apprendre à mourir, tout au moins quand on n'a pas été assez heu→ reuse pour y vivre.... Il ne souhaite que l'éternité, il ne respire plus que d'étre uni à Dieu. Sa paix, sa résignation, sa douceur, son détachement sont au-delà de tout ce qu'on voit; aussi ne sont-ce pas des sentimens hu mains; c'est un avant-goût de la félicité.... La lettre suivante est encore remplie des mêmes récits et des mêmes sentimens. Je ne comprends pas, dit-elle ailleurs, qu'on puisse avoir un moment de repos en ce monde si l'on ne regarde Dieu et sa volonté, où, par nécessité, il faut se soumettre. Avec cet appui, dont on ne sauroit se passer, on trouve de la force et du courage pour soutenir les plus grands malheurs. Je vous souhaite la continuation de cette grace. Une lettre du 26 juillet 1691, écrite à M. de Coulanges, à Rome, est fort remarqua➡ ble, tant par des réflexions judicieuses et piquantes sur la mort de Louvois, que par d'autres considérations sur les affaires do Rome et du conclave; celles-ci sont pleines de modération et de sagacité. La dernière leure de Mme. de Sévigné semble inspirée par ua pressentiment d'une fin prochaine. Elle y parle beaucoup de la mort: Je ne saurois, ajoute-t-elle, changer de ton. Elle mourut à Grignan, le 17 avril 1696. Cette femme forte, écrivoit son gendre, a envisage la mort, dont elle n'a point douté dès les premiers jours de sa maladie, avec une fermeté et une sou➡ mission étonnante. Cette personne si tendre et si foible pour tout ce qu'elle aimoit, qu'elle aimoit, n'a trouvé que du courage et de la religion' quand elle a cru ne devoir songer qu'à elle ; et nous avons dú remarquer de quelle utilité et de quelle importance il est de se remplir l'esprit de bonnes choses et de saintes lectures, pour lesquelles Mme de Sévigné avoit un goût, pour ne pas dire une avidité surprenante, par l'usage.qu'elle a su faire de ces bonnes provisions dans les derniers momens de la vie. Ce recueil offre des exemples de conversion dans des hommes qui avoient sacrifié long-temps au monde et aux passions. Bussy-Rabutin, dont la vie n'avoit pas toujours été édifiante, ni la plume réservée, il s'en faut, revint à des sentimens plus chrétiens. Il faisoit ses délices d'Abbadie, et il en parle avec de grands éloges dans sa lettre du 15 août 1688; seulement ce changement n'avoit pas encore triomphé de l'excès de sa vanité. Il est certain, dit-il, que ma résignation n'est pas naturelle. Il n'y a que Dieu qui puisse donner autant de patience que j'en ai; je crois que saint François de Sales et notre grandmère de Chantal n'ont pas seulement demandé à Dieu toutes mes disgraces, mais encore l'esprit de les souffrir comme je fais. Il n'eût plus manqué à Bussy que vanter son humilité. F de Ces lettres peuvent, plus qu'on ne le croit, donner des lumières sur plusieurs faits assez remarquables de T'histoire da temps. Ainsi on y trouve des détails sur l'arrivée du roi Jacques II d'Angleterre, et de la reine sa femme, en France, et sur la réception que leur fit Louis XIV. L'éditeur a pris soin de marquer les progrès de la disgrâce du cardinal de Bouillon, qui blessa Louis XIV par ses prétentions exagé rées pour l'agrandissement de sa famille. Les leures de Mme. de Sévigué et de ses amis, ainsi que plusieurs notes de l'éditeur, jettent aussi quelque lumière sur les négociations entre Rome et la France après la mort d'Innocent XI. Le duc de Chaulnes, ami de la marquise, fut nommé ambassadeur à Rome en 1689; il enimena avec lui le comte de Coulanges, consin de cette dame; ainsi il est souvent question dans ses lettres, de l'ambassade et des négociations qui curent lieu entre les deux cours, et où Louis XIV suivit une conduite bien plus modérée que dix ans auparavant. Il s'agissoit d'abord de savoir si le duc de Chaulnes seroit reçu comme ambassadeur par le sacré collége, et si l'on n'exigeroit pas auparavant la restitution d'Avignon et le renoncement aux franchises, qui avoit occasionné des scènes si fâcheuses sous le dernier pontificat. Louis XIV paroissoit, au dehors, ne pas vouloir renoncer à ses prétentions; mais il se prêta à un subterfuge pour éluder la difficulté. Le duc de Chaulnes écrivit aux cardinaux françois un billet concerté, où il disoit en substance, que n'ayant point de palais à Rome, et logeant dans celni du cardinal d'Estrées, il ne pouvoit prétendre à aucune exemption de quartier. Cette lettre qui, au fond, équivaloit à un abandon des franchises, satis ཨ fit le sacré college, qui décida que le duc seroit reçu comme ambassadeur, sans parler des autres objets en litige. Cette disposition des esprits faisoit assez pressentir un arrangement. En effet, aussitôt qu'Alexandre VIII eut été élu, M. de Chaulnes lui restitua Avignon au nom du roi. L'éditeur relève ici une assertion de Grouvelle, qui prétend que le duc cut près de trois millions à distribuer pour faire choisir ce pape; il paroît, au contraire, que Louis XIV étoit prévenu contre le cardinal Ottoboni, et que, quelques jours après son exaltation, il arriva à l'ambassadeur des lettres où on lui recommandoit de la traverser; disposition qui resta secrète, l'élection étant finie. Louis XIV n'hésita même point à faire les premiers pas pour la paix. Le premier courrier que reçut le duc de Chaulnes après la nouvelle de l'exaltation, apporta une lettre toute gracieuse du roi au nouveau pape; ce prince y déclaroit se désister de la prétention des franchises des quartiers de son ambassadeur. Le pape, de son côté, accorda quelques faveurs qu'on lui demandoit (tome IX, pag. 271). Il restoit à finir l'affaire des bulles, et c'est sur quoi Coulanges donne des détails assez importans. Voici la substance de son récit. Quand Alexandre VIII fut élu, il demanda sculement que le roi déclarât que la bonne intelligence rétablie entre le saint Siége et la cour de France, rendant inutiles les précautions auxquelles on avoit été forcé de recourir, il consentoit qu'en matière de doctrine les choses fussent remises en l'état où elles étoient avant Innocent XI. Le pape auroit fait, de son côté, une déclaration analogue, et auroit donné des bulles aux évêques nommés, sans rien exiger d'eux. Au lieu d'instruire le roi de cette proposition du pape, le duc de Chaulnes entretint Louis XIV dans l'espérance de tout obtenir, et il insista pour qu'Alexandre VII se contentat d'une lettre de soumission que lui écriroient les évêques qui avoient été de l'assemblée de 1682. La rédaction de cette lettre souffrit beaucoup de difficultés. Le rr. juillet 1690, l'abbé, depuis cardinal de Polignac, partit de Rome avec un projet de lettre, mais il fut retenu à Gênes pendant six semaines. Pendant ce temps, des intrigues auxquelles on dit que le cardinal d'Estrées n'étoit pas étranger, changèrent tout le 'systême que la France avoit suivi jusqu'alors; les esprits s'irritèrent, et le roi offrit trop tard d'iu revenir à la déclaration générale et aux lettres particulières des évêques. Le pape tomba malade, et n'eut point connoissance de cette dernière dépêche. Il mourut le 2 février 1691, laissant une bulle du 4 août précédent, pour annuller les quatre articles. Le duc de Chaulnes ayant été rappelé dans l'été de 1691, Coulanges quitta aussi Rome, et ne nous fournit plus de détails sur la suite des négociations, qui ne furent terminées que deux ans après. Ce fut alors le cardinal de Janson qui en fut charge, et qui ent la gloire de terminer ce long différend. Tout ce que nous avons dit sur cette affaire, d'après l'éditeur, est tiré d'un manuscrit intéressant, intitulé: Relation des Conclaves de 1689 et de 1691, par CouJanges; il est question de le publier, et nous applau dissons à ce projet, qui feroit connoître des négocia tions dont, jusqu'ici, il n'avoit transpiré que peu de chose. Il y a dans ces trois volumes quelques lettres de Mme. de Grignan: on les lit avec plaisir; mais la fille |